17
mar
2019
Espace Média L'Ifri dans les médias
Christchurch, Canterbury, New Zealand, March 17 2019
Françoise NICOLAS, interviewée par Dorian Malovic pour La Croix

Attentat en Nouvelle-Zélande : « un KO terrible »

Les Néo-Zélandais rendent hommage, dimanche 17 mars, aux 50 fidèles tués vendredi dans deux mosquées de Christchurch. « Il y aura peut-être des aménagements à faire » en matière de sécurité en Nouvelle Zélande, et notamment dans les futures relations avec l’Australie, estime la chercheuse Françoise Nicolas*, de retour d’une mission en Nouvelle-Zélande où elle se trouvait juste avant l’attentat de vendredi 15 mars.

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La Croix : Vous revenez il y a quelques jours d’une mission en Nouvelle-Zélande. Cet attentat terroriste vous a-t-il surpris ?

Françoise Nicolas : Complètement, et je pense que les Néo-Zélandais sont sous le choc d’une telle violence. Toutes les personnes sur place que j’ai pu contacter depuis vendredi sont abasourdies et sous le choc. En Nouvelle-Zélande les taux de criminalité sont extrêmement faibles, et le sens de la « Communauté » est très important là-bas.

On vit dans la proximité avec ses voisins ou ses collègues. Christchurch, où s’est produite l’attaque terroriste, est une petite ville. Il est très choquant pour les Néo-Zélandais de voir quelqu’un qui ne joue pas le jeu de la « communauté » et qui agresse. Il s’agit là-bas d’un acte totalement « anormal », incompréhensible. Cela va contre l’idéal général. Les Néo-Zélandais sont sans voix, pétrifiés. C’est bien le dernier endroit au monde où on pouvait imaginer un tel acte terroriste.

Il faut rappeler, en outre, que Christchurch ne s’est pas encore remise de deux terribles tremblements de terre récents. Celui de 2011, qui a fait près de 200 victimes, et celui de 2016, qui a fait d’énormes dégâts matériels. De nombreuses personnes âgées ont quitté la ville. L’impression à Christchurch est étrange, car la ville s’est un peu vidée, ça se voit, ça se sent. Cet attentat terroriste de vendredi est, à sa manière, une autre forme de « réplique » déstabilisatrice.

Dans cette partie du monde, le Pacifique, quelle est la place de la Nouvelle-Zélande, et quel est son poids ?

F. N. : C’est un petit acteur mais un partenaire idéal pour nous Européens. La Nouvelle-Zélande n’est pas du tout une petite Australie, comme on a tendance à le penser. C’est un pays beaucoup plus orienté vers l’Union européenne, étant très conscient qu’un partenariat avec l’Europe lui est bénéfique.

En même temps, les Néo-Zélandais sont très pragmatiques en politique étrangère vis-à-vis de la Chine qui, certes, n’est pas un partenaire facile mais indispensable. Il est impossible pour Wellington de se couper de Pékin, avec qui les échanges commerciaux sont très très importants. Ils ont raison, c’est un principe de réalité qu’ils gèrent plutôt habilement. En revanche, sur des thèmes comme le réchauffement climatique, ils sont plus proches de nous.

La Nouvelle-Zélande va-t-elle prendre de nouvelles mesures de sécurité à la suite de cet attentat commis par un Australien ?

F. N. : Entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie, il existe des liens très étroits. Ainsi les ressortissants de chacun de ces deux pays peuvent circuler et s’installer librement dans l’un ou l’autre pays pour travailler. Il y aura peut-être des aménagements à faire sur ce plan, sachant que certains partis de la coalition au pouvoir à Wellington y sont favorables. Cette fluidité, de fait, n’est plus une évidence.

La Nouvelle-Zélande va peut-être également demander à l’Australie d’assurer plus de contrôles sur certains de ses ressortissants, et peut-être revoir sa politique sur les ports d’armes. Mais là, ils sont encore sous le choc. Si pour nous, un tel acte est maintenant plus intégré dans notre inconscient, en Nouvelle-Zélande c’est un KO terrible.

Propos recueillis par Dorian Malovic

* Directrice du Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

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