Bachar Al Assad reçu à Moscou pour soigner la relation Syrie-Russie
Vladimir Poutine s'est entretenu avec son homologue syrien ce mercredi. Les deux alliés devaient notamment discuter d'une reprise des relations entre la Turquie et la Syrie, qui s'inscrirait dans une tendance régionale à la réhabilitation du dirigeant syrien.
Deux parias sous l'oeil des caméras. Le président russe Vladimir Poutine a reçu son homologue syrien Bachar Al Assad ce mercredi à Moscou, un an et demi après leur précédent entretien dans la capitale russe. Les deux alliés devaient discuter de leur coopération « dans les sphères politique, économique, commerciale et humanitaire, ainsi que des perspectives du règlement coordonné de la situation en Syrie et autour du pays », a indiqué le Kremlin. Cette visite intervenait douze ans jour pour jour après les premières manifestations contre le régime de Damas qui ont fait basculer le pays dans une guerre civile sanglante.
« La Russie reste l'allié en titane du régime syrien. Donc Bachar Al Assad est venu s'assurer que malgré la guerre en Ukraine, Moscou restait engagé en Syrie » explique Jean-Loup Samaan, chercheur associé à l'Ifri et spécialiste du Moyen-Orient.
Les deux dirigeants devaient aussi s'entretenir d'une éventuelle réconciliation entre Damas et Ankara, que le Kremlin s'efforce de parrainer.
Une volonté de réconciliation pragmatique
Une réunion entre les ministres turc, syrien et russe de la Défense a ainsi eu lieu en décembre à Moscou, une première depuis 2011. Et selon des médias turcs, des diplomates de ces trois pays ainsi que de l'Iran doivent se réunir cette semaine dans la capitale russe pour préparer une rencontre au niveau de leurs ministres des Affaires étrangères.
Ce rapprochement entre Ankara et Damas s'inscrit dans une tendance à la réintégration de Bachar Al Assad dans le jeu diplomatique régional, bien que ce dernier ne contrôle toujours pas la totalité du territoire syrien.
« Il y a une tendance claire à sa réhabilitation dans le monde arabe », confirme Jean-Loup Samaan, rappelant que « depuis deux trois ans, les Emirats arabes unis, le Bahreïn et Jordanie ont renoué des liens avec le régime syrien. »
Il y a un peu moins d'un an, Bachar Al Assad était ainsi chaleureusement reçu à Abu Dhabi pour la première fois depuis 2011. Les Saoudiens pourraient désormais suivre cette tendance, après la reprise de ses relations diplomatiques avec les Iraniens, alliés de Damas.
« Pour ces pays, la première raison derrière cette volonté de réconciliation est pragmatique : Assad est là, il n'est pas prêt à quitter le pouvoir donc ça ne sert plus à rien de financer les rebelles, poursuit Jean-Loup Samaan. Deuxièmement, la politique régionale des Emiriens et des Saoudiens est de soutenir les régimes autoritaires contre les rebellions islamistes. Donc c'est aussi cohérent pour eux de soutenir Assad que le président Sissi en Egypte, le maréchal Haftar en Libye, la junte militaire au Soudan. »
« Diplomatie du séisme »
Bachar Al Assad a aussi bénéficié d'une « diplomatie du séisme », après les tremblements de terre dévastateurs de début février, ce qui lui a permis de sortir davantage de son isolement : des dirigeants l'ont appelé pour lui présenter ses condoléances, notamment le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi avec lequel il s'agissait de leur premier échange. De nombreux pays ont aussi proposé une aide humanitaire, dont les Emirats arabes unis qui ont mis en place un pont aérien. Deux nouveaux points de passage se sont aussi ouverts à la frontière entre la Syrie et la Turquie.
Du côté des Occidentaux, les Américains puis les Européens ont levé pour six mois des sanctions contre le régime syrien afin de faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire. Le président syrien « en tirera forcément des profits financiers et politiques, c'est inexorable », souligne Jean-Loup Samaan.
Il reste toutefois une étape importante dans la réhabilitation du dictateur syrien sur la scène régionale : sa réintégration au sein de la Ligue arabe, dont Damas est un membre fondateur, et qui a été suspendue peu après le début de la guerre civile syrienne. Les débats montent depuis quelques années sur sa réintégration, poussée par des pays comme l'Algérie qui n'ont, eux, jamais rompu avec Bachar Al Assad.
> Retrouvez l'article sur Les Echos.
Média
Partager