12
mai
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Carole MATHIEU, citée par Xavier Martinet dans Le Journal de l'Eco sur France Culture 

Voiture électrique : le pari en passe d’être gagné ?

Les voitures électriques compétitives d’ici 4 ou 5 ans : ce sont les prévisions de plusieurs études parues récemment. L’automobile sera-t-elle le premier secteur à réussir le pari de l’électromobilité ?

France Culture

Une étude de Bloomberg New Energy Finance révélée lundi par le Figaro l'affirme : les voitures électriques seraient compétitives dès 2025-2027, et mêmes moins chères que leurs équivalentes thermiques en 2030 : beaucoup plus tôt que prévu. 

Dans un contexte européen d’objectifs environnementaux renforcés et de durcissement des normes, c’est une « bonne nouvelle » dit l’ONG de lobbying Transport et Environnement qui a commandé l’étude ; et une nouvelle surprenante car cette « inversion des prix », comme l’appelle le Point était un peu l’arlésienne de ces dernières années tant les ventes de véhicules électriques étaient faibles : 2 % du marché seulement en France en 2019, le milieu de l’auto se souvient des propos lapidaires d’un dirigeant de BMW à l’époque « il n’y a pas de demande des clients pour les voitures électriques. Aucune ». 

Les ventes ont pourtant atteint presque 10 % du marché français en 2020, autant qu’en Europe, et le cabinet Roland Berger aussi prévoit une voiture électrique compétitive au milieu de la décennie : pour Le Nouvel Economiste, « la voiture électrique lève les freins ». 

Un tiers des coûts de fabrication effacé en 10 ans ?  

Le prix reste élevé en raison de petites séries et des batteries qui représentent 40 % du coût du véhicule ; mais depuis un ou deux ans, tous les constructeurs européens VW, BMW, Jaguar, Land Rover renforcent leur gamme électrique. Renault et Citroën viennent de sortir deux nouveaux modèles ; et avec les aides d’Etat et autres, les deux reviennent moins chers à l’achat qu’un équivalent thermique, et même « moins cher qu’un vélo électrique » pour le modèle de Citröen en cumulant toutes les aides, note le site spécialisé automobile-propre.com. 

Ces incitations faussent les évaluations sur la compétitivité réelle des véhicules électriques, mais l’étude Bloomberg ne les a pas comptées ; et – nerf de la guerre – les prévisions misent sur une baisse de 60 % du coût de production des batteries en 10 ans. Selon l'agence, les véhicules électriques atteindraient 50 % des ventes en 2030, 85 % en 2035. Pour les constructeurs, la guerre des prix « ne fait que commencer » conclut Valérie Collet du Le Figaro. 

Une guerre des véhicules électriques, dans une filière sinistrée ? 

La production automobile française s’est effondrée de 39 % l’année dernière et l’enjeu est d’abord de sauvegarder 100 000 emplois menacés dans la filière ces 15 prochaines années, dit l’Observatoire de la Métallurgie. 

L’ensemble de l’industrie est affaibli : car cette chute la plus importante d’Europe n’est pas due qu’à la pandémie et la pénurie de puces électroniques, mais aussi aux délocalisations des petits véhicules essence ou diesel en Europe de l’Est ou Méditerrannée depuis 2005, rappelle Alain Verdevoye dans Challenge, qui déplore que le niveau de production français soit désormais équivalent à celui des années 60. 

Les déboires récents de la « filière fonderie » en témoignent : outre la fermeture de la Fonderie de Bretagne, 6 autres sites sont menacés faute d’être rentables, précise l’AFP pour qui « les rouages de l’automobile français » sont « grippés » ; pour Challenge plus radical : « la filière automobile française menacée de destruction ».  

L'Union Européenne pousse à l'électrification 

Les constructeurs y sont forcés par les nouveaux objectifs européen de réduction de 55 % des gaz à effets de serre pour 2030, qui se traduisent par des normes d’émissions (sur le CO2 ou les particules fines) de plus en plus draconiennes : c’est le « mur des normes » écrivait les Echos en 2019. 

En outre depuis cette date, l’Union pousse une Alliance Européenne des Batteries face à la concurrence chinoise (85 % de la production actuelle) : 20 milliards € ont été investis pour 17 projets de site de production de cellules précise l’Usine Nouvelle, pour qui « les matières premières et les normes » seront les « prochains défis » pour obtenir une compétitivité. On est encore loin d’une filière de véhicule électrique européen mais pour Carole Mathieu, responsable des politiques européennes au Centre Climat & Energie de l’IFRI et auteure d’une étude sur le sujet, « La batterie verte : un avantage compétitif pour l’industrie européenne du véhicule électrique ? ». 

Les jours du moteur à essence sont-ils comptés ? 

L'électrification à marche forcée ne se fait pas sans récriminations des constructeurs et des autorités des pays les plus exposés : l’Allemagne et la France rejettent ainsi un projet de norme de la CommUE sur les particules fines pour 2025, si restrictif qu’il est dénoncée comme techniquement impossible, dit Angela Merkel : « mise à mort du moteur thermique » titre le site lesnumériques.com, ou plutôt « bannissement de fait du pot d’échappement » dit Anne Feitz des les Echos.

Et puis les investissements sont lourds, rappelle Le Figaro : 5 milliards d'euros pour une « plateforme » - une usine d’assemblage moteur et châssis de véhicule électrique, sans compter le développement des moteurs. Cependant plusieurs constructeurs Jaguar, Volvo, Audi et VW ont annoncé le passage au tout électrique en 2030-2035 ou l’abandon du développement de moteurs thermiques. 

Signe d'un appétit renouvelé : le rallye automobile "Dakar" prévoit aussi une caravane 100 % électrique en 2030 : « tout l’enjeu » disait son directeur David Castera hier sur France Info, « c’est comment on va fabriquer l’électricité ». 

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