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Quand le chef des renseignements extérieurs russes s'affiche en première ligne de la propagande

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cité par Sébastian Seibt dans

  France 24
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Le gouvernement français a tenu à réfuter les affirmations de Sergueï Narychkine, chef des renseignements extérieurs russes, qui avait évoqué l’envoi prochain de 2 000 soldats français en Ukraine. Un exemple typique de désinformation grossière ? Peut-être, mais cela ne veut pas dire que l’infox est forcément inefficace.

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Sergueï Narychkine
Sergueï Narychkine
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Le démenti officiel est tombé à la vitesse du tweet. “Les informations relayées par Sergueï Narychkine, directeur des renseignements extérieurs russes, relèvent d’un recours systématique à la désinformation de masse largement employée par la Russie”, a assuré le ministère français des Armées, mardi 19 mars sur le réseau social X.

Quelques heures plus tôt, une dépêche de Tass, l’agence de presse officielle russe, affirmait que les services russes de renseignement savaient de source fiable que Paris s’apprêtait à dépêcher 2 000 soldats français sur le front ukrainien.

 

Sergueï Narychkine, un propagandiste comme un autre ?

Si le ministère français des Armées s’est empressé de contrer ce qu’il considère comme de la propagande, c’est que ces allégations interviennent à un moment sensible. Fin février, le président français Emmanuel Macron a en effet refusé d’exclure tout envoi de troupes au sol dans le cadre de la guerre en Ukraine. Une sortie qui avait pris de court les alliés de la France, à commencer par l’Allemagne voisine. Le locataire de l’Élysée est pourtant revenu à la charge samedi 16 mars, affirmant au journal Le Parisien que “des opérations sur le terrain” pourraient devenir nécessaires pour “contrer les forces russes”.

Les prétendues “révélations” sur l’envoi de 2 000 soldats français en Ukraine reviennent ainsi à tenter de verser de l’huile sur le feu déclenché par la nouvelle rhétorique macronienne. L’annonce n’émane pas du premier propagandiste venu. Sergueï Narychkine “n’est pas dans le premier cercle du Kremlin mais se trouve assez haut dans la chaîne alimentaire et ce n’est pas quelqu’un qui se met d’habitude en avant”, souligne Stephen Hutchings, spécialiste de la propagande et de la désinformation russes à l’université de Manchester.

Par le passé, Sergueï Narychkine avait “eu une analyse de la situation [en Ukraine, NDLR] plus lucide que certains de ses comparses. Il s’était même montré peu favorable au lancement de ‘l’opération spéciale’ [terminologie officielle en Russie pour désigner la grande offensive militaire déclenchée le 24 février 2022, NDLR]”, note Dimitri Minic, chercheur au centre Russie-Eurasie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Des doutes qui lui avaient valu d’être publiquement humilié par Vladimir Poutine juste avant le déclenchement des hostilités.

Malgré ses réserves passées, “il a toujours eu une vision du monde similaire à Vladimir Poutine et aux autres 'silovikis' [membre des services russes de sécurité, NDLR] de haut niveau”, nuance Dimitri Minic.

Mais pour le chercheur, le simple fait que l’effort de propagande soit aussi ouvertement et publiquement porté par l'un des principaux chefs des services de renseignement sort de l’ordinaire et "rappelle les déclarations de Narychkine en avril 2022 sur le prétendu plan polonais visant à s’emparer de ses anciennes possessions en Ukraine". D’habitude, à l’image des opérations de fake news “Doppelgänger” ou de l’activisme des trolls russes, ces campagnes sont plus insidieuses.

 

Comme les Américains

Les prétendues "révélations" de Sergueï Narychkine font penser à la manière “dont les Américains ou encore les Britanniques avaient dévoilé des données du renseignement pour créer un dilemme dans le camp russe et dissuader Moscou de passer à l’attaque”, souligne Dimitri Minic.

Cette stratégie de dévoiler au grand jour certains secrets sur les mouvements de troupes russes dans l’espoir de dissuader Moscou de passer à l’acte avait alors été l’une des principales armes des renseignements occidentaux au début du conflit.

“Il est clair que dans ce cas, face à la France, la Russie imite les techniques du renseignement occidental qui, à ses yeux, ont bien fonctionné”, confirme Stephen Hutchings. Pour ce spécialiste, c’est d’ailleurs une tendance qui s’affirme de plus en plus côté russe. Début mars, Moscou avait ainsi rendu public une discussion entre hauts gradés de l’armée allemande que les espions russes avaient interceptée.

Avec les déclarations de Sergueï Narychkine, Moscou pousse ce bouchon encore plus loin. Il ne s’agit plus seulement de fournir du matériel de renseignement aux médias “amis” et se cacher derrière ses relais, mais d’incarner ouvertement et d'assumer les déclarations jusqu’aux plus hauts échelons du renseignement.

“C’est cela qui ressemble davantage à ce que les Américains ont fait avant l’invasion en Ukraine, même si cette tentative d’imitation, comme souvent dans la stratégie russe, est tronquée et peu subtile”, résume Dimitri Minic.

 

Convaincre les Russes avant tout

De quoi décrédibiliser tout ce nouvel effort de désinformation au sujet de la France ? Pas forcément. L’idée est aussi de créer un narratif pour le public russe qui ferait de la France la tête de pont de l’effort antirusse de l’Otan en Ukraine. Ce n’est pas la première fois qu’un officiel russe cherche à exploiter le refus d’Emmanuel Macron d’exclure la possibilité d’un envoi de troupes. Piotr Tolstoï, le petit-fils du célèbre écrivain et actuel vice-président de la Douma, a ainsi sorti de son chapeau le 17 mars sur BFMTV “l’idée française d’envoyer la légion étrangère à Odessa”. Il a même précisé que les troupes venues de France seraient des cibles prioritaires.

“Le but est ainsi d’ajouter des éléments au récit qui domine actuellement les débats actuellement en Russie et selon lequel ce n’est pas une guerre contre l’Ukraine, mais de défense contre les pays de l’Otan”, souligne Stephen Hutchings.

Pour lui, si le public russe est la cible principale de cet effort de désinformation, Moscou peut aussi “espérer créer une brèche dans l’unité du camp occidental”. “L’idée est de semer la graine du doute”, note Stephen Hutchings. Si les responsables d’un autre pays commencent à se demander si la France ne leur cache pas quelque chose, c’est déjà une victoire pour Moscou.

Et il est d’autant plus important d’essayer de “décrédibiliser la France qui entend se placer à l’avant-garde des pays qui soutiennent l’Ukraine et cherchent à contenir les actions hostiles de la Russie”, souligne Dimitri Minic. Pour lui, les déclarations de Sergueï Narychkine illustrent une guerre psychologico-informationnelle qui risque de s’intensifier contre la France.

 

> Lire l'article dans son intégralité sur le site de France 24

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Dimitri MINIC

Dimitri MINIC

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Chercheur, Centre Russie/Eurasie de l’Ifri

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Sergueï Narychkine
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