Pourquoi la milice Wagner se rebelle en Ukraine ?
Origines du groupe Wagner, motivations, financements, le chercheur Dimitri Minic revient en détail sur ce qu’est le groupe Wagner et pourquoi la milice a tenté une rébellion contre le Kremlin il y a quelques jours.
Kadyrovtsy et groupe Wagner, quelles différences ?
Alors que le groupe paramilitaire Wagner est à l’origine d’une rébellion, qui a finalement échouée, Dimitri Minic, chercheur au centre Russie-Eurasie de l’Ifri revient sur l’histoire de cette milice et sur son évolution ces dernières années. Les groupes paramilitaires en Russie, qui existaient déjà en parallèle de l’armée soviétique, remontent à « l’ère post-soviétique ».
« Globalement, en schématisant, il y avait deux forces qu'on pourrait appeler irrégulières en Ukraine : Wagner et les Kadyrovtsy (en référence à Akhmad Kadyrov, ancien chef d’Etat tchétchène). Mais Wagner s'est totalement démarqué » explique le chercheur.
La milice Wagner, l'armée de l'ombre de Vladimir Poutine
Wagner a été créé en 2014. Ce groupe paramilitaire, dirigé par Evgueni Prigojine, et devenu « un outil de déstabilisation de pays étrangers », « semble s'être retourné contre le pays qui l'avait initié, soutenu, financé », c’est-à-dire la Russie, commente Dimitri Minic.
Selon le chercheur, Wagner n’est pas la seule milice tolérée par l’État russe : « Il y en a eu d’autres, elles ont pu servir, mais elles ont été bien plus dociles et bien plus disciplinées que Wagner. Wagner est une exception. »
« La différence entre les forces de Ramzan Kadyrov (le président de Tchétchénie) et Wagner est que Evgueni Prigojine a commencé à porter un discours politique flou, peu articulé, mais assez déstabilisant pour le pouvoir central. »
Que va devenir le groupe Wagner ?
Dimitri Minic a une hypothèse des éléments qui ont pu conduire au soulèvement récent de Wagner contre le Kremlin : « Depuis le 24 février, Wagner a été utilisé comme une force d'appoint des forces armées régulières russes. Elle a subi des pertes extrêmement importantes à Bakhmout. Aujourd'hui, on est très loin de l'armée de 50 000 ou 60 000 hommes, on pense plutôt à 20 000, une vingtaine de milliers d'hommes. Cette armée s'est donc affaiblie », avance le chercheur.
« Parallèlement, le ministère de la Défense a décidé, en accord très probablement avec le Kremlin, de réintégrer cette force dans l'armée russe, car Wagner et son chef ont manifesté des velléités, si ce n'est d'indépendance, au moins d'une plus grande autonomie et d'une véritable stabilité financière, matérielle. Et Evgueni Prigojine a été extrêmement virulent ces derniers mois contre les chefs militaires russes et, par ricochet, et parfois de manière ambiguë, mais aussi parfois de manière assez directe, contre Vladimir Poutine lui-même. »
Ukraine : la rhétorique de Poutine pour justifier l'invasion
Sur ce qui attend Evgueni Prigojine ces prochaines semaines, difficile de le prédire. « On ne sait pas réellement si Evgueni Prigojine va récupérer une partie de Wagner ou s’il sera complètement dépossédé de Wagner, s'il a vraiment abandonné l’organisation en rase campagne, pour le maintien de laquelle il avait pourtant décidé de lancer cette opération si risquée… Donc, vous voyez toute la complexité de cette affaire qui ne peut pas se réduire à des manipulations prétendument stratégiques de Poutine pour jouer avec les élites, etc. »
> Ecouter l'interview dans son intégralité sur le site de Brut.
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