24
mar
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Rafale chasseur bombardier de l'Armée de l'Air, France
Jean-Louis LOZIER, interviewé par Julien Lecot dans Libération

Essai d’un missile nucléaire français: «Crise ou pas, c’est important de montrer que le système fonctionne»

Jean-Louis Lozier, ancien chef de la division «forces nucléaires» de l’état-major des armées, analyse pour «Libération» le tir que vient d’effectuer la France, au moment où Vladimir Poutine ne cesse de brandir la menace du feu nucléaire.

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Le tir n’était rien d’autre qu’un essai, mais son timing interroge. Ce mercredi, un missile nucléaire – sans charge – a été lancé par un Rafale de l’armée de l’air française parti de la base de Cazaux, en Gironde. Le test a donc été réussi, ce dont l’Etat français s’est félicité par l’intermédiaire de sa ministre des Armées. Il pose toutefois question, alors que Vladimir Poutine a fait planer la menace nucléaire à de nombreuses reprises ces dernières semaines en marge de l’invasion russe en Ukraine.

Jean-Louis Lozier, ancien chef de la division «forces nucléaires» de l’état-major des armées et ex-commandant de sous-marin nucléaire, désormais conseiller auprès de l’Institut français des relations internationales (Ifri), se veut néanmoins rassurant auprès de Libération. Selon lui, ce genre d’essai était prévu de longue date et n’a pas de lien direct avec la guerre en cours aux portes de l’Europe. Il permet malgré tout à la France de montrer au reste du monde qu’elle reste «au meilleur niveau opérationnel» en ce qui concerne sa force nucléaire.

Quel type de missile nucléaire a été tiré et quelle est son utilité ?

Il s’agit d’un missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), qui équipe la composante aéroportée de nos forces nucléaires stratégiques. La France a deux composantes. L’une est sous-marine, avec des SNLE [sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, ndlr] transportant des missiles balistiques. Et d’autre part des missiles aérobie [de croisière], qui se déplacent dans l’atmosphère en étant lancés depuis l’avion Rafale. Ce sont des missiles extrêmement avancés, qui portent à plusieurs centaines de kilomètres, avec une forte capacité de pénétration. Ils doivent être capables de passer entre les défenses antimissiles et de s’adapter au contexte adverse. C’est important qu’ils soient toujours au meilleur niveau opérationnel.

Doit-on voir dans cet essai une façon pour la France de réaffirmer sa puissance nucléaire dans le contexte de la guerre en Ukraine ?

On ne peut pas faire de lien direct avec la guerre en Ukraine puisque cet essai était prévu de longue date. Les programmes de nos armements nucléaires s’étendent en général sur plusieurs années. Le missile air-sol moyenne portée amélioré a été mis en service actif en 2010 pour être installé sur le Rafale. Sa durée de vie est de l’ordre de vingt-cinq ans. Il est normal de faire une rénovation à peu près à mi-vie, pour que les performances du missile, notamment dans sa capacité à pénétrer les forces adverses, restent au meilleur niveau. Cette rénovation avait d’ailleurs été décidée par le président Hollande en 2013, donc le tir était prévu, indépendamment des affaires ukrainiennes. Le retarder aurait pu avoir des conséquences sur le programme.

Après, de mon point de vue, c’est évidemment une bonne chose que ce test ait réussi dans le cadre de la crise actuelle même si cela ne lui est pas spécifique.

Pourquoi le rendre public et clamer haut et fort que l’opération est un succès, comme l’a fait le gouvernement français ?

De toute façon, il est bien compliqué de rendre ce genre d’essai secret. Ça mobilise un certain nombre de moyens et il y a toujours un communiqué de presse. C’est pareil quand on fait un tir depuis un sous-marin nucléaire lanceur d’engins, comme tous les trois ou quatre ans au sud de la Bretagne. Les riverains de la pointe de Penmarc’h voient un missile partir quelque part depuis la mer, donc de toute façon il faut le rendre public. A la fois pour ne pas inquiéter, mais aussi pour renseigner aussi bien le citoyen français que le reste du monde.

C’est toujours important, qu’on le veuille ou non, que l’on soit en crise ou pas, de faire la démonstration que le système fonctionne. Dans tous les cas, il y a un signal envoyé aux autres protagonistes, à l’ensemble des acteurs mondiaux. Cette fois-ci le message est le suivant : oui, notre composante aéroportée est toujours opérationnelle et au meilleur niveau technique.

 

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Mots-clés
Dissuasion nucléaire forces aériennes stratégiques France