19
mar
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Carole MATHIEU, citée par Assma Maad dans Le Monde

Peut-on bloquer les prix des carburants, comme le proposent plusieurs candidats à la présidentielle ?

Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, ou encore Eric Zemmour, proposent de geler les prix à la pompe pour freiner l’inflation observée depuis plusieurs mois.

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Pour enrayer la flambée spectaculaire des prix des carburants, amplifiée par l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, le gouvernement a annoncé une remise de 15 centimes d’euro par litre à partir du 1er avril, pour une durée de quatre mois. Un coup de pouce jugé insuffisant par plusieurs candidats à l’élection présidentielle, qui appellent à aller plus loin, jusqu’au blocage des prix des carburants, voire de ceux de l’électricité et du gaz.

Les candidats de gauche Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon ont proposé de bloquer les prix de l’énergie, en particulier celui du carburant. « On décide que ça coûtera 1,30 euro ou 1,40 euro à la pompe et pas un centime de plus, et ce sont les producteurs qui paient », a ainsi déclaré le candidat de La France insoumise (LFI) lors d’un débat organisé sur TF1, le 14 mars. Dans cette même émission, le candidat d’extrême droite Eric Zemmour a proposé un « blocage immédiat à 1,80 euro » par « les grands groupes pétroliers, qui devront réduire leur marge ».

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Le consommateur risque d’être perdant sur le long terme

La crise énergétique actuelle, liée à la guerre en Ukraine, pourrait justifier le blocage des prix de l’énergie. Mais si cette mesure améliore le pouvoir d’achat, elle présente des effets pervers sur le long terme. L’Etat pourrait négocier avec les fournisseurs pour obtenir une participation à l’effort collectif en rognant leurs marges, comme le propose Eric Zemmour.

Mais si le montant fixé ne leur permet pas de répercuter leurs coûts d’approvisionnement pour assurer un minimum de rentabilité, ils risquent de « considérer qu’ils ne peuvent pas assurer la viabilité de leurs activités et se retireront du marché en cessant d’alimenter les consommateurs », alerte Carole Mathieu, chercheuse au centre Énergie et Climat de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Le risque de pénurie serait bien réel.

Dès lors que le tarif fixé ne couvre pas les coûts, « il faudra bien que quelqu’un assume à la fin », avertit aussi Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine. Et le consommateur, gagnant sur le court terme, pourrait se retrouver pénalisé ensuite par un rattrapage des prix. De plus, ce blocage des prix risque de coûter très cher aux finances publiques : « Le manque à gagner pour les opérateurs devra être compensé par l’Etat. A cela il faudra ajouter qu’avec le blocage des prix les taxes perçues par l’Etat vont diminuer et augmenter la dette publique. »

Un effet désincitatif pour les économies d’énergie

Le blocage des prix présente « l’avantage de la simplicité », mais ne permet pas de « cibler les consommateurs et se fait sans considération des revenus et des alternatives dont chacun dispose pour couvrir ses besoins de mobilité », rappelle Mme Mathieu

 Le coup de pouce est pertinent pour une personne en milieu rural qui va travailler en voiture, moins pour un citadin qui utiliserait son véhicule pour les loisirs, dans des lieux où il existe d’autres possibilités de transport. Le blocage crée un « effet d’aubaine », abonde Patrice Geoffron, « tout le monde en bénéficie, y compris des ménages aisés, alors qu’il faudrait concentrer les moyens sur les personnes [les] plus modestes pour être réellement efficace ».

Autre effet pervers, ces tarifs artificiellement bas n’encouragent pas à économiser l’énergie, alors qu’une hausse des prix peut convaincre les consommateurs d’investir dans des moyens de transport moins polluants, ou à se lancer dans des travaux de rénovation énergétique.  

« Ces investissements sont les seules réponses structurelles pour protéger de façon pérenne les consommateurs face auxprochains chocs sur les prix des énergies fossiles », souligne la chercheuse de l’IFRI.

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