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Provocations russes : l’OTAN et l’Union européenne face au défi de la défense aérienne

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invité de l'émission "La Revue de presse internationale" sur

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Vendredi, trois avions de combat russes sont entrés dans l'espace aérien de l'Estonie, selon Tallinn, membre de l'UE et de l'OTAN. La Pologne et la Roumanie dénoncent aussi l'intrusion de drones russes. Comment l'Union européenne et l'OTAN peuvent-elles répondre aux provocations répétées de Moscou ? Entretien avec Élie Tenenbaum, directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri.

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Drapeau de l'Union européenne et drapeau de l'OTAN dans le bâtiment du Conseil européen, le 26 février 2021
Drapeau de l'Union européenne et drapeau de l'OTAN dans le bâtiment du Conseil européen, le 26 février 2021
Alexandros Michailidis/Shutterstock.com
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De quels moyens dispose la Russie en matière de drones, sachant que Moscou a fait de la production de drones sa priorité dans sa guerre contre l'Ukraine et, en creux, contre l'Occident ?

Oui, absolument. La Russie, n'ayant jamais réussi à acquérir la supériorité aérienne, ne peut pas envoyer ses avions habités au-dessus du ciel ukrainien et a fortiori au-delà ; elle s'est orientée massivement sur la production de drones. On parle de drones de toutes tailles et de toutes portées. Vous avez les drones extrêmement nombreux sur la ligne de front, qui ont une portée de quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres ; des drones quadcoptères avec des petites hélices et qui volent comme des hélicoptères. Plusieurs dizaines de milliers sont employés, sans doute par mois. Et puis vous avez des drones à longue portée qui sont utilisés comme des missiles de croisière : les fameux Shahed-136, conçus à l’origine en Iran et désormais produits depuis quelques années sur les bords de la mer Caspienne, sous licence, par la Russie, sous le nom de drones Geran-2. On parle de plusieurs milliers d'unités par mois. La quasi-totalité est envoyée sur l’Ukraine et ce sont notamment ces drones-là, accompagnés de leurs frappes, qui ont pénétré dans le ciel polonais et également roumain ces dernières semaines.

 

Et face à ces drones russes, envoyés vers deux pays de l'OTAN, la réponse a été le déploiement de F-16 et de F-35, des appareils qui coûtent plusieurs millions de dollars contre des moyens russes davantage bon marché. On voit la disproportion des appareils utilisés. Comment pouvons-nous adapter notre stratégie ?

Le problème n'est pas tant le coût des appareils F-16 et F-35, parce qu'évidemment ils ne vont pas être détruits par ces drones-là, mais plutôt le coût des munitions que les avions vont employer pour les abattre. Quand on voit des missiles air-air qui peuvent coûter des centaines de milliers, voire des millions d'euros, pour abattre des drones dont l'ordre de grandeur est plutôt de la dizaine, voire la centaine de milliers d'euros, on a effectivement un problème. Ce n'est pas uniquement une question d'argent, mais aussi une question de capacité de production et de ce qu'on appelle "la compétition de salves". C'est-à-dire que si les Russes envoient 20 drones, on saura faire. Mais s'ils se mettent à en envoyer des centaines, des milliers, tous les jours, comme ils le font au-dessus de l'Ukraine, alors vous allez vite vous retrouver à court de munitions. Il y a donc bien un problème qui a été identifié et face auquel la réponse devra passer par d'autres types d'intercepteurs, soit cinétiques - qui seraient moins chers, comme des roquettes par exemple, voire des petits obus. C'est ce que les Ukrainiens font avec de la défense anti-aérienne de basse couche. Soit d'autres méthodes, comme du brouillage électronique ou ce genre de procédé.

 

Est-ce que l’OTAN et l’Union européenne disposent de ces moyens, adaptés aux appareils russes ?

Alors, ce sont les nations, tout d'abord, qui mettent leurs moyens à disposition de l'OTAN. L'OTAN, en tant que telle, n'a pratiquement pas de moyens propres. Elle développe un certain nombre de systèmes, mais ils ne sont pas forcément industrialisés et mis en service en grand nombre dans les armées. Il y a donc une course contre-la-montre qui se met en place, alors même que ça fait trois ans et demi que les Ukrainiens ont tiré la sonnette d'alarme.

 

Est-ce justement ce que cherche à faire la Russie : vérifier les capacités de réponse de l'OTAN ? Est-ce peut être, aussi, une pression supplémentaire dans la guerre hybride que mène Moscou ?

Oui, cela dit tout cela à la fois. Il y a à la fois un intérêt militaire : tester les mécanismes de défense, forcer à dévoiler aussi certaines procédures OTAN pour voir comment ses membres réagissent, à quelle vitesse, où sont positionnés certains systèmes, etc. Et puis il y a une dimension beaucoup plus politico-stratégique de créer du stress, de voir quel est le niveau de solidarité entre les alliés, qui traîne les pieds et enfin de créer éventuellement une forme de confusion ou de friction entre les alliés sur la juste réponse à apporter. On a déjà vu des fissures apparaître, et ça, c'est quelque chose que la Russie cherche à exploiter au maximum.

 

> Écouter le podcast sur le site de Radio France.

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Journaliste(s):

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Catherine Duthu

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La Revue de presse internationale

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Élie TENENBAUM

Élie TENENBAUM

Intitulé du poste

Directeur du Centre des études de sécurité de l'Ifri

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Drapeau de l'Union européenne et drapeau de l'OTAN dans le bâtiment du Conseil européen, le 26 février 2021
Alexandros Michailidis/Shutterstock.com