29
avr
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Alain ANTIL, interviewé par David Perier pour L'Elephant.

Alain Antil : « Les analystes craignent une extension du salafisme- djihadisme à certains pays du golfe de Guinée »

Directeur du Centre Afrique subsaharienne à l'IFRI, le chercheur Alain Antil revient sur la condition du Mali. Cet article est la deuxième partie du dossier "5 moments qui ont contribué à façonner le Mali".

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Quel est l'état d’esprit des Maliens à l’égard de l’intervention française ?

Il existe très peu d'etudes quantitatives fiables sur l’état d’esprit des Maliens. Cependant, parmi les rares études solides, il faut mentionner le travail du bureau bamakois de la Fondation Friedrich Ebert (le « MaliMètre »). Cette fondation allemande fait des sondages depuis une dizaine d’années sur les perceptions des Maliens à l’égard de leurs institutions et sur les différents partenaires du pays présents au Mali. Ainsi, si l’on compare le Mali-Mètre de 2014 et celui de 2020, on voit que la confiance des Maliens envers l’intervention militaire française s’est effondrée : 56 % d’opinions positives en 2014, contre plus de 80 % d’opinions négatives en 2020. On retrouve les marqueurs les plus visibles de ce mécontentement dans des manifestations de rue (slogans anti-français, drapeaux brûlés), dans la presse nationale et évidemment sur les réseaux sociaux. On peut distinguer plusieurs strates de mécontentement. D’abord, puisque la situation sécuritaire s’est objectivement dégradée ces dernières années, tous les acteurs de la sécurité (autorités maliennes, opération Barkhane, Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, la Minusma) subissent cette perte de confiance de l’opinion publique. Ensuite, la présence d’une armée étrangère - de surcroît celle de l’ancienne puissance coloniale - ne va pas sans susciter des réactions nationalistes à l’encontre de la France. Cette présence alimente quotidiennement le procès en néocolonialisme.

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Le nord du pays est-il définitivement perdu par le gouvernement de Bamako ?

Le nord du pays n’est pas perdu par Bamako, mais la situation s’est singulièrement compliquée ces dernières années. On y dénombre dorénavant une douzaine de groupes armés non étatiques que l’on peut classer en trois catégories : salafistes-djihadistes, indépendantistes-autonomistes et pro-Bamako. S’y ajoutent l’armée malienne, Barkhane, la Minusma et la force européenne Takuba. Sans les groupes pro-Bamako et Barkhane, le Mali aurait déjà perdu définitivement tout contrôle du Nord. Pour dire les choses plus brutalement, l’armée malienne est aujourd’hui une actrice secondaire de la sécurité au Nord et le sera encore à court et moyen terme. L’administration malienne s’est quant à elle difficilement redéployée dans la zone. Dès que l’on sort des centres urbains les plus importants, l’État malien n’est, de facto, plus présent.

Quelles relations le Mali entretient-il avec les pays frontaliers ? Sont-ils solidaires de leur voisin sahélien ?

Le Mali a créé en 2014, avec d’autres pays de la zone, le G5 Sahel, une structure de coopération sur les ques tions de développement et de sécurité qui a mis en place une série d’instruments plus ou moins opérationnels dont le plus célèbre est la Force conjointe du G5 Sahel. Cela a contribué à un renforcement de la coopération avec ses voisins et à une meilleure compréhension mutuelle. Certains d’entre eux (le Niger, le Burkina Faso) ont même déployé des soldats au Mali dans le cadre de la Minusma. Cependant, des pays comme la Mauritanie et le Niger pointent régulièrement Bamako du doigt comme responsable de la dégradation de la situation sécuritaire dans la zone, notamment en raison de l’incurie de ses forces armées.

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> Retrouvez l'entretien sur la revue l'Elephant.

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Mots-clés
djihadisme Opération Barkhane Salafisme Golfe de Guinée Mali Sahel