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fév
2010
Publications Éditoriaux de l'Ifri

La gouvernance mondiale entre organisations internationales et clubs informels Actuelles de l'Ifri, février 2010

Depuis le milieu des années 1960 sont apparues, d'abord secrètement, puis discrètement, et enfin au grand jour et en dehors des organisations internationales reconnues, des formes de concertation entre les pays présentant des préoccupations communes. Si ces dernières fonctionnent, certes, normalement, des enceintes informelles apparaissent de facto derrière leur façade et développent, en leurs marges, une force d'influence diffuse mais réelle.

La gouvernance mondiale entre organisations internationales et clubs informels

Les multiples de G et autres clubs

Ainsi les groupes, souvent dénommés par la lettre G suivie du nombre de leurs participants, se sont-ils multipliés avec des géométries variables et souvent évolutives. Partant de ceux qui regroupent le plus grand nombre de pays à ceux qui sont des clubs plus restreints, on peut tenter de faire un inventaire, qui sera loin d'être complet. Le Groupe des 77, créé en 1964, en marge de la première Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), et qui compte maintenant 130 membres, rassemble des pays en développement soucieux de définir une position commune face aux pays développés. À Washington, ce G77 se dénomme Groupe intergouvernemental des Vingt-quatre pour les questions monétaires internationales et le développement, ou Groupe des 24 au sein des institutions de Bretton Woods. Le G20, à l'origine inventé en 1999 par les États-Unis qui trouvaient que les pays européens étaient surreprésentés aux conseils d'administration du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, contournait de fait les structures officielles. À l'initiative de la France, le président George W. Bush a accepté en 2008, non sans réticence, que le G20 se transforme en instance de gouvernance économique pour faire face à la crise. Le G14, né de réunions de fait, rassemble le G8 et cinq pays émergents - la Chine, le Brésil, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Inde - auquel on ajoute l'Égypte, ce qui avait l'avantage de mettre à bord l'Égypte et l'Italie, recalés du G20. Pour sa part, le G7 devenu G8, a permis d'accueillir la Russie, mais n'évoque pas les questions économiques et financières qui continuent de se traiter à sept. Le G5 rassemble les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies qui, depuis longtemps, ont pris l'habitude de se réunir avant les réunions du Conseil : il s'adjoint l'Allemagne pour négocier le contentieux nucléaire avec l'Iran et devient donc G5 +1. Les BRIC, qui comptent quatre pays - Brésil, Russie, Inde, Chine - se rencontrent à plusieurs niveaux, dont une formation en sommet. L'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui, à son origine (avril 1996), comptait 5 membres - la Russie, la Chine et trois ex-républiques soviétiques - et était un regroupement informel, s'est transformée en avril 2001 en une nouvelle organisation internationale, dont l'Iran est membre avec le statut d'observateur. Certains évoquent un G2, qui apparaîtrait comme un directoire mondial imposé par les États-Unis et la Chine : pour l'instant, il s'agit plus d'un forum d'affrontements où s'affichent les désaccords, plutôt qu'un directoire. On passera sous silence les innombrables regroupements qui existent en marge du fonctionnement des grandes institutions internationales, et qui ont des compositions à géométrie variable, qu'il s'agisse du Groupe de Cairns, des pays insulaires, des Like-minded, du Club de Paris et autres " Groupes de contact " ou " Coalition des volontaires ". C'est un véritable inventaire à la Prévert que l'on peut ainsi énumérer.

Complémentarité ou concurrence ?

En fait parmi ces groupes, une distinction s'impose, même si elle est parfois floue. Certains d'entre eux paraissent s'inscrire dans la procédure normale de décision d'une organisation internationale. Tel est le cas par exemple du G77 dont la vocation est de définir une position commune qui sera utilisée par son porte-parole lors de la négociation des résolutions ou déclarations de cette organisation. L'Union européenne (UE) fait de même, puisque dans un nombre croissant d'organisations internationales elle ne parle que d'une seule voix, même lorsque la matière n'est pas communautarisée. En revanche, il se développe depuis les années 1960 un phénomène qui, dans certains cas, constitue un véritable défi pour les organisations internationales : en effet, d'autres enceintes semblent se poser en concurrentes et ne cachent pas la volonté de leurs participants de créer un forum, relais à leur influence, contournant les organisations officielles. C'est le cas du G7 ou du G8. Entre les deux, existent des rencontres ad hoc dont l'apparition s'explique par l'absence d'organisation compétente, comme par exemple le G20, dans sa nouvelle configuration, qui permet d'avoir un forum où peut s'exercer une gouvernance économique mondiale qu'aucune organisation n'exerce véritablement.

