13
juin
2023
Espace Média L'Ifri dans les médias
Dimitri MINIC, invité de l'émission "C dans l'air" sur France 5

Contre-offensive : ce que prépare Poutine

L’heure de la contre-offensive a bien sonné. Annoncée depuis des mois, démentie la semaine dernière, la contre-attaque ukrainienne pour reprendre les territoires occupés par la Russie a été confirmée par Volodymyr Zelensky. Selon le président ukrainien, « les combats sont difficiles, mais nous progressons, et c’est très important », a-t-il déclaré dans son adresse quotidienne lundi soir. « La météo n’est pas favorable - la pluie rend notre tâche plus difficile - mais la force de nos soldats donne de bons résultats », a-t-il ajouté, en saluant le retour du drapeau ukrainien dans des « territoires nouvellement libérés ».

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Le gouvernement ukrainien a affirmé avoir « libéré » depuis ce week-end sept villages dans le sud et l’est du pays. La vice-ministre de la Défense a précisé que les villages de Lobkovo, Levadne et Novodarivka, près de Zaporojie, avaient été repris, ainsi que le village de Storozheve, dans le sud de la région de Donetsk. « La superficie du territoire repassé sous notre contrôle s’élève à 90 kilomètres carrés », a assuré Ganna Malyar. Un peu plus tôt l’armée ukrainienne a également indiqué avoir progressé dans la région de Bakhmout, sans en dire plus.

Pour Dimitri Minic, « Il n’y a pas de choc frontal, les Ukrainiens gardent leurs forces principales en réserve. En revanche, le but de la défense russe est de les obliger à avancer et à amener ces forces principales, en réserve, dans la bataille. »

 

Car les autorités ont demandé depuis plusieurs jours le silence. La consigne a été donnée aux soldats ukrainiens mais aussi à l’ensemble de la population notamment aux civils à proximité de la ligne de front. Des vidéos ont été publiées sur Internet montrant des soldats en uniforme faire « chut » en mettant leur index sur la bouche. Un appel au silence suivi par les Ukrainiens pour éviter que les informations sur la stratégie militaire mise en œuvre ou sur les positions des troupes ukrainiennes fuitent et profitent à la Russie. De fait, les soldats ukrainiens mènent leur opération de reconquête dans la discrétion et parfois de nuit pour percer les défenses russes. Moscou, en effet, a mis en place ces derniers mois d’importantes fortifications pour empêcher leur progression : fossé antichar, « dents de dragon », tranchées, champs de mines… sans parler de la multiplication des inondations dans le sud du pays depuis la destruction de la centrale hydroélectrique de Kakhovka lundi dernier.

« Les Russes se sont énormément préparés. Contrairement à la contre-offensive de Kharkiv en septembre dernier où les Ukrainiens se sont attaqués à une portion du front assez mal défendue, ici on est sur une section du front ultra-préparée et fortifiée par les Russes. »

 

Du côté russe, à l’inverse, Moscou évoque une opération en échec jusqu’à présent et affirme avoir capturé pour la première fois sur le front des chars de fabrication allemande Leopard ainsi que des blindés de fabrication américaine Bradley, fournis à Kiev par les Occidentaux pour sa contre-offensive. « Maintenant, ce sont nos trophées », a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram, accompagnant son message d'une vidéo filmée au téléphone montrant plusieurs véhicules militaires endommagés. Samedi il avait déjà relayé une vidéo où l’on peut voir une colonne de chars et de véhicules blindés de fabrication occidentale détruits, certaines carcasses fumant encore, dans le sud de la région de Donetsk. Les blogueurs pro-guerre russes étaient depuis euphoriques et proposaient de déposer les carcasses devant les ambassades à Moscou de leurs pays d’origine. La propagande russe espère ainsi décourager les soutiens de l’Ukraine, mais pas seulement. Selon le Quai d'Orsay, de fausses pages Internet usurpant l’identité de plusieurs médias ont notamment été créées pour publier de faux articles hostiles à l’Ukraine. Le ministère des Affaires étrangères a également affirmé avoir déjoué une tentative d’usurpation d’identité sur son site internet.

« Dans leur retour d’expérience, les militaires russes ont comparé l’armée russe à une grosse vache face à une meute de loup (les Ukrainiens). Ils ont insisté pour créer des unités tactiques primaires plus petites et ont pensé que c’était l’aspect novateur de cette guerre, plus encore dans un champ de bataille qui devient transparent, saturé de moyens de reconnaissance, de surveillance, etc. », souligne l'expert.

 

Mais que sait-on de la contre-offensive ukrainienne et de l’opération d'ingérence numérique menée par la Russie en France ? Comment le peuple russe perçoit-il la guerre en Ukraine ces derniers jours ? Comment les Russes s’informent-ils dans ce pays où les médias sont extrêmement contrôlés par le pouvoir ? Quelles voix reste-t-il encore en Russie pour s’opposer à Vladimir Poutine ? Fin avril deux des dernières grandes figures de l’opposition encore présentes dans le pays, Illia Iachine et Vladimir Kara-Mourza, ont été condamnées à huit ans et demi et 25 ans de prison. Les deux hommes ont rejoint derrière les barreaux Alexeï Navalny et les 527 personnes incarcérées depuis février 2022 pour s’être opposées à la guerre, selon l'ONG OVD-Info. Et le chambre basse du Parlement russe, la Douma vient d’adopter une série d’amendements durcissant encore les peines encourues par quiconque oserait critiquer le pouvoir, en instaurant notamment la perpétuité pour « haute trahison ».

Selon Dimitri Minic, « La Russie a une expérience modeste de la démocratie. La matrice de l’État autocratique n’a jamais été détruite. La société civile russe a toujours eu du mal à exister en Russie, l’État russe ayant eu tendance à l’absorber et à lui enlever toute possibilité d’innovation et d’expression. »

 

Nos experts : 

  • Général Dominique Trinquand, Ancien chef de la mission militaire française auprès de l’ONU
  • Daphné Benoit, Correspondante Défense à l'AFP et ancienne correspondante au Pentagone
  • Mélissa Bell, Journaliste spécialiste des relations internationales - Correspondante à Paris pour CNN
  • Dimitri Minic, Chercheur au Centre Russie / Eurasie de l'Ifri

 

 

> Retrouver le replay de l'émission sur le site de France TV.

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