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Retour des armes à sous-munitions : la note explosive du think tank Ifri

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cité par Vincent Lamigeon pour

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Face à la menace russe, le recours aux armes à sous-munitions est à nouveau sur la table en Europe. Sans revenir sur ses engagements internationaux, la France pourrait accroître sa puissance de feu en utilisant des munitions non prohibées par les textes, estime une note de l’Ifri.

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Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri
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C’est l’un des débats les plus sensibles de la défense européenne. Après des années d’interdiction, les armes à sous-munitions et mines anti-personnel font leur grand retour sur le Vieux continent, sur fond de menace russe sur le flanc Est. La Lituanie s’est retirée début mars de la convention d’Oslo, adoptée en 2008, qui interdit une bonne part des armes à sous-munitions. Quelques jours plus tard, la même Lituanie, accompagnée de la Pologne, l’Estonie et la Lettonie, annonçaient leur retrait de la convention d’Ottawa, qui interdit depuis 1997 les mines antipersonnel. La Finlande leur a emboîté le pas début avril.

La cause de ces retraits successifs est claire : face à une menace russe ressentie comme existentielle, les pays du flanc Est ont changé de posture stratégique. « La stratégie des Baltes et des Polonais consistait jusqu’en 2022 à mener une défense souple de leur territoire, échangeant si besoin du terrain contre du temps, pour permettre à des renforts venus de l’Ouest de monter en ligne », souligne Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, dans une note sur les armes à sous-munitions et mines antipersonnel, consultée par Challenges.

« Rééquilibrer un rapport de forces défavorable »

Traumatisés par la rapidité des avancées russes en Ukraine au début de l’invasion et les exactions multiples commises sur des civils, Baltes et Polonais ont réorienté leur posture, explique le chercheur, « vers une « défense de l’avant » beaucoup plus ferme selon une politique du « zéro pouce » de territoire occupé ». 

Citations Auteurs

Sans être une solution miracle, les armes à sous-munitions et les mines antipersonnel représentent un apport tactique indéniable pour équilibrer rapidement un rapport de force initialement défavorable.

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Une plateforme unique, aussi efficace que six à huit lanceurs

Selon un rapport des députés Jean-Louis Thiériot et Matthieu Bloch sur l’artillerie publié le 30 avril, cet usage massif s’explique par une efficacité opérationnelle indéniable. « Il suffirait de tirer 8 à 10 armes à sous-munitions pour sécuriser un secteur de 200 m par 200 m, indique le rapport. Ces armes sont ainsi très efficaces pour neutraliser l’infanterie adverse et détruire les véhicules ennemis y compris les véhicules avec blindage léger. »

La note de l’Ifri est sur la même ligne : elle souligne que les 950 sous-munitions d’une roquette guidée M39 américaine, tirée par un lance-roquettes Himars, couvrent une surface de plus de 30.000 m2. « Une plateforme unique utilisant des armes à sous-munitions peut ainsi obtenir en quelques instants un effet équivalent à celui d’une batterie entière de six à huit lanceurs utilisant des munitions classiques, soit une économie substantielle de moyens humains et matériels », explique Léo Péria-Peigné.

Cette efficacité n’est pas passée inaperçue dans le Landerneau militaire européen. Au point que la question est désormais clairement posée : la France et l’Europe doivent-ils à nouveau ouvrir la porte à ces armements proscrits ? Paris a jusqu’à présent figuré parmi les bons élèves. 

Citations Auteurs

La France n’a pas utilisé d’arme à sous-munitions depuis 1991 et a cessé d’en fabriquer dès 2002, souligne le Quai d’Orsay. Avant même l’entrée en vigueur de la Convention, la France avait décidé de retirer du service opérationnel la totalité des armes désormais interdites par cette Convention : la roquette M26 et l’obus de 155 mm à grenades (OGR).

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« Ne pas s'interdire une réflexion » sur les armées à sous-munitions

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La note de l’Ifri appelle également au réalisme. Elle rappelle d’abord que le retour de ces armements est un fait établi chez plusieurs pays européens, avec lequel il va falloir de toute façon composer. « Le retrait des traités étant acté pour les pays en question, il est nécessaire de se préparer dès maintenant au retour de ces capacités dans le dispositif » de l’Otan, pointe Léo Péria-Peigné. « Les nations-cadres de l’Alliance auront potentiellement à intégrer (…) des unités alliées dotées de capacités interdites à leurs propres forces. »

Le document, rejoignant les préconisations du rapport de l’Assemblée nationale, estime aussi que les autres membres de l’Otan, France en tête, ne doivent pas s’interdire une réflexion sur « l’augmentation nécessaire de la puissance de feu de leurs forces terrestres ». Les mines antipersonnel n’ont guère de sens aussi loin de la frontière russe. Mais les armes à sous-munitions, estime la note de l’Ifri, pourraient avoir un vrai intérêt pour remuscler des capacités françaises très affaiblies (une centaine d’obusiers, et moins de dix lance-roquettes dans l’armée de terre). En clair, les arbitrages financiers ne laissant pas présager d’augmentation massive du nombre de plateformes, il faudrait rechercher un « plus grand effet par munition », résume le chercheur.

Une nouvelle roquette à neuf sous-munitions ?

Le rapport de l’Ifri donne plusieurs pistes pour y parvenir, sans renoncer pour autant aux engagements internationaux français. La première serait d’exploiter les latitudes laissées par la convention d’Oslo, qui n’interdit pas les sous-munitions de plus de 20 kg. Le document suggère de développer, pour les futurs lance-roquettes multiples (LRM) français, « une roquette emportant neuf sous-munitions intelligentes similaires à celles emportées par l’obus BONUS », un obus franco-suédois de 155 mm (47 kg) doté de deux sous-munitions, très utilisé par l’Ukraine.

Ce nouvel armement « permettrait ainsi un tir de saturation contre des forces mécanisées qui, avec un seul lanceur de six roquettes, équivaudrait à plusieurs pièces d’artillerie de 155 millimètres (mm) ». L’arme pourrait également être lancée depuis un Rafale, « ce qui permettrait à l’Armée de l’air et de l’espace de retrouver une capacité de « close air support » (appui aérien rapproché aux forces terrestres) à distance de sécurité, avec un impact logistique limité ».

Autre piste suggérée par le rapport : le développement d’armes à fragmentation, avec des éclats métalliques intégrés dans la munition. « La roquette M30A1 tirée par le HIMARS américain emporte 180 000 billes de tungstène, permettant de neutraliser toute cible moins blindée qu’un char de combat sur plus d’un kilomètre carré en un instant », souligne la note. Dévastatrice sur le moment, cette munition a l’avantage de ne présenter aucun risque d’explosion après le conflit, contrairement aux sous-munitions explosives.

Armes thermobariques

La dernière préconisation de l’Ifri est encore plus explosive : elle suggère le développement d’armes thermobariques, qui dispersent une grande quantité de liquide inflammable dans l’air avant d’exploser pour y mettre le feu. « L’effet contre l’infanterie à découvert, les véhicules mais aussi les fortifications est particulièrement dévastateur, n’ayant pas besoin d’un contact direct pour endommager leur cible », souligne la note.

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Léo Péria-Peigné, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri

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