Cependant dans tous les cas il existe, au départ, une volonté de concertation entre pays qui, s'ils ne partagent pas les mêmes préoccupations ou les mêmes intérêts, souhaitent se rencontrer pour mieux connaître leurs positions, identifier les points de désaccords, essayer de les surmonter, et présenter une position commune propre à influencer dans le bon sens le fonctionnement des organisations internationales.

Des créations dominées par le pragmatisme

Par-delà la diversité des enceintes caractéristiques de cette évolution, quelques traits communs peuvent être dégagés. Tous procèdent d'un double besoin : besoin de se concerter avant une négociation ; besoin de trouver un substitut aux dysfonctionnements des grandes organisations internationales.

Ce besoin de concertation répond à un souci de pragmatisme, même si celui-ci n'est pas sans arrière-pensée. Il dépasse les clivages idéologiques ou d'intérêts. Même en cas de fortes divergences, un même souci d'identification des points d'accord possibles réunit les participants qui souhaitent par ailleurs éviter d'afficher en plein jour leurs points de désaccords frontaux - lesquels pourraient déboucher sur des décisions contraires à leurs intérêts. Il s'agit de construire la position commune la mieux partagée, l'objectif minimal étant de masquer les points de divergence derrière une phraséologie suffisamment vague et ambiguë pour être acceptable par tous. Telle est la vocation essentielle du G77 que ce soit à l'Organisation des Nations unies (ONU) ou aux conférences d'organisations relevant du système des Nations unies. La récente Conférence de Copenhague montre les limites de cette position commune, qui, de fait, a volé en éclats : il était en effet évident qu'au sein du Groupe des 77 les intérêts des pays insulaires, des pays pauvres, des pays émergents, des pays fortement ou faiblement pollueurs, comme les pays africains, finissent par diverger. L'OCS est née du souci de la Russie, de la Chine et de trois pays d'Asie centrale de se concerter sur les questions de sécurité qui les intéressent essentiellement, hors de la présence des États-Unis et de l'UE. Cette même volonté de créer un club à participation limitée explique la naissance du G5 en 1975, qui marque la volonté de ses membres de régler en comité restreint leurs différends et de dégager les solutions les plus conformes à leurs intérêts. Cependant, le monde du XXIe siècle n'est plus celui de 1975. Dans une économie mondialisée, la présence de nouvelles puissances économiques rendait indispensable d'élargir le club et de créer un G20, en reconnaissance du rôle économique mais également politique, joué par les grands pays émergents.

De fait, les regroupements informels peuvent être largement interprétés comme une réaction de défiance à l'égard des organisations internationales qui, le plus souvent, fonctionnent par consensus, sont réputées inefficaces, et parfois, s'agissant des organisations relevant de l'ONU, sont hostiles aux pays occidentaux. Le procès qui leur est fait tourne toujours autour des mêmes reproches : lourdeur du fonctionnement, procédure paralysante, rhétorique irresponsable, surreprésentation des petits pays, démagogie tiers-mondiste, etc. Le principe d'égalité entre États membres - un pays, une voix - fait que, sauf pour les institutions de Bretton Woods où règne un régime censitaire, Fidji a théoriquement les mêmes droits et devoirs que les États-Unis. Le Conseil de sécurité pallie cet inconvénient dans sa sphère de compétences, le maintien de la paix, mais suppose cependant le consensus des cinq membres permanents. Cependant, d'autres " grands ", comme l'Inde, l'Allemagne, ou le Japon, n'en sont pas membres. La réforme du Conseil de sécurité est improbable, à court, voire à moyen terme, tant les désaccords sont forts pour choisir les éventuels nouveaux membres permanents ou semi-permanents. De plus, rien de comparable n'existe dans le domaine économique au sens large, au moment où la grave crise que connaissent l'ensemble des pays appelle des réactions rapides et efficaces. Or la perspective de créer, au sein de l'ONU, un Conseil de sécurité à vocation économique est aussi improbable que celle d'élargir la composition du Conseil actuel.

