La relance du nucléaire occidental aura-t-elle lieu ? État des lieux des avancées extra européennes

Dans le double contexte de la transition énergétique et de la transformation rapide de l’ordre international, la question du renouveau nucléaire dans le monde occidental se pose avec une acuité renouvelée.

Si 2025 verra la production nucléaire mondiale atteindre un record historique, cette dynamique est désormais portée par la Chine et la Russie, tandis que l'Europe et les États-Unis ont jusqu’à peu délaissé un secteur qu'ils avaient pourtant créé.
Aux États-Unis, le retour au nucléaire semble engagé et confirmé, avec un rare consensus bipartisan et, sur le papier, une stratégie ambitieuse visant à quadrupler la capacité installée d'ici 2050 et à revenir sur les marchés exports. Cependant, le chemin reste semé d'embûches : absence – à ce jour - de décisions structurantes de construction, incertitudes réglementaires et budgétaires et un certain flou de l'administration Trump quant au réalisme d’une perspective de construction de plusieurs réacteurs de grande puissance. Le secteur technologique américain, avec sa consommation électrique en croissance, pourrait néanmoins catalyser cette renaissance, comme en témoignent les partenariats entre Microsoft, Google, Amazon et les développeurs de petits réacteurs modulaires (small modular reactors ou SMR) dont les modèles de troisième génération sont réellement poussés, et l’intérêt de plus en plus marqué des géants numériques pour les réacteurs de grande puissance. Pour l’heure, c’est le gaz qui nourrit la demande d’électricité. À l’export, le nucléaire américain a fait pour l’instant de l’Europe sa cible privilégiée tandis que l’accord avec le challenger nucléaire coréen KHNP rebat les cartes sur fond d’ambitions croissantes de la Corée du Sud qui confirme son statut d’exportateur global de technologies nucléaires.
En Europe, le nucléaire représente toujours 24 % de l'électricité produite, restant ainsi la première source de production d’électricité. Son développement reste toutefois entravé par des politiques communautaires encore frileuses et des obstacles réglementaires, par contraste avec des politiques nationales volontaristes dans une majorité de pays de l’Union européenne (UE) et une industrie qui se met en ordre de bataille sur le plan des ressources humaines et des capacités industrielles. L'émergence de l'alliance politique du nucléaire en février 2023, regroupant aujourd'hui quinze États membres, marque un tournant significatif dans le sens de démarches collectives mieux coordonnées.
À l’origine de cette dynamique politique désormais assumée par une majorité d’États dans l’UE, la France, acteur historique et industriel central, est confrontée au défi de reconstituer son écosystème industriel sur fond d’affaiblissement de ses capacités industrielles. Clarifier la chaîne de responsabilité entre État et industrie d’une part, entre acteurs industriels d’autre part, et stimuler la concurrence pour dynamiser le secteur reste un défi.
Cette remontée en puissance est d’autant plus difficile qu’au contraire des États-Unis, elle n’est pas portée par la demande électrique, en berne dans toute l’Europe. Cette donnée centrale complique encore l’équation des investissements à réaliser, pourtant rendus de plus en plus urgents par une politique énergétique continentale qui fragilise le système électrique et met à mal l’adéquation entre l’offre et la demande d’électricité.
Dans ce contexte d’effervescence mêlée d’incertitudes, les SMR cristallisent une partie des espoirs de renaissance du secteur. Au-delà des annonces et des effets marketing, ils introduisent une concurrence salutaire dans un secteur qui doit innover et drainent des investissements vers la R&D. Leur déploiement reste cependant conditionné à la capacité, en Europe, de créer les conditions d’un marché plus unifié, qui implique de poser encore la question d’une plus grande harmonisation des procédures de certification, de développer des mécanismes de financement adaptés et, enfin, de mettre au centre du système les utilisateurs finaux - essentiellement les industriels énergo- et électro-intensifs, - et leurs besoins afin de stimuler des partenariats financiers et industriels pour faire atterrir les projets. Une démarche qui ne doit en aucun cas conduire à cannibaliser la question essentielle de l’optimisation et le prolongement du parc existant, que l’Europe doit rapidement se décider à soutenir par des politiques ambitieuses.
L'avenir du nucléaire occidental, petit ou grand, dépendra en effet de la capacité des acteurs publics et privés à forger des alliances stratégiques, à financer l'innovation et à reconstruire une industrie capable de livrer des projets dans les délais et budgets impartis. La transformation, dans une certaine mesure, d'une industrie de projets en une industrie de produits plus standardisés et industrialisés, via la modularité et la construction hors site, constitue la clé de cette renaissance nécessaire.
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