25
nov
2019
Espace Média L'Ifri dans les médias
Laurence NARDON, citée dans 20 minutes

Présidentielle américaine : L’argent va-t-il élire le prochain locataire de la Maison Blanche ?

La course à la Maison Blanche est-elle en train de devenir une course au compte en banque ? L’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, neuvième fortune mondiale, a officialisé, ce dimanche, candidature à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle américaine de 2020.

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Michael Bloomberg, Donald Trump, Tom Steyer ou encore  Elizabeth Warren… Si leurs fortunes sont très différentes, nombre de candidats à la Maison Blanche affichent un compte en banque (vraiment) bien garni. Faut-il forcément être riche pour avoir une chance de remporter une élection aux Etats-Unis ? La chance d’un candidat est-elle proportionnelle à sa fortune ? 20 Minutes fait le point.

Qui a le portefeuille le plus garni ?

Avec 55,5 milliards de dollars, Michael Bloomberg, neuvième fortune du monde, selon le dernier classement Forbes, est loin devant ses adversaires, notamment Donald Trump, dont la richesse est extrêmement difficile à estimer. Le locataire de la Maison Blanche ayant refusé de publier des informations précises sur sa situation, sa richesse soulève beaucoup d’interrogations.

  • « On ne sait pas vraiment à combien se monte sa fortune. Il prétend être extrêmement riche, mais il n’a jamais donné aucun document. On pense qu’il exagère sa richesse », explique  Laurence Nardon, directrice du programme États-Unis à l’Institut français des relations internationales (Ifri) et intervenante pour les podcasts de Slate, Trump 2020.

En 2015, Donald Trump avait pourtant déclaré que ses biens dépassaient les « dix milliards de dollars ». Mais selon les derniers chiffres de Forbes, sa fortune s’élèverait plutôt à 3,1 milliards de dollars. Le candidat démocrate, Tom Steyer, a une fortune estimée à 1,6 milliard de dollars, selon le magazine. Et parmi le reste des candidats démocrates et républicains, Suivent ensuite dix-sept millionnaires : John Delaney (200 millions), Michael Bennet (15 millions), Elizabeth Warren (12 millions), Joe Biden (9 millions), Kamala Harris et Joe Sestak (6 millions), Beto O’Rourke (4 millions), Bill de Blasio et Bernie Sanders (2,5 millions), Jay Inslee et Amy Klobuchar (2 millions), Cory Booker, Steve Bullock et Amy Klobuchar (1,5 million), Kirsten Gillibrand, Seth Moulton et Andrew Yang (1 million).

La fortune de Michael Bloomberg lui donne-t-elle une longueur d’avance ?

Si on ne connaît pas encore le montant des dons et des financements pour la campagne de Michael Bloomberg, ce dernier a déjà acheté pour 31 millions de dollars d’encarts publicitaires. Selon la société Advertising Analytics, il s’agit de la plus grosse somme jamais dépensée par un candidat à la présidentielle américaine. Le précédent record revenait à Barack Obama, avec près de 25 millions dépensés la dernière semaine de sa campagne 2012. Mais si le montant fait tiquer ses opposants, c’est que ces publicités télévisées ont été achetées avec sa fortune personnelle. Un record jugé d’avance antidémocratique par le candidat socialiste Bernie Sanders : « Je suis dégoûté par l’idée que Michael Bloomberg ou tout autre milliardaire pense pouvoir contourner le processus politique et dépasser des dizaines de millions de dollars pour acheter notre élection ». « Je ne suis pas sûre que la carte à jouer soit celle de "j’ai plus d’argent que le type à la Maison Blanche", je pense que les gens veulent quelqu’un de différent », a déclaré, de son côté, la candidate démocrate Amy Klobuchar.

  • « Grâce à sa fortune, Michael Bloomberg peut donner le coup d’envoi de sa campagne, avant même d’avoir des donateurs. Alors que ce n’est pas possible pour les candidats qui n’en ont pas », explique Laurence Nardon. « La fortune personnelle d’un candidat est surtout avantageuse pour la précampagne. Si un candidat n’est pas connu, sa fortune personnelle peut jouer au tout début. Une fois qu’on a des donateurs, c’est différent », poursuit la chercheuse de l’Ifri, qui cite le président américain en exemple : « En 2016, Donald Trump a fait sa campagne des primaires républicaines avec sa fortune personnelle ». Pourtant, en 2016, le milliardaire avait réuni moitié moins de financement que Hillary Clinton : « Elle avait recueilli 1,2 milliard contre 646 millions pour Donald Trump », analyse Laurence Nardon. Pour la chercheuse, le président américain a surtout bénéficié « d’une couverture médiatique gratuite ». « A cette époque, il était nouveau en politique. A chacune de ses déclarations et de ses frasques, la presse le relayait, souvent pour s’en offusquer. Au final, il a eu une couverture médias gratuite », explique-t-elle.

Faut-il forcément être riche pour gagner en politique aux Etats-Unis ?

Si la chercheuse reconnaît qu’il « n’y a jamais eu autant de candidats avec des fortunes aussi élevées », elle estime que ce n’est pas le problème principal : « En réalité, les candidats à l’élection présidentielle utilisent rarement leur propre argent, à part dans la précampagne ». « Le problème de l’argent en politique aux Etats-Unis réside dans les méthodes de financement de la vie politique. Or, ces méthodes ont été dérégulées depuis plusieurs années », explique-t-elle. Aux Etats-Unis, le financement des campagnes électorales provient de donateurs privés, d’entreprises, de lobbies et même de syndicats, via notamment les « Super PAC », les « Political Action Committees ». Ces comités de soutien des partis ou des candidats lèvent des fonds pour financer des campagnes. Et depuis 2010, il n’y a plus aucune limite au montant de ces dons.

  • « Mais la légende selon laquelle, plus un candidat lève d’argent, plus il a de chances de remporter l’élection n’est pas toujours vraie », poursuit la chercheuse. Alexandria Ocasio-Cortez, la jeune députée démocrate élue à la Chambre des représentants en 2018, était serveuse avant de fouler les marches du Congrès. « Elle a fait sa campagne en faisant du porte-à-porte, sans aucun moyen », détaille Laurence Nardon, qui ajoute : « Les candidats qui n’ont pas de fortune aux Etats-Unis sont un peu défavorisés, c’est vrai. Mais c’est là que le charisme et la personnalité rentrent en jeu ».

Un article à retrouver sur le site de 20 minutes

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