Cependant ces enceintes informelles que l'on voulait légères, réactives et sans formalisme ont dérivé rapidement vers des structures auxquelles ce même reproche de pesanteur pourrait être adressé. La " causerie au coin du feu " est devenue dans certains cas une véritable " usine à gaz " et à cet égard, l'évolution du G5 de Rambouillet en 1975, au G7 d'Aquila en 2009 est exemplaire.

Les tribulations du G7

À l'origine existait une rencontre secrète des ministres des Finances des États-Unis, de l'Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne et du Japon qui s'étaient auto-baptisés " Librarians ". Réunis la première fois dans la bibliothèque de la Maison-Blanche, ils étaient seulement entourés des gouverneurs de leur Banque centrale, de leur directeur du Trésor et d'un preneur de notes. Lorsque Valéry Giscard d'Estaing est devenu président, il a proposé, conjointement avec Helmut Schmidt devenu chancelier, de transposer ces entretiens au niveau des chefs d'État et de gouvernement. De fait, au premier jour du sommet de Rambouillet en novembre 1975, ils étaient présents avec leurs seuls ministres des Affaires étrangères et des Finances, accompagnés d'un preneur de notes. Il ne devait pas y avoir de déclaration commune. L'idée initiale était de se concerter au moment où les opinions publiques demandaient à être rassurées, après la décision du président Richard Nixon de mettre fin à la convertibilité du dollar en or et les conséquences du choc pétrolier de 1973. Ce premier sommet fut essentiellement consacré aux questions monétaires. Il devait permettre d'enterrer la hache de guerre monétaire entre la France et les États-Unis, d'avaliser le flottement du dollar tout en décidant d'agir " pour contrecarrer les fluctuations des taux de change ". Il a débouché en janvier 1976 sur les accords de la Jamaïque, validés par le FMI.

Cependant, il est apparu rapidement qu'une simple transposition des réunions originelles entre les cinq ministres des Finances était impossible. La réunion n'avait de sens que si elle était délibérément organisée avec un déploiement médiatique imposant. Ceux qui n'étaient pas conviés ont réagi vivement, qu'il s'agisse de la présidence et de la Commission de ce qui était à l'époque la Communauté économique européenne (CEE) mais également du président du Conseil italien, Aldo Moro qui s'est présenté devant les grilles du château de Rambouillet sans avoir été invité. En cours de route le G5 est ainsi devenu G6, puis G7 l'année suivante, les États-Unis trouvant que l'Europe était surreprésentée. En outre, le président Gerald Ford ayant fait observer que plusieurs centaines de journalistes l'attendaient à l'issue de la réunion, il lui était difficile de dire que les deux jours passés à Rambouillet avaient été consacrés à une conversation entre amis, certes enrichissante, mais ne débouchant sur aucune conclusion concrète. Dans la hâte, un communiqué a été fabriqué par les hauts fonctionnaires compétents appelés d'urgence, qui ont été de facto admis à participer aux travaux du sommet.

À ce premier sommet caractérisé par une certaine improvisation a succédé, sous présidence américaine, celui de Porto-Rico, dont la préparation fut assurée par un représentant personnel des chefs d'État et de gouvernement, baptisé en 1979 du nom de " sherpa " par The Economist. Le magazine britannique faisait ainsi, bien évidemment, référence à ces montagnards népalais dont la réputation de loyauté, d'endurance et de capacité à s'adapter au terrain sont légendaires parmi les alpinistes désireux de conquérir les sommets de l'Himalaya. Ces sherpas ont pris l'habitude de se réunir plusieurs fois par an, de s'entourer de sous-sherpas et de nombreux collaborateurs et de proposer des textes que les chefs d'État et de gouvernement n'auraient plus qu'à avaliser, laissant cependant quelques points sensibles en discussion. Au départ restreints aux questions économiques, les sujets évoqués se sont étendus aux problèmes politiques, puis de sécurité et de lutte contre le terrorisme, voire de santé publique comme le sida. Dans le même temps, ces rencontres au sommet ont cru en visibilité médiatique - évolution accélérée par des préoccupations de politique intérieure. Le président François Mitterrand a été le premier à donner un caractère fastueux à ces réunions, à l'occasion du sommet tenu à Versailles (1982), et de celui dit de la Grande Arche de la Défense (1989) qui a permis une sorte de célébration à 7 du bicentenaire de la Révolution française.

