Afrique du Nord et Moyen-Orient : des migrations en quête d'une politique
La distinction pays émetteurs/pays récepteurs tend à s’effacer au sud de la Méditerranée. Si les pays pétroliers deviennent plus restrictifs vis-à-vis de l’immigration, nombre d’autres pays doivent se transformer en pays d’accueil, ou de transit, d’une immigration mondialisée. Partout se pose donc le problème des politiques nécessaires: au niveau international pour réunir les questions de l’émigration et de l’immigration, au niveau national pour intégrer les populations nouvelles.
Nuit sans lune. Des embarcations légères abordent le navire qui attend au large sa cargaison de clandestins pour l’Europe. Ils iront grossir les rangs de cette « multitude d’hommes, de femmes et d’enfants en haillons qui errent dans les rues de Marseille, de Barcelone et d’autres villes françaises et espagnoles. Quand on leur demande pourquoi ils ont quitté leur pays, ils inventent des histoires invraisemblables de femmes et d’enfants massacrés, simplement pour attirer la compassion. » Nous sommes au Liban en 1889 ; le consul de la Sublime Porte à Barcelone commente les résultats de l’enquête qui révèle l’existence d’un réseau de trafiquants dont la tête est à Tripoli (Liban). Le gouverneur de Beyrouth ordonne que l’on saisisse les embarcations et que l’on fasse comparaître les trafiquants et leurs complices. Son successeur comprend bientôt que les mesures administratives à l’encontre de l’émigration, loin d’éliminer le phénomène, ne font que favoriser son caractère illégal. Les routes de la migration clandestine sont si bien établies que ce ne sont plus seulement les habitants du Liban qui les empruntent, mais ceux des pays proches. Il faudra vingt ans pour que le ministre de l’Intérieur de l’Empire ottoman admette que « le problème se résoudra de lui-même en temps utile, lorsque l’argent envoyé par les émigrés et leurs investissements apporteront un essor du commerce, de l’artisanat et des usines dans le Mont-Liban et au-delà. »
Près de cent vingt ans plus tard, l’histoire se répéterait-elle ? Oui : la pression migratoire, le trafic qu’elle alimente, la réticence des pays receveurs et les stratégies de contournement que celle-ci engendre n’ont guère changé. Non, si l’on considère son contexte : la démographie et la politique ont créé un terrain totalement nouveau sur lequel se jouent les migrations modernes. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- La fin de l’opposition entre pays d’émigration et pays d’immigration
- Qui sont les migrants ?
- Persistance de l’émigration
- Mobilisation des diasporas
- Généralisation de l’immigration
- Protectionnisme et absence de projet d’intégration des immigrés
Philippe Fargues, professeur à l’Institut universitaire européen de Florence, dirige le Consortium euro-méditerranéen pour la recherche appliquée sur les migrations internationales au Robert Schuman Centre for Advanced Studies. Spécialiste des questions de population dans le monde musulman, il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages et de plus d’une centaine d’articles scientifiques.
Contenu disponible en :
Régions et thématiques
Utilisation
Comment citer cette publicationPartager
Téléchargez l'analyse complète
Cette page ne contient qu'un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.
Afrique du Nord et Moyen-Orient : des migrations en quête d'une politique
En savoir plus
Découvrir toutes nos analyses2029, la grande renaissance asiatique
Les Asiatiques ont été dominés et parfois humiliés par les Occidentaux au cours des deux derniers siècles. Ils abordent aujourd’hui l’avenir avec confiance. En 2050, les deux premières puissances mondiales devraient être la Chine et l’Inde. La grande renaissance asiatique engendrera des bouleversements géopolitiques. Les tensions sino-américaines sont déjà visibles et des conflits pourraient émerger entre puissances asiatiques. Toutefois, le choc des civilisations n’est pas inévitable.
Le Moyen-Orient en 2029
Les guerres qui ravagent aujourd’hui le Moyen-Orient n’ont pas vocation à se poursuivre éternellement et la région n’est pas vouée à être dirigée par des autocrates. Une transition vers un ordre plus juste pour les populations est possible mais elle prendra du temps. Il est peu probable qu’elle advienne d’ici 2029. Les progrès viendront graduellement, poussés par la société civile. De nouvelles révolutions sont possibles mais il n’est pas sûr qu’elles produisent davantage de démocratie.
Les Afriques en 2029
De réels progrès dans la diversification de certaines économies, ainsi qu’une réhabilitation des actions publiques en la matière, ont modifié, depuis les années 2000, les conditions générales de développement du continent. En matière politique, et au-delà des exigences de démocratie électorale formelle, trop souvent détournées, c’est une véritable reconstruction des États qui s’avère nécessaire, pour intégrer les régions marginalisées, et développer la coopération régionale et continentale.
Les fonds souverains du Golfe, acteurs majeurs de la finance mondiale
La mission principale d'un fonds souverain est de constituer une épargne nationale à long terme destinée aux générations futures, en diversifiant ses investissements sur les plans sectoriel et géographique. Dans cette logique, les pays du Golfe ont alimenté pendant de nombreuses années leurs fonds souverains grâce aux gigantesques rentes pétrolières, notamment lorsque les cours du brut étaient au plus haut, atteignant un record historique de 143 dollars le baril en 2008.
Lors de la crise financière de 2007-2008, leur intervention a été déterminante dans le sauvetage du système financier, avec l'injection de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le capital des institutions financières. Depuis, ils n'ont cessé de gagner en crédibilité, en sophistication et en technicité. Ainsi sont-ils à la pointe en matière d'investissement dans l'Intelligence artificielle (IA) et la transition énergétique. De nouvelles orientations dans leurs stratégies d'investissement peuvent avoir des répercussions majeures sur l'écosystème financier mondial.
Aujourd'hui, les fonds souverains du Golfe sont devenus de véritables titans de la finance. Leur influence grandissante reflète un poids financier colossal et une montée en puissance aussi fulgurante que structurée. Voici dix ans, ils contrôlaient collectivement environ 2 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion (assets under management, AUM). En 2025, ce montant a plus que doublé pour atteindre plus de 5 350 milliards de dollars, soit près de 40 % des AUM des fonds souverains dans le monde, estimés à 13 000 milliards de dollars. Le golfe Arabo-Persique est ainsi devenu le centre de gravité mondial des fonds souverains.
François-Aïssa Touazi est senior managing director chez Ardian, leader européen du capital-investissement, en charge des relations investisseurs et des affaires publiques. Il est aussi vice-président des conseils France-pays du Golfe au Medef International et préside la task force sur les fonds souverains.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 90, n° 4, 2025.