2029, la grande renaissance asiatique
Les Asiatiques ont été dominés et parfois humiliés par les Occidentaux au cours des deux derniers siècles. Ils abordent aujourd’hui l’avenir avec confiance. En 2050, les deux premières puissances mondiales devraient être la Chine et l’Inde. La grande renaissance asiatique engendrera des bouleversements géopolitiques. Les tensions sino-américaines sont déjà visibles et des conflits pourraient émerger entre puissances asiatiques. Toutefois, le choc des civilisations n’est pas inévitable.
Le XXIe siècle sera le siècle de l’Asie, tout comme le XIXe fut celui de l’Europe et le XXe celui des États-Unis. Cela ne fait aucun doute : de l’an 1 à 1820, les deux plus grandes économies du monde ont été la Chine et l’Inde. Les 200 dernières années, où l’histoire mondiale a été dominée par l’Occident, ont donc été une exception historique. Or toute exception finit par disparaître. En 2019 déjà, en parité de pouvoir d’achat (PPA), trois des quatre plus grandes économies mondiales sont asiatiques : la Chine, l’Inde et le Japon. En 2029, la part asiatique du produit national brut (PNB) mondial sera plus grande encore.
Il ne fait aucun doute que le XXIe siècle sera celui de l’Asie. La question est de savoir si ce sera un siècle heureux. Le politologue américain Aaron L. Friedberg a prédit, voici plus de 20 ans, que « le passé de l’Europe pourrait être l’avenir de l’Asie ». Les transferts de puissance entre nations européennes à la fin du XIXe siècle ont conduit aux grandes guerres européennes du XXe siècle ; le même phénomène pourrait se produire en Asie.
Beaucoup d’Occidentaux pensent que l’Asie est d’autant plus encline au conflit et à la division qu’il n’existerait pas de liens culturels entre les sociétés asiatiques. C’est là une vision erronée. Les différentes parties de l’Asie entretenaient en vérité des liens profonds avant l’ère coloniale européenne. L’hypothèse développée ici est que, d’ici à 2029, l’Asie connaîtra une renaissance culturelle spectaculaire avec l’explosion des classes moyennes asiatiques. Il serait cependant téméraire de prédire que le chemin sera sans heurts. L’histoire n’avance jamais en ligne droite, et cette évolution connaîtra donc des hauts et des bas.
Les sept piliers de la sagesse occidentale
Bien que nombreux soient ceux qui, en Occident, ont été surpris par la résurgence spectaculaire des économies asiatiques, il était possible de prévoir ce retour en force de l’Asie. Avec la publication en 1998 de mon premier volume d’essais – Can Asians Think? –, je décrivais avec deux décennies d’avance les forces à l’œuvre dans la régénération du continent asiatique. Dix ans plus tard, dans The New Asian Hemisphere – publié en France sous le titre Le Défi asiatique –, je soutenais que l’Asie parvenait à se revitaliser parce qu’elle avait compris, intégré et appliqué les sept piliers de la sagesse occidentale : l’économie de libre-échange, les sciences et technologies, la méritocratie, le pragmatisme, la culture de la paix, l’état de droit et l’éducation. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- Les sept piliers de la sagesse occidentale
- La géopolitique asiatique
- La grande renaissance culturelle
Kishore Mahbubani est professeur de politique publique à l’université nationale de Singapour. Ancien diplomate, il a notamment été représentant permanent de Singapour à l’Organisation des Nations unies. Il est également l’auteur de Has the West Lost It?, Londres, Penguin Press, 2018.
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Les fonds souverains du Golfe, acteurs majeurs de la finance mondiale
La mission principale d'un fonds souverain est de constituer une épargne nationale à long terme destinée aux générations futures, en diversifiant ses investissements sur les plans sectoriel et géographique. Dans cette logique, les pays du Golfe ont alimenté pendant de nombreuses années leurs fonds souverains grâce aux gigantesques rentes pétrolières, notamment lorsque les cours du brut étaient au plus haut, atteignant un record historique de 143 dollars le baril en 2008.
Lors de la crise financière de 2007-2008, leur intervention a été déterminante dans le sauvetage du système financier, avec l'injection de plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le capital des institutions financières. Depuis, ils n'ont cessé de gagner en crédibilité, en sophistication et en technicité. Ainsi sont-ils à la pointe en matière d'investissement dans l'Intelligence artificielle (IA) et la transition énergétique. De nouvelles orientations dans leurs stratégies d'investissement peuvent avoir des répercussions majeures sur l'écosystème financier mondial.
Aujourd'hui, les fonds souverains du Golfe sont devenus de véritables titans de la finance. Leur influence grandissante reflète un poids financier colossal et une montée en puissance aussi fulgurante que structurée. Voici dix ans, ils contrôlaient collectivement environ 2 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion (assets under management, AUM). En 2025, ce montant a plus que doublé pour atteindre plus de 5 350 milliards de dollars, soit près de 40 % des AUM des fonds souverains dans le monde, estimés à 13 000 milliards de dollars. Le golfe Arabo-Persique est ainsi devenu le centre de gravité mondial des fonds souverains.
François-Aïssa Touazi est senior managing director chez Ardian, leader européen du capital-investissement, en charge des relations investisseurs et des affaires publiques. Il est aussi vice-président des conseils France-pays du Golfe au Medef International et préside la task force sur les fonds souverains.
Article publié dans Politique étrangère, vol. 90, n° 4, 2025.
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