Michel Jobert, dans un article mordant, s'est ainsi gaussé de ce " coûteux cérémonial d'État " et de ce " grand caravansérail qui draine désormais des milliers de journalistes et fonctionnaires ". Dans le même temps, ces réunions suscitaient des réactions de plus en plus vives de ceux qui dénonçaient ce " directoire mondial ". Cette rencontre s'est également institutionnalisée, avec un secrétariat assuré par rotation, responsable dès le mois de novembre de la préparation du prochain sommet, généralement tenu en juin de l'année suivante. Cette évolution devait nourrir les manifestations de plus en plus violentes des altermondialistes : les graves incidents survenus à l'occasion du sommet de Gênes en 2001 ont conduit à une réflexion sur le sens de ces grand-messes de plus en plus contestées.

Ainsi une double inflexion devait-elle être donnée à ces réunions. D'une part, il convenait de redonner aux sommets le caractère de véritable réunion de travail, à l'abri des turbulences. Cette évolution est perceptible dès le sommet de 2001 à Kananaskis (Canada), centre de villégiature perdu au fond d'une vallée des montagnes Rocheuses naturellement protégée par sa faune sauvage - ours et pumas -, tandis que journalistes et manifestants étaient cantonnés à Calgary, à 120 kilomètres de là. D'autre part, il a paru nécessaire d'élargir la concertation en invitant des acteurs majeurs de la vie internationale à une partie de ce sommet, choisis notamment auprès des pays émergents. Enfin, l'idée du président Jacques Chirac de réunir une véritable gouvernance économique mondiale, écartée dans un premier temps par les États-Unis, a été reprise avec succès par le président Nicolas Sarkozy qui a su vaincre l'hostilité initiale du président George W. Bush, et l'a convaincu de la nécessité de transformer l'enceinte technique qu'était le G20 en instance de gouvernance économique mondiale, pour faire face à la crise dont les États-Unis étaient en grande partie responsables.

À l'évidence, l'évolution n'est pas terminée : les G7, G8 et G20 cohabiteront-ils ou le dernier absorbera-t-il les premiers ? Du côté français, on prône le maintien des trois enceintes qui ont chacune leur utilité et qui permettent à un pays comme la France d'avoir une réelle capacité d'influence, plus difficile à faire prévaloir directement au G20. Il est probable que ces enceintes cohabiteront, l'expérience prouvant qu'il est difficile ? voire impossible de faire disparaître tout forum international, même informel. Mais le risque est que le G7 ou le G8 deviennent des coquilles partiellement vides et, pour des raisons de commodité, ne se réunissent qu'en marge des G20, lesquels, malgré leur courte existence, ont déjà une certaine tendance à l'embonpoint.

Cette évolution marque bien les avantages mais aussi les limites et les inconvénients de ces concertations informelles.

De l'informalité à l'obésité

De fait, cette tendance à la bureaucratisation, voire à l'institutionnalisation, se retrouve dans la plupart de ces instances informelles. Au niveau de la préparation, cette bureaucratisation s'est alourdie des travaux des sherpas, ourdis de ceux de leurs sous-sherpas. Pendant un an, groupes de travail et réunions de ministres élaborent des textes de plusieurs dizaines de pages ayant pour dessein de préparer la réunion des chefs d'État ou de gouvernement qui, pour la plupart, ne les auront pas lus. Un secrétariat permanent est créé de facto. Les compétences s'élargissent, dépassent les objectifs premiers pour couvrir pratiquement tous les domaines. On en profite pour réagir, en marge, aux questions sensibles du moment, comme le programme nucléaire de l'Iran, à la réunion du G20 de Pittsburgh. Le fait que ces forums débouchent dans de nombreux cas sur des sommets contribue à ralentir la solution des problèmes, les sherpas ou ministres réservant les questions les plus sensibles - mais également parfois les plus techniques comme on l'a vu à la conférence de Copenhague -, à l'appréciation et aux décisions des chefs d'État et de gouvernement. En aval, une procédure de suivi est organisée. On peut également avoir l'impression qu'à travers ces forums, qui sont ponctués de rendez-vous médiatiques réunissant plusieurs milliers de journalistes, les affaires du monde sont finalement moins traitées que les questions de politique intérieure : pour chaque chef d'État ou de gouvernement, il s'agit aussi de transformer des conclusions souvent illisibles en succès médiatique dont il devient possible de revendiquer la paternité. Cette exploitation à des fins de politique intérieure est d'ailleurs la chose la mieux partagée, chacun estimant qu'il a promu avec chance les résultats de cette rencontre, et qu'il mérite donc la confiance de ses concitoyens. L'évolution vers la médiatisation explique les réticences à supprimer telle ou telle rencontre, même si celle-ci fait largement double emploi avec d'autres. L'évolution vers l'empilement des forums informels paraît ainsi irréversible.

