29
sep
2009
Éditoriaux de l'Ifri Mardis de l'Ifri à Bruxelles

Continuité ou rupture ? L'Allemagne au lendemain des élections Compte-rendu du Mardi de l'Ifri à Bruxelles du 29 septembre 2009

Compte-rendu écrit par Adrianne Montgobert, stagiaire, et Christian Schülke, assistant de recherche, Ifri Bruxelles.

Continuité ou rupture ? L'Allemagne au lendemain des élections

Suite aux élections du dimanche 27 septembre, Angela Merkel de la CDU (Christlich Demokratische Union, Union chrétienne-démocrate) sera reconduite comme chancelière. Mais elle sera à la tête d"une coalition gouvernementale différente : le nouveau partenaire de la CDU et de son allié bavarois CSU (Christlich-Soziale Union, Union chrétienne sociale) sera le FDP (Frei Demokratische Partei, Parti libéral) au lieu du SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, Parti social-démocrate allemand).

En faisant alliance avec les libéraux, la " paralysie de la grande coalition " prend fin. La situation est de nouveau plus claire, avec la droite au pouvoir et la gauche dans l"opposition.

Le fait majeur de cette élection est l"effritement des deux grands partis, la CDU/CSU et le SPD. Dans les années 1970, ces deux partis regroupaient environ 90% des voix ; en 2002, ils n"attiraient plus que 70%, et en 2009, ils n"en ont récolté que 56%. C"est un grand bouleversement dans le paysage politique allemand, et probablement la fin de la domination traditionnelle des deux grands partis. De plus, les électeurs allemands sont devenus de plus en plus volatiles, en particulier à l"est de l"Allemagne où l"on assiste à un vrai " zapping politique ".

La droite

Hans Stark a commencé par décrire la situation de la droite allemande à la suite de ces élections. La CDU/CSU avait obtenu 35,2 % des voix en 2005, et 33,8% en 2009. Mais après quatre ans au pouvoir, une chute de 1,4% n"est pas dramatique. De plus, la situation est plus nuancée si l"on considère la particularité du système allemand de deux votes : le premier vote désigne un candidat dans la circonscription locale et le second, la liste d"un parti (le second vote est plus important et décide de la composition du Parlement). Ainsi, la CDU/CSU a remporté 40% des premières voix, mais uniquement 33,8% de secondes voix. Cette différence s"explique par un choix stratégique des électeurs de la CDU/CSU qui ne voulaient pas reconduire la grande coalition. Ainsi, beaucoup d"entre eux ont donné le second vote aux libéraux, mais le premier vote au candidat de la CDU/CSU. Grâce à cela, le FDP a effectué son meilleur score dans l"histoire avec 14,6%. Le FDP, ancien parti défenseur de la " classe " plus aisée, a en même temps su se réformer et notamment s"ouvrir aux jeunes depuis 1998, quand il a dû quitter la coalition gouvernementale.

Enfin, le score décevant de la CSU en Bavière (42% pour un parti qui avait plus de 50% dans le passé) réduira son rôle.

La gauche

En ce qui concerne la gauche, la défaite du SPD a été dramatique. Qu"il ait perdu des voix n"est pas en soi surprenant, mais l"ampleur de sa défaite surprend toutefois. Le SPD a perdu du terrain depuis 1998 quand il a obtenu 40,9% des voix. En 2002, il remportait 38%, en 2005, 34% et en 2009, 23%. Ainsi, en sept ans, le SPD a perdu la moitié de son électorat et en plus 40% de ses membres. La césure est historique, et il sera intéressant d"observer les réactions du SPD, en termes de programme, mais aussi de leaders. Dans le nouveau Bundestag, la gauche sera composée de trois partis : le SPD beaucoup moins fort qu"auparavant, " La Gauche " (Die Linke), qui a obtenu 11,9% et les Verts, qui ont obtenu 10,7% (des scores " record " pour les deux). De ces résultats, on peut déduire qu"une future majorité de gauche en Allemagne nécessitera une alliance tripartite.

