L’introduction du salaire minimum en Allemagne : un premier bilan

L’introduction au 1er janvier 2015 du salaire minimum en Allemagne, une première dans un pays qui a toujours préféré laisser aux partenaires sociaux le soin de se mettre d’accord sur les salaires, a été précédée de débats houleux entre les tenants de la lutte contre le creusement des inégalités et les défenseurs de la compétitivité du pays. Contraint de le mettre en œuvre dans le cadre de l’accord de la grande coalition de 2013, le gouvernement a tenu compte des débats et l’a fixé à 8,50 euros/heure, soit un niveau modéré, nettement inférieur à la moyenne européenne. De plus, des exceptions – les jeunes, les stagiaires, etc. – ont été admises, ainsi que des délais de transition pour certains secteurs dans lesquels les bas salaires étaient largement représentés.

En Allemagne, le niveau de l’inflation n’est pas ajusté tous les ans comme en France ; l’augmentation du salaire minimum est décidée par une Commission indépendante tous les deux ans. Ce dernier est ainsi passé à 8,84 euros au 1er janvier 2017. Le faible pourcentage de personnes concernées par cette mesure – à peine plus de 4 % de l’ensemble des salariés –, qui travaillent essentiellement dans l’agriculture, l’alimentation, le commerce de détail et la restauration, souvent dans le cadre de « mini-jobs », explique en partie pourquoi le salaire minimum n’a pas eu d’impact majeur sur l’emploi.
Contrairement aux prédictions des deux camps, il n’y a eu ni remontée du chômage, ni recul de la pauvreté, comme le montre la persistance du phénomène des Aufstocker, ces salariés qui bénéficient d’un complément de revenu de l’État en raison de la faiblesse de leurs ressources. Les entreprises, qui avaient anticipé l’introduction du salaire minimum, se sont bien adaptées, notamment en réduisant les embauches ou en reportant le coût sur les clients. Il est vrai que le contexte – coût de l’énergie, taux d’intérêt bas, euro sous-évalué – renforce leur compétitivité.
Brigitte Lestrade est professeur émérite de civilisation allemande contemporaine à l’université de Cergy-Pontoise.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
L’introduction du salaire minimum en Allemagne : un premier bilan
Centres et programmes liés
Découvrez nos autres centres et programmes de rechercheEn savoir plus
Découvrir toutes nos analysesL’Allemagne face à l’Amérique de Trump. Une rupture sans précédent
Le 6 novembre 2024 Donald Trump est réélu à la présidence des États-Unis. Le même jour, Olaf Scholz annonce qu’il limoge son ministre des finances, Christian Lindner, décision qui va mettre un terme à la coalition tripartite au pouvoir depuis trois ans et ouvrir la voie à des élections anticipées.
Les évolutions du comportement des électeurs allemands
Les élections fédérales du 23 février 2025 ont été marquées par le caractère exceptionnel de ce vote anticipé et la brièveté de la campagne électorale. L’éparpillement du vote et la grande volatilité des électeurs ont conduit à une redéfinition du paysage et de la géographie des partis en Allemagne.

Dossier : Les élections anticipées en Allemagne du 23 février 2025
Les résultats des élections fédérales anticipées du 23 février 2025 sont plutôt clairs et représentatifs puisque, avec 82,5 %, le taux de participation a été particulièrement élevé. C’est le plus élevé depuis l’unification en 1990.
La « Saga Huawei » en Europe revisitée : les enseignements allemands pour le déploiement de la 6G
Bien que l’Union européenne ait tenté de coordonner une réponse commune dans le déploiement de la 5G en Europe via sa « boîte à outils 5G », les États membres ont suivi des approches divergentes, pris entre considérations politiques, économiques et technologiques. L’Allemagne – malgré ses liens économiques étroits avec la Chine et son statut de premier marché européen des télécommunications – n’a trouvé qu’un accord vague en juillet 2024, dont la portée semble surtout symbolique.