03
avr
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Paul MAURICE, interviewé dans Européen de la Semaine sur RFI

Anke Rehlinger, l'étoile montante du SPD allemand

Plusieurs fois ministre, athlète de haut niveau, avocate : l’Allemande Anke Rehlinger, 46 ans, est une étoile montante du centre gauche allemand. Elle a fait basculer la région de la Sarre dans le giron du parti social démocrate d'Allemagne (SPD) en s’offrant même la majorité absolue à l’élection législative de dimanche dernier, après 28 ans de présence de l'Union chrétienne démocrate (CDU) à la tête de ce petit land frontalier de la France.

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Fin 2021, Anke Rehninger était réélue vice-présidente du SPD. Et ce jour-là, dans la foulée des législatives fédérales de septembre, elle annonçait clairement la couleur : « Il ne faut pas que les législatives soient un succès sans lendemain ! Je vais tout faire pour que le SPD devienne la première force de Sarre », déclarait-elle devant les membres du parti en promettant de troquer, « comme Olaf Scholz », le poste de vice-Première ministre pour celui de Première ministre. Car comme au niveau fédéral, la Sarre était dirigée jusqu’à ces nouvelles élections par une « groko », coalition de la CDU de centre droit et du SPD de centre gauche.

Avec 43,5% des voix aux législatives du 27 mars, Anke Rehlinger a gagné son pari haut la main, puisque dans la Sarre, le SPD pourra gouverner seul. La CDU est tombée à 28,5% – la moitié de ses sympathisants de plus de 60 ans se sont d’ailleurs tournés vers le SPD. Le score du parti doit beaucoup à l’ancrage local d’Anke Rehlinger. La socialiste a fait toute sa carrière dans la Sarre, de son engagement du mouvement des jeunes du SPD dont elle a assuré la direction, à son actuel poste de vice-Première ministre, en passant par des responsabilités municipale et ministérielles.

  • Elle est très connue des électeurs, confirme Paul Maurice, spécialiste des relations franco-allemandes à l’Ifri : « On met souvent en avant le fait que c’est une sportive, une lanceuse de poids, donc quelqu'un de résistant, d’endurant. Mais elle est aussi juriste de formation, elle est avocate. C’est une femme très méticuleuse, qui travaille beaucoup ses dossiers, et sa rigueur lui a sûrement été profitable à son poste actuel. Elle est respectée par les électeurs, et par ses collègues ».
  • Autant de gages de succès à la présidence de la Sarre, juge le chercheur qui précise qu'Anke Rehlinger a beaucoup axé sa campagne sur le thème de la sécurisation ou de la création d’emplois. « Il ne faut pas oublier que la Sarre est certes une petite région, mais c’est une région industrielle – ou anciennement industrielle – où l’on a perdu beaucoup d’emplois, et où l’ouverture européenne a quand même permis de recréer de l’activité ».

Outre le poste de vice-Première ministre, Anke Rehlinger assumait depuis 2014 celui de ministre de l’Économie et de l’Emploi. Et elle a su utiliser cette chance qu’offre le statut particulier de cette « eurorégion » transfrontalière, explique Paul Maurice. Trois mille emplois viennent d’être garantis à la Sarre, grâce à l’implantation d’une usine de mobilier de cuisine et de deux usines de batteries électriques.

Anke Rehlinger a aussi convaincu les électeurs sur un sujet qui a fait débat : la gestion de la pandémie de Covid. Une polémique en particulier a nui à la CDU. « Un certain nombre de Sarrois ont très mal vécu les déclarations à l’époque du ministre CDU de l’intérieur », explique Christophe Arent, député LaREM de la Moselle, qui coopère régulièrement avec Anke Rehninger.

Le ministre Klaus Bouillon avait tenu des propos jugés anti-français. Alors que la fermeture de la frontière stupéfiait la population. « Lorsque au pire moment de la crise, faute de moyens humains pour faire les contrôles, les 36 points de passage autorisés entre la Moselle et la Sarre ont été fermés, ça a été… vraiment quelque chose qui a choqué la population. Les liens ici sont tellement étroits ; il y a dans ma circonscription 2 000 enfants qui sont scolarisés en Allemagne. On ne parle plus de Français ou d’Allemands, on parle d’Européens résidant en France ou en Allemagne ».

Pour le député, la CDU a aussi payé pour les décisions impopulaires liées à la pandémie. « Tobias Hans, le ministre président CDU de la Sarre, a beaucoup été vu à Berlin ». Alors que face à lui, « Anke Rehlinger et Heiko Mas, lui aussi élu de la Sarre et alors ministre fédéral, se sont très vite excusés pour le comportement du gouvernement, par rapport à la fermeture de la frontière ».

Anke Rehlinger a aussi bénéficié de la crise qui mine le parti de gauche Die Linke. Habituellement bien implanté en Sarre, il n’aura aucun député dans la nouvelle législature. Le seul parti à se hisser au-dessus du seuil de représentation avec le SPD et la CDU est celui de l’extrême droite, l’AFD. Ils auront respectivement 29, 19 et 3 sièges sur les 51 de l’Assemblée. La victoire du SPD aura-t-elle un effet d’entraînement ? Deux autres länder vont élire leur Parlement cette année et pour l’instant CDU et SPD sont donnés au coude à coude.

  • Anke Rehlinger peut en tout cas envisager un destin national. Paul Maurice rappelle qu’il y a eu des précédents, notamment celui d’Annegret Kramp-Karrenbauer, devenue ministre au niveau fédéral au bout de quelques années. « Par ailleurs, souligne le chercheur, Anke Rehlinger fait partie de ces femmes qui représentent un peu le renouvellement du SPD, avec trois autres présidentes de Länder : Franziska Giffey, Manuela Schwesig et Malu Dreyer. Ce sont d’ailleurs les seules femmes présidentes sur les 16 Länder d’Allemagne ».

Mais avant de penser à Berlin, il faudra transformer l’essai en Sarre. Anke Rehlinger sera élue à la tête du land le 25 avril, lors de la session constitutive du Parlement.

 

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Anke Rehlinger élections locales Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) Allemagne Sarre