03
déc
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Laurence NARDON, invitée de Axel de Tarlé dans l'émission "C Dans l'Air" sur France 5

Macron et Biden : des "frères d'armes" face à Poutine

Le voyage officiel d'Emmanuel et Brigitte Macron aux États-Unis s'est achevé jeudi par un dîner de gala. Le président américain Joe Biden a déroulé le tapis rouge à son homologue français, multipliant les signes d'affection et d'amitié. Sans parvenir à faire oublier les dossiers qui fâchent.

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Car au cœur de la rencontre entre les deux dirigeants figurait l’épineux sujet de l’Inflation Reduction Act (IRA), un vaste plan de subventions et de bonifications fiscales accordées aux industriels américains pour accélérer la transition énergétique du pays. Un plan jugé "super agressif" par Emmanuel Macron, mercredi, devant des élus américains car l'initiative, dotée de 370 milliards de dollars (soit 351 milliards d’euros), pourrait conduire à des délocalisations en cascade sur le Vieux Continent, au profit des États-Unis. Mais le président français n’est pas parvenu à arracher de la part de son homologue de grandes avancées sur ce sujet. Joe Biden, bien qu'amical, n'a fait aucune concession. "Les États-Unis ne s'excuseront pas. Je ne m'excuserai jamais de ce que j'ai fait sur le plan législatif. C'est un gros projet qui pèse des centaines de milliards, le plus grand investissement sur le climat jamais effectué", dit Joe Biden à propos de l'"Inflation Reduction Act", en réponse aux critiques d'Emmanuel Macron.
 
Ce voyage s'inscrivait aussi dans la volonté d'afficher un front commun pour envoyer un message à Vladimir Poutine. Les États-Unis et la France continueront à soutenir l'Ukraine "aussi longtemps qu'il le faudra", ont déclaré jeudi les deux dirigeants dans un communiqué commun, rappelant le partage des valeurs communes de démocratie, de liberté et de progrès face à l'agresseur russe :"Nous resterons unis pour (nous) opposer à la brutalité" de la Russie en Ukraine, a dit le démocrate de 80 ans, tandis qu'Emmanuel Macron avait appelé les deux "nations soeurs", France et États-Unis, à "savoir redevenir frères d'armes". Joe Biden s'est même montré ouvert à la discussion en se disant "prêt" à parler avec Vladimir Poutine, à la condition que ce dernier "cherche un moyen de mettre fin à la guerre". Main tendue immédiatement rejetée par Moscou.
 
Cette guerre en Ukraine a placé, plus que jamais, les États-Unis en position de force sur le marché de l'armement en Europe. Maillon incontournable du soutien militaire à l’Ukraine, l’industrie d’armement des États-Unis trouve également de très nombreux débouché parmis les pays de l'Union Européenne. Dans un rapport la Commission européenne et l’Agence européenne de défense reconnaissent qu’entre 2007 et 2016, près des deux tiers des achats européens d’armes ont été effectués hors UE et principalement aux États-Unis. Cette tendance s'est même accentuée depuis 2018 et le lancement d'un programme qui permet aux ex-pays du pacte de Varsovie de se rééquiper en armes occidentales. Les achats d’avions F-35, de blindés, de missiles ou plus récemment de pièces d’artillerie de fabrication américaine sont massifs. Les projets d'Europe de la Défense, porté notamment par la France semble avoir du plomb dans l'aile.
 
Cette Europe de la défense a, selon ses défenseurs, pour objectif d'atteindre une autonomie stratégique permettant de ne pas avoir à systématiquement s'aligner sur la politique extérieure américaine. Cette autonomie est le but de la France, dont les relations avec l'allié américain n'ont pas toujours été au beau fixe.
 
Entre le refus de Jacques Chirac et Dominique de Villepin d'intervenir en Irak en 2003 et celui de Barack Obama de soutenir François Hollande face à l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, les relations ont parfois été tumultueuses. Plus récemment, en septembre 2021, Emmanuel Macron a parlé d'une "rupture de confiance majeure", Washington n'ayant pas jugé bon d'informer Paris qu'il prenait le méga-contrat des sous-marins australiens pourtant gagné par les Français. L'épisode de l'Aukus, qui formalisait une alliance entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis dans l'Indo-Pacifique, a été vécu comme un point bas de la relation franco-américaine.
 
Quel bilan peut-on tirer du voyage d'Emmanuel Macron aux États-Unis ?
Face aux importations massives d'armement américain en Europe, comment fonder une industrie de défense européenne ?
Où en est-on dans la relation franco-américaines ?

 

"La France est une puissance moyenne. [...] C'est pour cela qu'il faut vraiment parler à 27 avec les États-Unis. Parce que quand on parle à 27, on a derrière nous un marché de 450 millions de consommateurs. [...] Et on a aussi une puissance normative énorme. C'est le trademark de l'Union Européenne, c'est notre spécialité : créer des normes et des standards qui s'imposent au monde entier", souligne Laurence Nardon, responsable du programme États-Unis de l’Ifri. 

 

Invités :

  • Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences Po Paris et Paris School of Business et auteur de "Les voies de la puissance"
  • Amy Geene, enseignante à Sciences Po Paris, spécialiste de la politique américaine et autrice de "L’Amérique après Obama"
  • Laurence Nardon, chercheure et responsable du programme États-Unis de l’IFRI, Institut Français des Relations Internationales
  • Pierre Haski, chroniqueur international - France Inter et L’Obs

 

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