Le projet d’avion de combat franco-allemand au bord du crash
Les tensions deviennent très vives entre Dassault et Airbus, qui menacent tous les deux de quitter le projet de l’avion de combat commun. Ce dernier doit succéder au Rafale et à l’Eurofighter et devenir l’un des plus grands programmes d’armement en Europe. Mais Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz ont beau appeler à la poursuite de la coopération, le risque existe que Dassault développe l’appareil seul, aux frais de la France.
L’avion de combat franco-allemand, désiré par Angela Merkel et Emmanuel Macron et qui doit succéder au Rafale et à l’Eurofighter, volera-t-il un jour ? Ou bien la France devra-t-elle financer seule un chasseur de sixième génération, face à des compétiteurs américains, européens, chinois ?
Huit ans après le lancement du Système de combat aérien du futur (Scaf), le projet semble au bord du crash, tant les menaces de rupture se multiplient du côté des industriels concernés, Dassault pour la France et Airbus pour l’Allemagne et l’Espagne, qui s’y est jointe en 2019.
À l’intérieur du Scaf, les nuages s’amoncellent au-dessus du projet d’avion - dit NGF (Next Generation Fighter, avion de combat de nouvelle génération). Car le Scaf est un ensemble plus global comprenant également des drones de combat ainsi qu’un « cloud de combat », une bulle numérique permettant l’interconnexion des avions, des drones et de systèmes de détection à terre et en mer.
Dans ces deux derniers domaines, les choses avancent. En revanche, le quatrième « pilier » du Scaf, le moteur est, lui, tributaire des turbulences qui frappent le projet de chasseur, même si Safran, côté français, et MTU, côté allemand, sont parvenus à un accord.
Au total, pour les trois États, le coût estimé de la mise au point de toutes les composantes et des premières commandes d’avions est estimé à 100 milliards d’euros. Près de 3 milliards d’euros ont déjà été dépensés en études, qui mobilisent 2 000 ingénieurs pour la première phase du programme.
Si les tensions s’exacerbent depuis quelques mois, c’est qu’avant la fin de l’année, États et industriels sont censés signer les contrats de la phase 2 qui engagera 5 milliards supplémentaires. Elle doit aboutir au premier vol d’un démonstrateur en 2029.
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Macron et Merz ne convainquent pas
Le 18 novembre, les deux dirigeants ont voulu donner une nouvelle impulsion. Emmanuel Macron a évoqué une « obligation de résultat » et un « test de crédibilité pour l’Europe ». Il a tenté de rassurer : « On y croit, on avance et on va passer les messages qu’il faut aux industries ». Le chancelier allemand a, pour sa part, indiqué qu’une décision serait prise « dans les prochains jours sur la manière de passer à la phase suivante ».
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Un besoin urgent de clarification
Paul Maurice, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes, rappelle qu’en dehors de l’avion, « les autres piliers du Scaf avancent bien ; notamment le cloud de combat qui pourrait contribuer à renforcer la souveraineté numérique européenne. »
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Que l’Allemagne prétende rallier le programme Gcap et que Dassault assure vouloir tout faire seul, relève, selon, lui, « du bluff des phases critiques de négociation ». Mais il met en garde sur « le risque de se laisser emporter par son propre bluff… »
Car ce qui est en jeu, c’est une centaine de milliards d’euros d’activité et plusieurs décennies de coopération industrielle franco-allemande. Il juge donc « urgent que les politiques apportent une clarification ».
Car ce qui est en jeu, c’est une centaine de milliards d’euros d’activité et plusieurs décennies de coopération industrielle franco-allemande. Il juge donc « urgent que les politiques apportent une clarification ».
Secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri
Cet article est publié dans Ouest France.
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