La déclaration sino-russe du 4 février 2022 : un projet révisionniste de l'ordre international
La relation sino-russe a franchi une nouvelle étape à l'occasion de la visite de Vladimir Poutine à Pékin le 4 février 2022, soit vingt jours avant l'extension de la guerre du Donbass en une guerre de conquête menée par la Russie dans toute l'Ukraine.
Avant d'assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver, le président chinois Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont entretenus lors d'une réunion et d'un dîner, à l'issue duquel a été publiée la déclaration conjointe "sur les relations internationales entrant dans une nouvelle ère et sur le développement mondial durable". Comme son nom l'indique, cette déclaration ne porte pas sur l'état de la relation bilatérale : elle est entièrement consacrée à la vision commune aux deux chefs d'Etat de l'ordre international et des principes de gouvernance qu'ils revendiquent, tels que la démocratie ou un ordre mondial multipolaire et juste.
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L'objectif de la déclaration du 4 février 2022 - tout comme la visite d'Etat de Xi à Moscou en mars 2023 - était d'afficher la grande proximité, voire l'alignement stratégique potentiel, entre la Chine et la Russie. Elle visait deux audiences principales : le monde occidental pour alimenter la crainte de la constitution d'une alliance sino-russe et le "Sud global" afin de diffuser le message que les Etats-Unis sont une force de déstabilisation du monde, tandis que Pékin et Moscou promeuvent la paix, la stabilité et la "vraie" démocratie.
Cette déclaration est un marqueur historique fort de la relation bilatérale et de la vision commune de l'ordre international. Elle ne permet toutefois pas d'appréhender la relation dans sa globalité et sa complexité. Elle ne traite pas d'enjeux importants de la relation bilatérale et potentiellement porteurs de frictions comme la stratégie de la Chine en Asie centrale, ses ambitions dans l'océan Arctique ou les intérêts potentiellement concurrentiels en Afrique. Depuis la guerre d'Ukraine, l'autre enjeu majeur, que la Russie ne semble pas prête à aborder publiquement, est l'accroissement de la dépendance de cette dernière à la Chine, sur le plan économique surtout, et de plus en plus dans les domaines technologiques, spatial et peut-être demain militaire. L'asymétrie de la relation n'est, certes, pas un phénomène nouveau, mais il connaît une accélération forte depuis 2022 et place Moscou en situation de vulnérabilité.
Ce chapitre est paru dans l'ouvrage collectif sous la direction du général Benoît Durieux publié par l'IHEDN et la Documentation française, intitulé L'Année de la Défense nationale : Comprendre les orientations stratégiques dans un monde en recomposition.
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