Contre-terrorisme et islamisation du Caucase du Nord
Les violences ont décru en Tchétchénie depuis 2004, en particulier du fait d’une évolution des tactiques russes, mais elles essaiment dans tout le Caucase du Nord. Si la crise de régimes népotiques et corrompus du Caucase du Nord constitue un facteur évident de la transformation des communautés musulmanes – les Jamaat – en vecteurs de la contestation sociale et politique, la réduction par Moscou du problème islamiste dans le Caucase à la lutte contre le terrorisme est grosse de dangers pouvant s’étendre bien au-delà de cette seule région.
L’année 2005 a été marquée par un changement significatif du paradigme sécuritaire pour le Caucase du Nord russe. Ces dix dernières années, et surtout depuis le déclenchement de la deuxième guerre de Tchétchénie (1999), les affrontements affectant cette région multiethnique et traversée par nombre de frontières administratives ont résulté de débordements de la zone de guerre. La Tchétchénie est ainsi apparue comme une sorte de « trou noir » d’où surgissaient périodiquement des attaques-surprises, telles celles du 22 juin 2004 sur Nazran en Ingouchie, ou du 1er septembre 2004 sur Beslan en Ossétie du Nord. Depuis 2005, la Tchétchénie semble être l’œil du cyclone qui s’abat violemment sur toute la région, soufflant par rafales sur des zones inattendues et semant, par tornades, le désordre dans des cités pacifiques. Un mécontentement social sédimenté constitue la principale source d’énergie de cette tempête, récupéré par des réseaux islamiques clandestins. Moscou a été manifestement étonnée par l’escalade de l’instabilité ; et la fin brutale de l’insurrection armée à Naltchik dans la Kabardino-Balkarie, le 13 octobre 2005, ne signifie pas que la Russie soit prête pour ce défi. Lors d’une très courte visite à Grozny le 12 décembre 2005, Vladimir Poutine affirmait : « Nos adversaires ignorent que la Russie a toujours été le défenseur le plus ardent et le plus fiable des intérêts islamiques ». Cette tentative de « convaincre ceux qui n’ont pas encore rendu leurs armes qu’ils poursuivent des idéaux trompeurs » témoigne d’une ignorance flagrante des motivations et de la détermination des rebelles.
Le combat contre l’insurrection après Beslan
Si le terrorisme fait désormais partie du quotidien russe, le contre-terrorisme a, quant à lui, été instrumentalisé pour divers objectifs politiques dès le début du mandat présidentiel de V. Poutine. L’attaque terroriste qui a entraîné le massacre des écoliers de Beslan a représenté un tel choc pour tout le pays qu’elle a pu aisément justifier des mesures exceptionnelles. Dans un discours passionné rappelant l’appel de Staline à ses « frères et sœurs » (1941), V. Poutine a invité le pays à une mobilisation de « guerre » contre le terrorisme international. […]
PLAN DE L’ARTICLE
- Le combat contre l’insurrection après Beslan
- La crise des régimes néopatrimoniaux
- Les Jamaat comme relais de la protestation sociale
- La Russie : quel défi islamique ?
Ce texte a été publié pour la première fois dans le n°1:2006 de Politique étrangère.
Pavel K. Baev est chargé de recherches à l'International Peace Research Institute d'Oslo (PRIO). Ses travaux sur la politique antiterroriste russe et les conflits au Caucase sont soutenus par le Conseil de la recherche et le Ministère de la Défense norvégiens.
Le texte est traduit de l’anglais par Ashley Milkop.
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De Nicolas II à Vladimir Poutine, la Russie est passée, au cours du XXᵉ siècle, par bien des métamorphoses. À l'empire tsariste d'avant la Première Guerre mondiale succède l'Union des républiques socialistes soviétiques, l'URSS, dont la vocation révolutionnaire internationaliste exprimée par Lénine cède à l'impérialisme soviétique, continental avec Staline, mondial avec Khrouchtchev et Brejnev. Devenue une superpuissance après 1945, la « patrie du socialisme » ne peut résister à l'éclatement de l'empire qu'annonce la chute du mur de Berlin, en 1989 : en 1991, la Russie renaît donc sur les débris de l'empire, et, avec elle, une nouvelle page de l'histoire russe s'ouvre devant les yeux inquiets du monde. Mais en dépit de ses spécificités et des tensions diverses qui l'ébranlent, entre Nord et Sud, Orient et Occident, christianisme et islam, la Russie fédérale entend bien s'intégrer enfin dans la communauté des grands États et cesser d'être considérée comme un acteur à part des relations internationales.
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