Le résultat de " La Gauche " pose un sérieux problème au SPD. Ce parti représente un mix d"anciens communistes notamment de l"Allemagne de l"est et des anciens membres déçus du SPD et proches des syndicats. Ses co-présidents sont Oskar Lafontaine, un ancien président du SPD, et Gregor Gysi, un ancien membre du SED est-allemand. Après les réformes menées par le SPD sous Schröder, " La Gauche " est de plus en plus perçue comme le parti de la justice sociale en Allemagne, ce qui explique son succès. La relation entre le SPD, qui tournera sans doute vers la gauche dans les années à venir, et " La Gauche " aura une importance majeure pour le système politique allemand. Pour le moment, le SPD n"arrive pas à construire une stratégie vis-à-vis de " La Gauche ", mais il sera forcé d"en avoir une dans l"avenir. En même temps, " La Gauche " devra se réformer, entre autres dans le domaine de la politique étrangère : c"est un parti anti-européen qui souhaite que l"Allemagne quitte l"OTAN.

Le SPD souffre du fait qu"il a beaucoup de mal à concilier son action en faveur de la compétitivité de l"économie allemande et son rôle traditionnel de défenseur de la justice sociale. Sous Schröder, il avait clairement mis l"accent sur le premier par rapport au second, et Schröder a en plus choisi d"orienter l"économie allemande sur les exportations. La part des exportations dans le PIB a effectivement augmenté : elle était de 28% dans les années 1990, et de 48% en 2009. Ceci n"a été possible que grâce à une " glacialisation " des salaires et une réduction des allocations de chômage en Allemagne qui a accru la compétitivité allemande au niveau international.

Les orientations politiques du nouveau gouvernement

Les orientations politiques de ce gouvernement de coalition entre la CDU/CSU et les libéraux commenceront à être déterminées à travers la distribution des portefeuilles. Guido Westerwelle, le chef du FDP, sera très probablement Ministre des Affaires Etrangères et Vice-chancelier. Les libéraux souhaitent aussi obtenir, entre autres, le Ministère de l"Economie et celui de l"Intérieur ou de la Justice. De manière générale, la ligne politique ne devrait pas radicalement changer, même si le FDP veut réformer le système fiscal allemand, baisser les impôts et défendre le libéralisme économique. Dans la situation actuelle, ces positions sont difficilement réalisables, et Mme Merkel a déjà annoncé une certaine prudence en termes de politique économique et sociale.

En politique étrangère, l"orientation très pro-européenne du FDP est à noter. Le FDP soutiendra sans doute les initiatives de la Commission en termes de libéralisation et concurrence, et insistera sur le respect du Pacte de stabilité.

En matière de politique de défense, le FDP aimerait mettre en place une armée de métier, mais la CDU/CSU et le SPD y sont opposés. De plus, le FDP aimerait retirer les troupes allemandes d"Afghanistan : une autre position qui ne sera pas réalisable. En effet, il est impossible à l"Allemagne de rapatrier ses quelques 5000 soldats au moment où le président Obama a annoncé que les USA enverraient sous peu 30 000 hommes supplémentaires.

Lors du débat, il a été souligné que la participation à ces élections n"avaient été que de 72%. En évaluant lequel des deux partis pèserait le plus dans la coalition, Hans Stark a insisté que la CDU/CSU possède un avantage sur les libéraux en ayant 239 députés contre 93 pour le FDP. De plus, la CDU profite de sa forte assise régionale dans plusieurs régions clés de l"Allemagne. Quant à la crise et à la relance, il est important de garder en tête que les Allemands économisent beaucoup parce qu"ils sont conscients que le système public des retraites sera en grande difficulté, vu le faible taux de natalité allemand. L"avenir du couple franco-allemand dans l"UE semble de plus en plus limité, mais il pourrait trouver un nouveau rôle dans le développement de la politique européenne de défense. Finalement, le caractère spécial des relations germano-russes sera maintenu. Les intérêts de l"économie allemande primeront toujours sur les droits humains, malgré les régulières interventions d"Angela Merkel et les fortes prises de position du FDP à ce sujet.

Dernier ouvrage paru :

Hans Stark, Michèle Weinachter (eds), L"Allemagne unifiée 20 ans après la chute du Mur, Collection " Espaces politiques ", 290 pages