18
juin
2019
Espace Média L'Ifri dans les médias
Laurence NARDON, citée par Gilles Sengès dans l'Opinion

Présidentielle 2020: qui mieux que Donald Trump peut battre Donald Trump?

Pour les spécialistes des Etats-Unis, le président américain qui doit lancer, mardi, la campagne pour sa réélection est son meilleur adversaire

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Donald Trump repart ce mardi en campagne, en quête d’un second mandat qui lui permettrait de présider les Etats-Unis jusqu’en janvier 2025. Le coup d’envoi sera donné à Orlando, en Floride, Etat qui oscille depuis des décennies entre démocrates et républicains et qu’il avait remporté de justesse face à Hillary Clinton.

Quel président sortant à la tête d’un pays affichant une croissance de 3,2 % et un taux de chômage au plus bas depuis un demi-siècle – à 3,6 % à fin avril – pourrait craindre pour sa réélection ? Le cas de figure ne s’est jamais produit dans toute l’histoire politique des Etats-Unis. Les spécialistes n’écartent pourtant pas cette éventualité pour Donald Trump. A les en croire, l’hôte de la Maison Blanche, qui doit lancer officiellement sa campagne, ce mardi, en Floride, en vue du scrutin présidentiel de novembre 2020 n’est pas totalement assuré de l’emporter.

« Objectivement tout indique qu’il doit gagner. C’est lui le sortant et l’économie est très forte. Mais c’est quelqu’un qui ne sait pas faire fructifier son bilan. Il avait un boulevard devant lui en 2018 mais plutôt que de surfer sur ses succès, lors des élections de mi-mandat, il a préféré souffler sur la braise de l’immigration. Il est toujours dans la provocation » explique Jean-Eric Branaa, maître de conférences à Paris 2 qui vient de publier un livre sur Donald Trump, intitulé Et s’il gagnait encore ? (VA Editions).

« Sur le fond, le plus gros risque c’est un retournement de la conjoncture, même minime. Il suffirait d’une remontée du chômage pour qu’il se trouve en difficulté, car les électeurs jugent sur les derniers chiffres, pas sur les années précédentes », relève pour sa part Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire en classes préparatoires aux grandes écoles, coauteur de Les États-Unis et le monde de la doctrine de Monroe à la création de l’ONU (Atlande) en 2018.

Et puis, il y a les affaires qui pèsent sur sa présidence. « On peut penser à toutes les casseroles qu’il traîne, l’enquête sur les ingérences russes lors de la présidentielle de 2016 qui n’est pas totalement terminée, celles touchant à la Trump Organisation voire à son gendre Jared Kushner pour des histoires de conflit d’intérêts et autres » énumère Laurence Nardon, directrice du programme Amérique du Nord de l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Si les démocrates du Congrès arrivent à se procurer les documents relatifs à ses impôts et à ses finances et qu’ils s’avèrent moins mirifiques qu’annoncés, cela pourrait être catastrophique pour son image tant il a joué auprès de l’opinion publique sur ses succès en affaires », ajoute Corentin Sellin.

Mais le mal pourrait être plus profond. « Donald Trump ne cherche pas à élargir sa base, à porter un discours plus modéré pour attirer des électeurs centristes. Ce n’est pas son style. Il est dans le parler vrai. Il soigne les classes moyennes blanches avec son discours de repli et les conservateurs évangéliques en nommant des juges anti-IVG. Ces deux catégories constituent les 40 % à 45 % qui votent pour lui. Cela ne fait pas une majorité  » explique Laurence Nardon. « Sa popularité ne bouge pas ; on peut même parler de stagnation », constate pareillement Jean-Eric Branaa qui évoque un « plafond de verre ».

La campagne de terrain s’annonce, elle-même, plus difficile qu’il y a quatre ans. « A l’époque, il était sous-estimé. Personne ne le prenait au sérieux. Il était le challenger, il sera le président sortant. La configuration va être totalement différente », expose Corentin Sellin. « Il va lui falloir gérer une campagne professionnelle avec d’énormes moyens. Saura-t-il le faire ? D’autant qu’il est fatigué. Il se sent persécuté. Il n’a pas été ménagé ces dernières années. Il apparaît de plus en plus agressif avec des obsessions récurrentes. Il tweete de plus en plus tôt et de plus en plus tard. Pourra-t-il tenir la longueur ? », s’interroge le spécialiste qui évoque l’âge du capitaine (73 ans le 14 juin).

« Donald Trump ne surprend plus ses concitoyens. Ils se sont habitués à ses outrances. Le public est moins intéressé », relève Branaa en notant que le regard des Américains va se porter essentiellement vers les démocrates pour savoir qui sortira gagnant de la primaire sur la vingtaine de candidats en lice. Donald Trump devra patienter jusqu’à septembre 2020 pour réellement entrer en jeu.

Face à qui ? Peu importe à en croire les analystes. « Le choix démocrate sera simple. Ce sera celui qui sera jugé capable de battre Trump en mordant sur l’électorat indépendant et en présentant une alternative crédible. En fait, chacun va ne parler qu’aux siens », pronostique Corentin Sellin. « Il y aura un candidat démocrate fort et les Américains, qui sont très divisés, auront le choix entre deux visions de la société », confirme Jean-Eric Braaa tandis que Laurence Nardon voit les électeurs démocrates se mobiliser en masse, comme ils l’ont fait lors des élections de mi-mandat de l’an dernier.

 

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