21
aoû
2023
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Jean-Christophe NOËL, interviewé par Margaux Benn dans Le Figaro

Feu vert danois et néerlandais à la livraison de F-16 à l’Ukraine

C’est une décision «historique», selon Volodymyr Zelensky: le Danemark et les Pays-Bas ont promis de livrer, à eux deux, un total de 61 avions de combat américains F-16 à l’Ukraine, deux jours après le feu vert américain sur le sujet. L’armée de l’air néerlandaise, dotée par ailleurs de 28 F-35, se serait engagée à faire don de ses 42 F-16.

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Alors que la contre-offensive dans le sud du pays semble piétiner depuis plusieurs mois, ces annonces sont une victoire pour le président ukrainien, qui poursuivait lundi sa tournée européenne en Grèce.

Dès le début du conflit, l’armée de l’air ukrainienne a été grandement affaiblie. Selon un décompte du site spécialisé Oryx, en janvier dernier, l’Ukraine - à la flotte déjà peu nombreuse - avait perdu 60 avions de chasse, et la Russie 70. La Pologne et la Slovaquie ont acté la livraison, cette année, de plus d’une vingtaine de chasseurs MiG-29, que les Ukrainiens ont doté de missiles antiradars américains et autres «munitions intelligentes» occidentales. Mais malgré ces efforts, l’Ukraine ne dispose pas d’une armée de l’air solide, capable de surpasser les systèmes russes de défense antiaérienne.

«Aujourd’hui, il n’y a pour ainsi dire pas de guerre aérienne au-dessus du champ de bataille ukrainien, les deux armées de l’air s’étant neutralisées mutuellement. Recevoir des F-16 sera, pour l’Ukraine, un moyen d’ajouter une troisième dimension au conflit, qui aujourd’hui se joue principalement sur terre et en mer», explique Jean-Christophe Noël, colonel de l’armée de l’air en retraite et chercheur associé au Centre des études de sécurité de l’Ifri.

Des appareils polyvalents

La plupart des Occidentaux tardent à se décider à livrer des avions de chasse à Kiev. Certains analystes estiment que les moyens aériens ne joueront pas un rôle décisif dans le conflit, les deux parties disposant de systèmes antiaériens efficaces. D’autres leur opposent que des moyens aériens sophistiqués permettraient à l’Ukraine d’améliorer sa capacité opérationnelle, de contrer la défense antiaérienne de Moscou, de mener davantage d’opérations de surveillance et de reconnaissance, et bien sûr de frapper les positions ennemies.

Les F-16, surnommés «faucons de combat», ne sont pas des appareils dernier cri, mais ces avions, dits de «quatrième génération», ont l’avantage d’être polyvalents, tout en étant relativement bon marché. «Si l’on prend en compte le coût, l’efficacité et la disponibilité, il s’agit de l’un des avions de chasse les plus intéressants sur le marché», affirme Jean-Christophe Noël.

Les annonces danoise et néerlandaise pourraient-elles infléchir les positions de Washington ou Paris? En janvier dernier, déjà, Frank Saint-John, directeur d’exploitation de Lockheed Martin, avait confié au Financial Times que l’entreprise «augmenterait la production de F-16 afin d’être en mesure de répondre de manière très satisfaisante aux besoins des pays qui choisiraient de procéder à des transferts tiers pour contribuer au conflit».

Joe Biden s’était dit prêt à autoriser d’autres pays à fournir ces avions de confection américaine. «Si le Danemark et les Pays-Bas ont annoncé vouloir livrer des F-16 c’est qu’ils ont eu l’aval de Washington», rappelle Jean-Christophe Noël.

«Pour l’instant, donc, il n’y a pas de raison que Washington se décide à livrer directement des F-16 à Kiev.» En ce qui concerne la France, «le volume de notre flotte de combat fait qu’il serait déraisonné de livrer des Rafale*, par exemple, car nous ne serions tout simplement plus en mesure d’assurer notre défense aérienne, l’alerte nucléaire et nos opérations actuelles», estime Jean-Christophe Noël

Pour autant, Le Figaro révélait en mars dernier que la France formait des «personnels militaires ukrainiens» aux avions de combat Mirage 2000*; Tout comme les États-Unis fournissent un apprentissage aux aviateurs ukrainiens sur des F-16.

Formation des pilotes ukrainiens

Cette victoire politique de Zelensky se traduira-t-elle sur le terrain?

«Si l’Ukraine parvient à obtenir une réelle supériorité aérienne, alors elle pourra plus facilement prendre l’initiative au sol et cibler les troupes et la logistique ennemies, ce qui modifierait la configuration de la guerre en faveur de Kiev», estime-t-il.

Pour autant, le délai de livraison de ces avions et, surtout, le temps qu’il faudra aux pilotes ukrainiens pour être formés au maniement des F-16 détermineront l’efficacité de ces annonces.

«Un pilote expérimenté pourra mener des missions basiques au bout d’environ six mois. Mais apprendre à exploiter pleinement ces appareils, à en maîtriser toutes les ressources, et à l’utiliser en coordination avec d’autres avions, se comptera probablement plus en années», souligne l’ancien pilote de chasse.

Le Danemark et les Pays-Bas ayant précisé que la livraison ne se ferait qu’au terme de la formation des pilotes ukrainiens, aucun F-16 ne sera donc vraisemblablement utilisé opérationnellement en Ukraine avant 2024. Les militaires ukrainiens devront se montrer aptes à coordonner les opérations des armées de Terre et de l’Air, alors que jusqu’à présent, ils n’ont pas pu en acquérir l’habitude. «Tout cela dans un environnement compliqué, où l’armée russe cherchera certainement à cibler ces avions qui sont moins rustiques que ses propres avions de chasse», prévient Jean-Christophe Noël.

*Le Rafale et le Mirage 2000 sont fabriqués par Groupe Dassault, propriétaire du «Figaro».

 

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