05
avr
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Tatiana KASTOUEVA-JEAN, citée par Clément Daniez et Paul Véronique pour L'Express

Guerre en Ukraine : les quatre erreurs fondamentales de Poutine

Aveuglé par son enfermement idéologique et son mépris des démocraties libérales, le leader russe a mené son pays à une guerre désastreuse.

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En 1904, Nicolas II était convaincu de pouvoir battre "à plate couture" le Japon de l'empereur Meiji. Le tsar ne se doutait pas qu'il lui faudrait admettre sa défaite l'année suivante, payant les insuffisances de ses stratèges, celles de ses troupes et la méconnaissance de son adversaire comme du théâtre d'opérations extrême-oriental. Cette leçon de l'Histoire, Vladimir Poutine a préféré l'oublier. Isolé dans ses palais, enivré par sa propre propagande, aveuglé par son refus des contre-pouvoirs, le chef du Kremlin s'est persuadé que l'Ukraine ne pourrait lui résister. Et que la réussite ne lui échapperait pas, comme le pensait, en son temps, le dernier Romanov.

Après tout, son armée a accumulé les succès en Syrie. Et l'implication clandestine de ses forces d'élite dans le Donbass en 2014 et 2015 avait contraint le pouvoir de Kiev à de douloureuses concessions. A cela s'ajoute la vassalisation, ces deux dernières années, de la Biélorussie d'Alexandre Loukachenko, contraint de l'appeler à l'aide pour mater une contestation populaire à l'ampleur inédite. Pétri d'hubris, l'ancien agent du KGB n'a pas vu que la jeune démocratie ukrainienne poursuivait coûte que coûte son émancipation de Moscou, amorcée avec la fin de l'URSS. Ni que les démocraties occidentales, qu'il méprise tant, feraient bloc contre lui.

  • 1ère erreur : le déni de l'Ukraine

Pour le chef du Kremlin, ce pays est une construction artificielle, sans fondement historique. Il ne peut y avoir, selon lui, d'Ukraine démocratique, indépendante de la Russie. "Nous formons un seul peuple", a-t-il asséné l'été dernier dans son très contestable essai sur "l'unité historique des Russes et des Ukrainiens". Il s'est ainsi persuadé que ses soldats seraient accueillis en libérateur, en particulier par les russophones de l'Est. La réalité s'est révélée tout autre. "L'identité nationale ukrainienne est bien réelle et s'est beaucoup renforcée depuis l'agression russe de 2014, pointe l'historienne Galia Ackerman. Poutine n'a pas anticipé que les Ukrainiens étaient prêts à se battre héroïquement."

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  • 2e erreur : une résistance sous-estimée

Poutine était convaincu que l'armée ukrainienne serait à l'image de "l'Etat failli" qu'elle défend. Il n'a pas vu qu'elle s'était préparée à une invasion, comme l'a montré sa tentative de prendre l'aéroport de Hostomel, au nord-ouest de Kiev. Aprement contestée par les forces ukrainiennes, sa piste a été rendue inutilisable à force de combats acharnés, faisant perdre aux Russes un précieux atout. Un mois plus tard, incapable d'encercler la capitale ukrainienne, l'état-major russe a annoncé revoir ses plans pour se concentrer sur "la libération du Donbass".

Car l'armée russe, dont Poutine a surestimé les capacités, accuse de lourdes pertes. Entre 7000 et 15 000 de ses soldats auraient été tués en un mois de conflit, selon l'Otan. Un chiffre qui, dans sa fourchette haute, est similaire à celui des morts soviétiques en Afghanistan... en dix ans de guerre.

"La situation n'a plus rien à voir avec le conflit russo-ukrainien de 2014, lorsque Poutine et ses généraux avaient assisté à un effondrement rapide de l'armée ukrainienne, retrace Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du centre Russie à l'Institut français des relations internationales. Aujourd'hui elle est motivée, mieux équipée et a pu bénéficier d'une formation par des instructeurs occidentaux."

  • 3e erreur : le pari raté d'un Occident désuni

Le pari de Vladimir Poutine ? Qu'une Union européenne réticente à s'affirmer en tant que puissance, dépendante du gaz russe et inquiète de la menace nucléaire agitée par Moscou, n'ose lui tenir tête - pas plus que les Etats-Unis, dont la relation avec le Vieux Continent s'est, en outre, étiolée pendant les années Trump. Avec le retrait chaotique d'Afghanistan et un Joe Biden vieillissant, qui soufflera ses 80 bougies cet automne, il s'est persuadé avoir le champ libre.

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  • 4e erreur : croire que les démocraties sont faibles

C'est la faute originelle de Poutine, inspiré par la pensée d'Ivan Ilyne, un philosophe conservateur russe du début du XXe siècle qu'il présente comme son auteur de chevet. "Il est convaincu de la faiblesse des démocraties formelles, fondées sur le droit, comme les appelle Ilyne, fait valoir Michel Eltchaninoff, auteur de Dans la tête de Vladimir Poutine (Actes Sud). Il promeut un autre modèle, que j'appelle la 'démocratie d'acclamation', fondée sur l'enthousiasme ressenti par le peuple face à la force et la ténacité d'un guide, réélu de manière systématique, et qui propose un grand projet civilisationnel."

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>L'article en intégralité sur L'Express.

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