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Dimitri Minic, spécialiste de l’armée russe : « La crédibilité du Kremlin est ébranlée »

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interviewé par Cédric Pietralunga dans

  Le Monde
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Dans un entretien au « Monde », ce chercheur spécialiste de l’armée russe estime qu’un ralliement d’une partie des forces armées au fondateur du Groupe Wagner, Evgueni Prigojine, n’est plus à exclure.

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Chercheur au centre Russie-Eurasie de l’Institut français des relations internationales, Dimitri Minic est un spécialiste de l’armée russe, et l’auteur de l’essai Pensée et culture stratégiques russes. Du contournement de la lutte armée à la guerre en Ukraine (Editions de la Maison des sciences de l’homme, avril 2023).

 

Comment expliquez-vous la mutinerie engagée par Evgueni Prigojine, le chef de la milice Wagner ? Quelles sont ses motivations ?

D’abord, ce n’est pas une « mutinerie ». La lucidité dont Prigojine peut épisodiquement – comme hier encore – faire preuve sur la guerre de la Russie en Ukraine rend très peu probable qu’il ait cru à son propre récit des « mauvais boyards » [le ministère de la défense russe] manipulant et trompant [le président Vladimir] Poutine. Il faut décentrer et retracer la trajectoire récente de Wagner. Prigojine n’a cessé de critiquer les chefs militaires, le gouvernement et les dirigeants, en des termes parfois équivoques laissant planer le doute sur le véritable destinataire : Poutine lui-même. [...]

Attaquer le ministère de la défense, briser le récit officiel sur les raisons de « l’opération militaire spéciale », s’opposer à la loi sur les volontaires : tout cela revenait à attaquer directement Poutine.

J’émets l’hypothèse que son récit s’est concentré, hier encore, sur le ministère de la défense pour des raisons de communication : il était préférable d’éviter de passer pour un chef de guerre seulement avide de pouvoir en s’opposant directement à Poutine. [...]

Pourtant, Prigojine a persisté et s’est donc opposé, par les moyens de la force armée, à la volonté du dirigeant du pays. L’allocution de Poutine, le 24 au matin, et les réponses des Wagner ont levé le doute : « Nous aurons bientôt un nouveau président », a affirmé un compte relais de Wagner sur les réseaux sociaux.

 

Quelle peut être l’attitude des forces régulières russes face à cette action d’une milice privée ?

Si l’on en croit le déroulement de la première phase de l’opération de Wagner en Russie, durant la nuit, les forces dépêchées par le Kremlin (FSB, les services de sécurité, et Rosgvardia, la garde nationale) n’ont pas opposé de vraie résistance aux Wagner, même s’il semble qu’il y ait eu des affrontements à Voronej, impliquant notamment les forces aérospatiales russes.

Est-ce un manque de volonté, un manque de moyens, ou une impréparation de ces forces de sécurité ? C’est difficile à dire. On a déjà vu les faibles capacités des réserves russes à Belgorod [à la frontière avec l’Ukraine], quand des unités irrégulières soutenues par l’armée ukrainienne se sont introduites sur le territoire russe. Aujourd’hui, l’image et la crédibilité du Kremlin ont une fois de plus été ébranlées sur le thème central du contrôle et du maintien de la sécurité. [...]

 

Il y a donc un risque réel que l’armée russe bascule dans le camp de Prigojine ?

Le risque existe, y compris chez les forces de sécurité. L’armée est restée fidèle au régime poutinien jusqu’ici, même si, dans les années 1990, les relations civilo-militaires ont été très tendues. Mais le cas présent est tout à fait différent : la majeure partie des meilleures troupes professionnelles des forces armées a disparu en Ukraine ; l’armée actuelle doit tenir la ligne de front là-bas ; et il y a une armée factieuse, Wagner, d’environ 25 000 hommes, dont le chef est suivi et décidé à en découdre.

 

> Lire l'article dans son intégralité sur le site du Monde

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Dimitri MINIC

Dimitri MINIC

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Chercheur, Centre Russie/Eurasie de l’Ifri