Des forums contestés

En effet se pose le problème de l'efficacité et de la légitimité de ces enceintes.

S'agissant de l'efficacité, on peut mettre au crédit des G5 devenus G7 des résultats tangibles : les accords de la Jamaïque en 1976, ceux du Plaza en 1985, la coordination de l'aide des pays de l'est de l'Europe après l'implosion de l'Union soviétique (URSS), le lancement des cycles de négociations commerciales dites de " Tokyo " puis de " Doha ", ont été initialement établis par des sommets du G7. Plus que l'efficacité sur le fond, c'est le choc médiatique propre à redonner confiance dans le système économique ou financier international qui est souvent recherché. Telle a été finalement la portée la plus évidente du sommet de Rambouillet après le choc pétrolier de 1975 ou du G20 réuni à Washington en 2008. Cependant, l'efficacité des sommets reste à prouver dans la plupart des négociations internationales qui se déroulent à longueur d'année. Les problèmes n'auraient-ils pas été aussi bien réglés en cheminant à travers les organisations internationales compétentes, où il est toujours loisible aux pays du G7 de se concerter ?

Le problème de la légitimité est effectivement l'élément le plus sensible. La plupart des pays protestent contre tout directoire " autoproclamé " qui imposerait ses vues au reste du monde. L'accusation et la pression des exclus sont fortes, tout au moins tant que ceux qui les profèrent ne sont pas invités à faire partie de ces forums. Ainsi, la tendance actuelle est plutôt d'accueillir de nouveaux membres parmi ceux qui estiment avoir des titres à y faire valoir.

Peu à peu se constitue une gouvernance mondiale à deux vitesses et/ou à deux niveaux, où enceintes informelles et organisations internationales cohabitent, se dupliquent et se pérennisent. Faut-il s'en plaindre ? Certes, les organisations internationales sont trop souvent traitées en boucs émissaires alors que la capacité ou l'incapacité de s'entendre des pays membres de ces organisations est seule en cause. Mais elles sont la source du droit international et donc de la légitimité des actions entreprises. La mondialisation a engendré la formation d'un système de gouvernance qui, malgré ses imperfections, fonctionne tant bien que mal. Clubs informels et organisations internationales ont, dans des registres différents, un rôle à jouer. Les enceintes informelles conservent malgré leur évolution une plus grande souplesse de fonctionnement et de réactivité. Elles permettent de tisser - entre les responsables de certains pays, présidents, Premiers ministres, ministres, mais aussi sherpas et ceux qui gravitent autour d'eux -, des relations personnelles, gages d'efficacité.

Il n'y aurait véritablement de problème que si les premiers devaient récuser la légitimité des secondes. À quelques exceptions près, une telle situation arrive rarement, et lorsqu'elle survient, il y a véritablement crise, comme l'a montré en 2003 l'intervention en Irak d'une coalition menée par les États-Unis, dont les décisions n'avaient pas été avalisées par le Conseil de sécurité. Dans ce cas, survient une crise internationale majeure remettant en cause l'architecture même du système international. La " communauté internationale " ne peut réellement fonctionner que si ce sont bien les organisations qu'elle a créées qui fixent en définitive le droit international par leurs décisions, même si celles-ci sont préparées en amont par des clubs plus ou moins restreints.

 

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