Contre Kiev et ses alliés, Moscou intensifie les opérations de guerre « hybride »
Dirigée par un proche de Vladimir Poutine, la lutte informationnelle russe, produite à peu de frais comparée aux moyens engagés sur le terrain en Ukraine, alimente les tensions. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, en février 2022, c’est la face silencieuse du front, loin des morts au combat, des tirs d’artillerie et de la boue des tranchées.
La « guerre hybride » que mène la Russie contre l’Ukraine et ses alliés – à coups de cyberattaques, de manipulations informationnelles et d’infiltration d’agents chargés des opérations de déstabilisation – constitue un autre aspect de la guerre que mène Moscou contre Kiev et ses soutiens. Une guerre d’usure.
Ce type d’actions de la Russie, qui préexistaient avant février 2022, a pris un virage plus « débridé » et « décomplexé » contre les pays membres de l’OTAN, soutiens de Kiev, constatent tous ceux qui y sont confrontés au sein de l’appareil de défense français. « C’est rude pour les services et pour les armées car la parade n’est pas toujours simple », résume une source proche du dossier.
Le ministre des armées Sébastien Lecornu, a ainsi récemment fait état d’« une centaine » d’interactions agressives, dont 70 concernaient l’Europe. S’agissant de la France, a-t-il précisé le 22 février, sur RTL, « vous avez des tentatives de prises de contrôle de la part des Russes d’un certain nombre de nos patrouilles ; il y a un mois, un système de contrôle aérien russe a menacé d’abattre des avions français en mer Noire alors que nous étions dans une zone internationalement libre dans laquelle nous patrouillions. ».
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« Méthodes anciennes »
Dirigée par Sergueï Kirienko, un proche de Vladimir Poutine, la lutte informationnelle russe, produite à peu de frais comparée aux moyens engagés sur le terrain en Ukraine, fait l’objet d’un vrai « effort » depuis le début de la guerre, affirme une source militaire. Or, malgré une hausse des ressources depuis 2021-2022, les capacités de ripostes occidentales demeurent loin de l’échelle russe. « On reste avec l’usage de méthodes démocratiques, c’est compliqué », estime une source sécuritaire européenne.
Les opérations virtuelles russes sont, en outre, de plus en plus couplées à des opérations bien réelles. Selon les milieux sécuritaires français, en septembre 2023, le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, aurait ainsi échappé de peu à une tentative de coup d’Etat mêlant attaque numérique orchestrée depuis Moscou et tentative de putsch sur le terrain. Une opération de désinformation faisant état d’une insurrection de l’armée congolaise avait commencé, alors qu’il était dans l’avion, sans moyens de communication, pour se rendre à l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. Mais, pour des raisons indéterminées, ceux qui s’apprêtaient à tenter de prendre le pouvoir n’ont pas sauté le pas.
Même si les services russes sont souvent en concurrence, ce qui est une de leurs faiblesses, « il y a une filiation dans les opérations numériques russes, dont les méthodes sont anciennes, qui trouve aujourd’hui un débouché stratégique immédiat avec la guerre en Ukraine compte tenu des objectifs de Moscou vis-à-vis de l’Occident et des pays du Sud. Or, on n’a pas encore trouvé les moyens idoines de contrer cette guerre hybride tous azimuts », résume Julien Nocetti, chercheur associé à l’Institut français de relations internationales (IFRI), et spécialiste du cyber et des conflictualités numériques.
La pression russe, avec la dénonciation répétée, ces dernières semaines, de la présence de « mercenaires » français en Ukraine – démentie par Paris –, intervient à un moment qui ne doit rien au hasard. Alors que les forces ukrainiennes apparaissent en difficulté, des discussions existent entre états-majors occidentaux, pour adapter le soutien à apporter à Kiev, au-delà des seules livraisons d’armes, sans franchir la ligne floue de la « cobelligérance ».
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