27
fév
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Dimitri MINIC, interviewé par Ksenia Goulia pour RFI

Sous la pression des évènements, Poutine a revu ses objectifs intermédiaires, mais n’a pas abandonné ses plans de détruire l’Ukraine en tant qu’État indépendant

La guerre de Moscou contre l'Ukraine dure depuis plus d'un an maintenant. Les objectifs du président russe Vladimir Poutine ont-ils changé ? Sa position au sein de ses propres élites s'est-elle affaiblie ? Quelle est désormais la relation entre Poutine et l'état-major général russe ? Nous avons adressé ces questions à Dimitri Minic, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et spécialiste des élites militaires et politiques russes.

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Un an après, comment expliquez-vous cette guerre déclenchée par la Russie ?
Les causes de l’affrontement sont nombreuses. J’en vois au moins cinq. La première est liée au projet impérialiste de la Russie poutinienne, qui s’appuie sur des arguments pseudo-historiques, ethniques, linguistiques et culturels pour justifier l’idée que les anciennes colonies de l’empire russe, dont l’Ukraine, font partie des intérêts nationaux ou vitaux du pays. La deuxième est liée à l’opposition radicale à l’Occident qui provient de la double idée que celui-ci est congénitalement hostile à la Russie, et ce que celle-ci doit s’y opposer et même le dominer, voire le regénérer. La vision du monde de la Russie et la perception que celle-ci a de son identité sont occidentalo-centrées. Le troisième élément important est le mode de pensée des dirigeants russes, qui ont tendance à voir les événements comme étant déterminés, interconnectés et souvent dissimulés. Tout cela explique en grande partie pourquoi Moscou est sincèrement obsédé par les prétendus complots occidentaux visant à contenir voire à détruire la Russie, en s’appuyant sur sa périphérie et ses oppositions internes. La quatrième est liée au régime autocratique poutinien et à sa préservation. Le fait que les deux anciennes provinces de son empire que Moscou a brutalement agressées aient été la Géorgie et l’Ukraine n’est pas fortuit : ces deux pays ont choisi non pas seulement de s’arrimer à l’UE et l’OTAN, mais d’adopter des valeurs et un style de gouvernement et de société typiquement occidentaux. La cinquième et dernière raison majeure est d’ordre stratégique : la guerre conventionnelle longue de haute intensité qu’on observe en Ukraine n’était pas désirée par Moscou. Elle est le fruit d’une pensée et d’une culture stratégiques russes post-soviétiques défectueuses qui portent en elles les germes d’un échec stratégique. 

Est-ce que les objectifs du Kremlin ont changé depuis le début de l’invasion ?
Non, l’objectif politique du Kremlin est toujours d’éliminer l’Ukraine en tant qu’État indépendant démocratique et perméable à l’influence occidentale, et d’annexer une grande partie de son territoire qui correspond plus ou moins à la Novorossia. Les objectifs intermédiaires (stratégiques) permettant d’atteindre cet objectif politique ont en revanche été révisés par la force des choses : l’échec initial de la Russie et les contre-attaques de l’Ukraine à Kiev, Kharkiv et Kherson ont forcé le Kremlin a adapté ses objectifs stratégiques au rapport de force réel. C’est pourquoi il s’est précipité d’annexer les territoires sous son contrôle et s’est concentré sur la capture du Donbass.

 

> Lire l'interview intégrale (en russe) sur le site de RFI

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