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Comment négocier avec Vladimir Poutine : les limites de "l'art du deal"

Interventions médiatiques |

citée par Axel Gyldén dans

  L'Express 

 
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Traiter avec des diplomates chevronnés formés à l’école soviétique est moins facile qu’avec la mafia de l’immobilier à New York. Avec Poutine, "l’art du deal" semble inopérant.

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Le président américain Donald Trump accueille le président russe Vladimir Poutine au sommet Alaska 2025, Anchorage - 15 août 2025
Le président américain Donald Trump accueille le président russe Vladimir Poutine au sommet Alaska 2025, Anchorage - 15 août 2025
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Au fond, les deux hommes parlent le même langage. Pour ce qui est d’intimider son interlocuteur, personne n’a rien à apprendre à l’autre. Mais le leader russe possède une corde supplémentaire à son arc. Lui et son équipe ont presque tous été formés à l’école soviétique : soit au sein de l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou (MGIMO), tels le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (qui parle cinq langues) et le négociateur Vladimir Medinsky (qui en maîtrise trois) ; soit à l’Université de Leningrad, où Poutine (qui parle l’allemand) étudiait l’économie. Deux universités d’excellence où l’on s’imprègne de l’histoire impériale russo-soviétique, des relations internationales et de connaissances générales approfondies.

Aussi, les négociateurs du Kremlin ont le sens du temps long. Leur horizon se mesure en décennies et en siècles ; celui de l’impatient Trump, en semaines, voire en mois. "Lorsqu’on regarde les deux équipes de la rencontre du 15 août en Alaska, on a l’impression de voir des amateurs face à des professionnels, juge Tatiana Kastouéva-Jean, de l’Institut français des relations internationales. Le trio russe possède à l’évidence une stratégie de long terme et un niveau de connaissance du dossier que n’ont ni Donald Trump, ni Steve Witkoff (son représentant personnel, également milliardaire de l’immobilier) ni Marco Rubio (le ministre des Affaires étrangères, encore peu aguerri aux relations internationales).

Retors, les diplomates formés sur les rives de la Moskova sont les dignes héritiers de l’inflexible ministre des Affaires étrangères Andreï Gromyko, alias "Monsieur Niet" au temps de l’Union soviétique. L’Estonienne Kaja Kallas, vice-présidente de la Commission européenne, a récemment rappelé que Poutine ou Lavrov n’ont rien oublié de la grammaire de la guerre froide. "Ils appliquent les trois principes de Gromyko, dit-elle. Premièrement, ils exigent le maximum. Deuxièmement, ils posent des ultimatums. Troisièmement, ils ne cèdent rien, pas un pouce car, pensent-ils, il se trouvera toujours quelqu’un en Occident pour leur faire des concessions. Suivant cette ligne, ils obtiennent un tiers, voire la moitié de ce qu’ils ne possédaient même pas en démarrant la discussion !"

Qui plus est, les Russes sont méthodiques et disciplinés. Ils martèlent le même message, sans en dévier. Depuis le début de la guerre en Ukraine, leurs arguments fallacieux n’ont pas évolué : les Ukrainiens sont des nazis, l’Otan a causé la guerre, il faut rediscuter des causes profondes du conflit (l’Occident menace la Russie), etc. "Ils ne varient pas d’un iota et avancent unis. Ils sont tellement soudés que les discours de Poutine, Lavrov ou Medinski sont interchangeables, reprend Tatiana Kastouéva-Jean. Face à eux, Witkoff, Rubio ou le général Kellogg, le représentant spécial de Trump en Ukraine, expriment des nuances liées à leurs personnalités, incarnent des sensibilités différentes. Les Russes, eux, forment un bloc monolithique : impossible d’y enfoncer un coin !"

Simultanément, ils cherchent à prendre l’ascendant psychologique. "Depuis le début, le Kremlin fait croire à l’imminence de sa victoire, poursuit la chercheuse. Ils voudraient inciter l’adversaire à tout céder, tout de suite, laissant entendre que les conséquences seront pires dans le cas où la situation s’éterniserait." Probablement coordonnée avec le Kremlin, la déclaration du président du Kazakhstan [NDLR : à l’ex-chancelier allemand Olaf Scholz] à l’automne dernier allait en ce sens : "La Russie ne peut être vaincue militairement, en raison de ses capacités nucléaires", affirmait alors Kassym-Jomart Tokaïev. Et le dirigeant - qui doit son maintien au pouvoir à l’intervention militaire de Poutine après des manifestations massives en 2022 - d’appeler à une résolution diplomatique rapide afin d’éviter "des conséquences irréparables pour l’humanité".

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Axel Gyldén

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Tatiana KASTOUÉVA-JEAN

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Directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Ifri

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Le président américain Donald Trump accueille le président russe Vladimir Poutine au sommet Alaska 2025, Anchorage - 15 août 2025
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