Ce que l’on sait du possible accord migratoire entre les Etats-Unis et le Rwanda
Pour sa vaste campagne d’expulsion de migrants, l’administration Trump négocie des arrangements avec des pays tiers. Du côté du Rwanda, la proposition n’est pas anodine, alors qu’un accord de paix avec la RDC doit être négocié. Chercheur associé au sein du centre Afrique subsaharienne de l'Ifri, Thierry Vircoulon apporte son analyse sur le potentiel accord migratoire en préparation.

Les migrants expulsés des Etats-Unis pourraient-ils se retrouver dans des camps de rétention au Rwanda ? C’est en tout cas ce que suggèrent de premières discussions entre Kigali et Washington, selon une déclaration du ministre rwandais des Affaires étrangères. « Ces informations sont vraies, nous sommes engagés dans des discussions avec le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique », a déclaré Olivier Nduhungirehe, aux médias d’Etat mardi 6 mai.
De son côté, Washington, qui a lancé une vaste campagne d’expulsions d’étrangers depuis l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, tente de négocier des arrangements très controversés pour envoyer des migrants vers des pays tiers.
« Pas nouveau pour nous »
Le petit pays, situé dans la région des Grands Lacs, n’est pas à son coup d’essai. En 2024, le Rwanda avait signé un accord similaire avec le Royaume-Uni, pour accueillir les migrants clandestins que le gouvernement conservateur de l’ancien Premier ministre Rishi Sunak voulait expulser. Le Royaume-Uni avait même avancé 370 millions de livres sterling pour entamer le processus. Après un long ping-pong administratif et législatif, puis l’élection d’un nouveau gouvernement travailliste l’année dernière, Londres toutefois avait fini par abandonner le projet.
L’accord Kigali-Londres avait créé une grande controverse, la Cour suprême britannique ayant statué que l’envoi de migrants au Rwanda dans le cadre de cet accord serait illégal car il « les exposerait à un risque réel de mauvais traitements ».
Evoquant l’accord similaire avec les Britanniques, le ministre des Affaires étrangères rwandais, Olivier Nduhungirehe, a indiqué qu’un tel accord n’était « pas quelque chose de nouveau pour nous ». Cependant, bien qu’il ait confirmé que les deux nations étaient engagées dans des discussions, il a précisé qu’elles n’étaient « pas encore conclusives pour déterminer la direction que cela prendra ». « Je dirais que les discussions en sont à leurs stades initiaux, mais nous continuons à parler de ce problème des migrants », a-t-il ajouté, sans donner plus de détails.
S’attirer les bonnes grâces de l’administration Trump
Le pays veut-il devenir une référence pour les pays conservateurs obnubilés par l’expulsion des migrants ? « Le Rwanda cherche en réalité à se rendre indispensable, à entrer dans les bonnes grâces de l’administration Trump, au moment où il y a un processus de négociation de paix dans l’est de la République démocratique du Congo [RDC], qui est mené par Washington », explique auprès de RFI Thierry Vircoulon, chercheur associé au Centre Afrique subsaharienne de l’Ifri.
Autrement dit, Kigali chercherait à faire basculer les Etats-Unis en sa faveur, alors que Washington fait office de médiateur entre le Rwanda et la RDC, où l’invasion de la ville de Goma (dans l’est) par le M23, une milice accusée d’être soutenue par le régime du président Paul Kagame, a déclenché une instabilité régionale. Il s’agirait d’une contre-proposition, selon l’analyse de Thierry Vircoulon, face à une transaction proposée quelques jours plus tôt par la RDC.
Le gouvernement du président congolais Félix Tshisekedi, avait en effet proposé un autre « deal » à Donald Trump : l’accès à ses minerais stratégiques. La République démocratique du Congo est le premier producteur mondial de cobalt, mais aussi le premier producteur africain de cuivre et possède la septième réserve mondiale de lithium. « Au début, l’administration de Trump est restée sur la ligne de l’administration Biden, c’est-à-dire en désignant le Rwanda comme l’agresseur et en lui imposant de nouvelles sanctions, pointe Thierry Vircoulon auprès de RFI. Mais Donald Trump, qui a l’intention d’avoir une victoire diplomatique, qu’il n’a pas en Ukraine, ni avec Gaza, voit avec ce conflit RDC/Rwanda une opportunité pour avoir un accord de paix ». D’où le changement de paradigme de son administration, qui semble aujourd’hui ouverte à un « deal » avec l’un ou l’autre, voire les deux pays.
Lundi, l’envoyé spécial américain pour l’Afrique, Massad Boulos, a déclaré sur X avoir reçu « un projet de texte sur une proposition de paix » de la RDC et du Rwanda. Le processus devrait aboutir à « la signature de l’accord mi-juin à la Maison-Blanche », a précisé le ministre rwandais des Affaires étrangères Olivier Nduhungirehe.
« Le Rwanda cherche en réalité à se rendre indispensable, à entrer dans les bonnes grâces de l’administration Trump, au moment où il y a un processus de négociation de paix dans l’est de la République démocratique du Congo, qui est mené par Washington. » - Thierry Vircoulon
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