Merz, soutien ébranlé
On parle beaucoup de la crise politique en France dernièrement alors que notre voisin, l’Allemagne, est souvent considéré comme affichant une stabilité politique. Or, un conflit actuel illustre que la base de pouvoir de Friedrich Merz s’effrite, j’en parle avec notre chroniqueuse Jeanette Suess, chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes à l’Ifri.
Quel est l’origine du conflit actuel au sein de la coalition CDU-SPD en ce moment ?
La réforme des retraites constitue actuellement l’un des principaux sujets de discorde, non seulement au sein de la grande coalition mais aussi au cœur du propre camp du chancelier Merz et son parti la CDU/CSU. En toile de fond se jouent la question du soutien dont dispose Friedrich Merz dans ses propres rangs, ainsi que celle de savoir si les sociaux-démocrates, le SPD, agit de manière cohésive et s’affirme en gardien du modèle social ou en modernisateur structurel. Le nouveau paquet de réformes prévoit de maintenir le niveau des retraites jusqu’en 2031 et inclut d’autres mesures coûteuses comme un surplus de ‘retraite pour des mères allemandes’.
En quoi, la capacité de leadership de Friedrich Merz et fracturée en interne ?
Friedrich Merz fait face à une contestation grandissante, en particulier de la part du groupe des jeunes députés, fort de 18 voix, qui s’éloignent nettement de la ligne officielle. Ces questionnent également le style de direction et la capacité du chef de file à incarner l’avenir. Le désaccord va au-delà du seul dossier des retraites, en portant une revendication plus générale de solutions adaptées aux jeunes générations ; une dynamique qui pourrait à terme redéfinir les équilibres de pouvoir au sein du parti.
Qu’est-ce que ce groupe des jeunes députés critiquent, concrètement ?
La Junge Union ne mâche pas ses mots : la fixation durable du niveau des retraites, combinée à l’explosion des coûts, fait peser une charge excessive sur la génération montante et met en péril la soutenabilité de la prévoyance vieillesse.
Ces jeunes se disent ouverts à un compromis temporaire jusqu’en 2031, mais redoutent une logique de transferts continus à leur détriment. Selon eux, une réforme maintenue sans souplesse exigerait que l’on ouvre un nouveau débat, profond et sans tabou, sur l’ensemble du système de retraites – une façon de réaffirmer le rôle d’aiguillon idéologique et générationnel de la Junge Union.
Quelle est la réaction des sociaux-démocrates, en coalition avec la CDU ?
Dans ce conflit des retraites, le SPD se met en scène comme le garant de la justice sociale, insistant sur la nécessité de protéger durablement le niveau des pensions. Le vice-chancelier Lars Klingbeil (SPD) a exprimé un message ferme lors du dernier congrès régional du parti au Baden-Württemberg. « Il n’y aura aucune modification de cette loi ». Autrement dit, le SPD et le gouvernement veulent faire voter le paquet sans en modifier la substance et rejettent tout compromis avec les « contestataire » au sein de la CDU/CSU. Les négociations, selon le SPD, ont déjà eu lieu en interne et les compromis sont acquis ; il est hors de question de rouvrir ce dossier. Pourtant, au sein du parti, notamment chez les plus jeunes députés, des discussions persistent autour du financement et de la viabilité des mesures. Beaucoup défendent la stabilité promise, tout en soulignant les défis démographiques à venir. L’accusation portée contre l’Union porte sur le manque d’ambition et la froideur sociale ; le conflit s’exprime brutalement dans l’espace partisan et gouvernemental, avec des attaques directes contre Merz et la minimisation du rôle de l’État social.
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