17
déc
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Marc-Antoine EYL-MAZZEGA, cité par Vincent Collen dans Les Echos

Pourquoi les Européens multiplient leurs capacités d'importation de gaz liquéfié

Après l'Allemagne ce week-end, de nombreux pays européens comptent se doter de terminaux d'importation de GNL pour pallier l'effondrement des exportations de gaz russe. Des investissements massifs critiqués par les défenseurs de l'environnement.

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De l'Irlande à Chypre, de la Finlande à la Sicile, l'Europe est en train de se doter de capacités inégalées d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) pour faire face à l'effondrement des exportations de gaz russe imposé par Vladimir Poutine. Le Vieux Continent dispose déjà d'une vingtaine de terminaux portuaires capables de recevoir le GNL acheminé par navire méthanier, de le chauffer pour lui restituer sa forme gazeuse et de l'injecter dans le réseau de gazoducs du pays importateur.

« Mais ces capacités de regazéification ne sont pas toujours situées là où on en a le plus besoin », relève Giovanni Sgaravatti, de l'Institut Bruegel. La France, le Royaume-Uni et l'Espagne avaient tiré parti de leurs larges façades atlantiques pour s'équiper, mais d'autres pays comme l'Italie en avaient peu et l'Allemagne n'en comptait aucun. « Or ce sont justement ces Etats qui étaient les plus dépendants du gaz russe », relève Michael Stoppard, analyste chez S&P Global.

Changement de stratégie

Ces pays ont dû changer de stratégie en catastrophe, « ils se sont précipités pour construire les infrastructures nécessaires », reprend Giovanni Sgaravatti. Même ceux qui étaient bien dotés ont annoncé des extensions de capacités, comme la France, qui prévoit l'installation d'un terminal flottant dans le port du Havre, ou la Croatie, qui compte doubler son potentiel d'importation d'ici à 2024.

Moins d'un an après l'invasion de l'Ukraine, presque tous les pays européens disposant d'un accès à la mer ont annoncé des projets de terminaux terrestres ou flottants, qui sont à des stades plus ou moins avancés. L'Allemagne a inauguré son premier ce week-end à Wilhemshaven, en mer du Nord.

« Economie de guerre »

Le total des capacités d'importation européennes monterait à 247 millions de tonnes de GNL fin 2023, a calculé S&P Global, une hausse de 20 % en un an.

« L'Allemagne et d'autres ont raisonné dans le cadre d'une économie de guerre, les procédures administratives et techniques ont été accélérées », explique Marc-Antoine Eyl-Mazzega, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).

Et ce n'est pas tout : d'autres terminaux flottants doivent entrer en service en 2024, en attendant des infrastructures terrestres en Allemagne, en Irlande ou en Italie, des projets plus lourds et plus coûteux qui sont moins certains et mettraient plusieurs années à voir le jour.

Verrouiller la consommation

Les défenseurs de l'environnement s'inquiètent. Les Européens seraient en train de verrouiller leur consommation de gaz avec ces investissements massifs, dont le total est estimé à 7 milliards d'euros par Global Energy Monitor. Ils menaceraient de « faire dérailler les objectifs de l'Union européenne » selon cette ONG.

« La plupart des projets concernent des terminaux flottants, qui sont par nature provisoires et pourront être amarrés ailleurs dans le monde lorsque la consommation de gaz aura suffisamment baissé en Europe », répond Marc-Antoine Eyl-Mazzega. « La réalité, c'est que la demande européenne ne recule pas assez vite pour qu'on puisse se passer de ce type d'infrastructures aujourd'hui. La résilience a un coût. »

Ces projets permettront d'améliorer l'approvisionnement de l'Europe, mais ils ne résoudront pas le problème de fond : les capacités mondiales de production de GNL sont insuffisantes pour compenser la quasi-disparition du gaz russe. Les investissements massifs annoncés pour des usines de liquéfaction de gaz aux Etats-Unis ou au Qatar ne se concrétiseront pas avant 2025 ou 2026. Si la consommation de GNL en Chine remonte en flèche avec la fin de la politique "zéro-Covid" de Pékin, les Européens risquent bien de manquer de gaz l'hiver prochain.

 

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