03
fév
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Carole MATHIEU, tribune parue dans Ouest France

Retour des États-Unis dans l’accord de Paris, et après ?

Pour Carole Mathieu, chercheuse Centre Énergie & Climat à l’Institut français des relations internationales, avec le retour des États-Unis dans l’accord de Paris, « Joe Biden entend conjuguer audace et apaisement politique. C’est de ce pari que dépendra la crédibilité climatique des États-Unis, et peut-être aussi la réussite de la COP26. »

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« Chose promise, chose faite. Au lendemain de son investiture, le Président Biden a lancé la procédure devant aboutir sous trente jours à la réintégration des États-Unis dans l’Accord de Paris sur le climat. L’Amérique est de retour et c’est une excellente nouvelle à l’approche de la COP26 prévue à Glasgow en novembre 2021.

Cela signifie d’abord que l’Arabie Saoudite, la Russie et le Brésil perdent un allié dans leur stratégie d’obstruction systématique qui n’a certes pas réussi à briser le soutien quasi universel à l’accord de Paris mais a autorisé un relâchement insidieux des efforts de chacun.

La préoccupation des Américains : obtenir des engagements chinois

Les États-Unis se posent à nouveau en partenaires constructifs et désireux de susciter un effet d’entraînement global. Ils tentent de renouer des alliances avec les pays dits progressistes et proposent de jouer un rôle moteur dans les préparatifs de la COP26, en organisant notamment un grand sommet de mobilisation générale le 22 avril prochain. Tous les dirigeants mondiaux seront invités, le Président Xi Jinping en tête, car obtenir des engagements fermes de la Chine reste la préoccupation première des Américains.

Les États-Unis, contributeurs à l’accumulation des gaz à effet de serre

Pour autant, il y a peu de chances que cet investissement diplomatique suffise à convaincre. Réintégrer l’accord de Paris est une chose mais il faut ensuite l’appliquer, et cela suppose de présenter un plan national de réduction des émissions pour 2030. À ce jour, les États-Unis restent le premier contributeur historique à l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et leurs émissions par habitant sont parmi les plus élevées au monde. On observe certes une tendance à la baisse, en particulier parce que le charbon est remplacé par le gaz de schiste plus compétitif et que des États comme la Californie poursuivent des politiques volontaristes, mais ce n’est pas de l’ordre d’une transformation systémique à la hauteur de la responsabilité des États-Unis.

Le camp démocrate fait face à un dilemme

Or, le candidat Biden n’a pas pris le risque politique de proposer un engagement chiffré de réduction des émissions pour 2030, préférant se référer à l’horizon plus lointain de 2050. L’opinion publique américaine reste en effet très divisée sur le climat et le camp démocrate fait face à un dilemme : adopter des mesures rapides et radicales ou bien prendre le temps de construire un consensus bipartisan et prévenir ainsi une remise en cause des acquis environnementaux à chaque alternance au pouvoir. L’idéal serait de ne pas avoir à choisir entre ces deux options, et pour cela le levier de la politique industrielle est l’un des plus prometteurs.

Réduire l’influence relative du lobby des énergies fossiles

En orientant son programme de relance économique sur l’essor des technologies bas carbone, Biden peut espérer un réalignement progressif des intérêts économiques américains sur ceux du climat. Plusieurs annonces vont déjà dans ce sens, comme la conversion de la flotte fédérale aux véhicules électriques « made in USA » et le renforcement du soutien public à l’innovation. Cette approche permettrait de réduire l’influence relative du lobby des énergies fossiles sans aller vers une confrontation directe. Dans le même esprit, le Président écarte catégoriquement l’idée de mettre fin à l’exploitation des pétroles et gaz de schiste, mais les agences fédérales ont reçu pour mandat de mieux encadrer ces activités, en particulier concernant l’enjeu des fuites de méthane. Joe Biden entend conjuguer audace et apaisement politique. C’est de ce pari que dépendra la crédibilité climatique des États-Unis, et peut-être aussi la réussite de la COP26. »

 

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