Friedrich Merz élu « dans la douleur »
Contesté, le nouveau chancelier allemand amorce son mandat du mauvais pied, avec d’énormes défis à l’horizon.
De quelle élection s’agit-il ?
Après avoir difficilement remporté, à la fin de février, des élections législatives anticipées provoquées par la démission de son prédécesseur, Olaf Scholz, le conservateur Friedrich Merz, 69 ans, a été élu mardi nouveau chancelier de l’Allemagne par les membres du Bundestag (Parlement allemand). Mais la partie n’a pas été de tout repos.
On parle d’une élection « dans la douleur », pourquoi ?
Dans le système parlementaire allemand, ce sont les députés qui élisent le chef du gouvernement. Cette désignation à bulletin secret s’annonçait comme une simple formalité pour M. Merz, après la conclusion d’un accord de coalition entre le SPD (parti social-démocrate) d’Olaf Scholz et le CDU-CSU (parti chrétien-démocrate) de M. Merz. Ces partis revendiquent conjointement une courte majorité de 328 voix sur 630. Contre toute attente, Friedrich Merz n’a obtenu que 310 des 316 voix nécessaires au premier tour, n’étant élu qu’au second tour avec 325 voix. C’est la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale qu’un chancelier allemand n’atteint pas le seuil nécessaire pour être désigné dès le premier tour.
Pourquoi n’a-t-il pas eu le soutien attendu ?
Des députés de l’aile gauche du SPD contestent le contrat de coalition avec la CDU-CSU (droite), même si leur parti héritera de ministères non négligeables (Finances, Défense, Justice, Environnement). On critique notamment le durcissement de la politique migratoire prôné par M. Merz, qui tend à se rapprocher des positions plus fermes du parti AfD (extrême droite), dans un contexte d’attentats terroristes à répétition fomentés par des étrangers sur le sol allemand.
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M. Merz est également contesté, y compris dans ses propres rangs conservateurs, pour être revenu sur un engagement de campagne en assouplissant, peu après les élections de février, le sacro-saint « frein à la dette », inscrit dans la Constitution allemande, afin de moderniser et de réarmer le pays. « Il est critiqué pour trahison, quelque part », résume Marie Krpata, chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA).

Chercheuse, Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri
Qu’est-ce que ce camouflet parlementaire nous dit sur la suite de son mandat ?
Que ça ne s’annonce pas facile. Contesté dans sa coalition et ne disposant que d’une très faible majorité au Parlement, M. Merz aura peu de marge de manœuvre et sera condamné aux compromis. « Il va falloir faire le grand écart, résume Élisa Goudin-Steinmann, directrice du département d’études germaniques et franco-allemandes à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3. Le risque principal, c’est une paralysie. » Selon l’experte, le gouvernement Merz voudra toutefois « jouer le jeu », afin de ne pas répéter l’échec de la coalition sortante « parce que ce serait un très mauvais signal pour la démocratie ».
- Pour sa collègue Marie Krpata, cette « coalition de la dernière chance » suscite en outre de grandes attentes, dans un contexte où les partis traditionnels, en pleine « érosion », font face à une inexorable montée des extrêmes, en particulier l’AfD, devenu la deuxième force politique d’Allemagne avec 152 sièges (20 % des voix). À noter que l’Office fédéral de protection de la Constitution vient de classer l’AfD comme une organisation « extrémiste de droite avérée ».
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>> >> Cet article est publié dans La Presse Canada avec AFP.
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