La Turquie en marge du Golfe : un Spectateur Enragé
Huit ans après le déclenchement des "printemps arabes" et deux ans après la rupture des relations diplomatiques entre les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et le Qatar, la Turquie semble marginalisée dans le Golfe Persique. Alors que le parti du Président Erdogan a entamé depuis son arrivée au pouvoir en 2002 une politique "néo-ottomane" et tournée vers le Moyen-Orient, les "printemps arabes" ont révélé une logique de compétition entre puissances concurrentes.
La Turquie, qui tentait depuis un siècle de maintenir des relations équidistantes avec l’ensemble des pays de la péninsule arabique, se retrouve dans le camp de Doha et est régulièrement visée par la vindicte de Riyad et d’Abu Dhabi, qui se sont entretemps rapprochés d’Israël — un autre ennemi d’Erdoğan. Un conflit par procuration s’engage sur les théâtres militaires (Syrie, Libye) et sur le terrain de la communication, tous les moyens étant bons pour dénigrer l’autre partie. La mise en scène savante organisée par les autorités turques à l’automne 2018 autour du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul a ainsi marqué une montée spectaculaire de l’antagonisme entre, d’une part, une monarchie saoudienne qui se pique de réformes et, d’autre part, une Turquie qui s’éloigne de plus en plus des us et coutumes démocratiques.
Malgré cet épisode, le soutien apporté par Donald Trump au prince Mohammed Ben Salmane ne s’est jamais démenti et l’affaire Khashoggi, pour dramatique qu’elle soit, n’a pas eu l’effet de rééquilibrage espéré par la Turquie. Elle illustre ainsi les limites de l’agitation turque dans la région : dépassée par la dynamique propre du sous-système golfien, marginalisée dans l’affrontement qui oppose l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis (EAU), Israël d’un côté, et l’Iran de l’autre, la Turquie craint de se retrouver à l’écart du grand jeu en cours au Moyen-Orient.
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Dès la fin de la guerre d’Algérie, la France a systématiquement repris contact avec les pays arabes qui avaient rompu les relations diplomatiques au moment de la malheureuse expédition de Suez de 1956. Ainsi se sont renouées ou nouées des relations actives et souvent confiantes, y compris avec des pays où elle était absente, comme les émirats du Golfe. Le président Chirac a voulu formaliser et conforter cette orientation lorsque le 6 mars 1996, à l’université du Caire, il a évoqué la « politique arabe et méditerranéenne » de la France. Par-delà quelques principes communs, il s’agissait naturellement d’une politique à géométrie variable selon les pays, avec la volonté d’être présent dans cet ensemble de pays qui sont nos voisins proches, situés dans une zone stratégique et dont d’importantes communautés vivent en France. Très tôt attachée à contribuer à la paix entre Israël et les pays arabes, la France prône une politique équilibrée entre le maintien de la sécurité d’Israël et le soutien du processus de paix israélo-palestinien qui donnerait le droit à l’autodétermination des Palestiniens et à la création d’un État. À cet égard, l’année 2007 représente une rupture due à l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy qui sur ce plan, comme sur d’autres, a pris le contre-pied de son prédécesseur. Depuis lors, la politique de la France dans cette région n’a plus la même priorité, réagit plus qu’elle n’agit et semble flotter entre une volonté de maintenir ses liens avec les pays arabes et une certaine complaisance à l’égard d’Israël.
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