20
sep
2021
Espace Média L'Ifri dans les médias
Céline PAJON, citée par Vincent Lamigeon dans Challenges

Après le choc des sous-marins australiens, quel avenir pour la France en Indo-Pacifique?

Ejectée par Canberra au profit d’une alliance avec Washington et Londres, la France garde des alliés fidèles dans la région, comme l’Inde. Pour rebondir, il faudra à la fois les cajoler et en conquérir d’autres.

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C’était il y a trois ans. Une éternité, ou presque. Le 2 mai 2018, sur la base navale australienne de Garden Island à Sydney, Emmanuel Macron dévoilait la nouvelle stratégie française dans l’Indo-Pacifique. Campé devant un des hélicoptères militaires Tigre vendus par Airbus à l’Australie, le président français appelait à la création d’un axe Paris-Delhi-Canberra pour contrer l’expansionnisme chinois dans la zone. "Si nous voulons être respectés par la Chine comme un partenaire de même rang, nous devons nous organiser, plaidait Emmanuel Macron. Ce nouvel axe Paris-Delhi-Canberra est absolument clé pour la région." L’épine dorsale du projet était le "contrat du siècle" de 12 sous-marins conventionnels, estimé à 50 milliards de dollars, paraphé avec l’Australie en 2016, qui imposait la France comme un partenaire majeur dans la zone.

Trois ans plus tard, le grand projet macronien est en lambeaux. Le contrat de sous-marins avec Naval Group? Annulé par Canberra le 15 septembre, pour se jeter dans les bras des Etats-Unis, qui lui fourniront des sous-marins à propulsion nucléaire en partenariat avec le Royaume-Uni. Le partenariat stratégique franco-australien, signé en 2012? Envoyé par le fond au profit d’une alliance à trois baptisée AUKUS (Australie, Royaume-Uni, Etats-Unis). Pour la France, acteur important de la région (1,6 million d’habitants et 7.000 militaires) et qui n’a absolument rien vu venir, l’humiliation est totale. "Cette décision unilatérale, brutale, imprévisible, ça ressemble beaucoup à ce que faisait M. Trump", a dénoncé le 16 septembre le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, avant de rappeler les ambassadeurs français aux Etats-Unis et en Australie "pour consultations".

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Pourquoi l’Australie a-t-elle envoyé valser son partenariat avec la France?

"Canberra a fait de la realpolitik, décrypte Céline Pajon, chercheur au Centre Asie du think tank Ifri. Face à une menace chinoise croissante, les Etats-Unis, puissance dominante dans la région, offrent plus de garanties qu’une France aux moyens plus limités."

De fait, depuis 2017, les relations n’ont cessé de se dégrader entre l’Australie et la Chine. Canberra, inquiet de l’hégémonie chinoise sur la région, a pris depuis quatre ans plusieurs mesures qui ont provoqué l’ire de Pékin: exclusion de Huawei de la construction du réseau 5G australien; refus de plusieurs investissements chinois sur son territoire; violentes critiques sur la politique de Pékin à Hong Kong et vis-à-vis des Ouïghours; appel à une enquête sur les origines du Covid-19.

Furieux, Pékin a contre-attaqué en décrétant une série de sanctions économiques, surtaxant l’orge, le bœuf, le charbon et le vin australiens et limitant ses achats de minerai de fer. Le discours s’est aussi fait plus agressif. "L’Australie est toujours là à causer des troubles, c’est comme un chewing-gum collé à la chaussure chinoise, écrivait en avril 2020 Hu Xijin, éditorialiste du journal d’Etat Global Times, connu pour faire passer les messages les plus agressifs du pouvoir chinois. Parfois, il faut trouver une pierre pour l’enlever."

Repli sur la sphère anglo-saxonne

Face à ces menaces à peine voilées, la France n’a pas l’envergure pour s’imposer en protecteur, statut réservé à la seule superpuissance américaine. "Avec un niveau de stress qui monte, les "Five Eyes" (alliance des services de renseignement américains, canadiens, britanniques, australiens et néo-zélandais) se replient sur la sphère anglo-saxonne, décrypte Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES). La France est ressentie comme un partenaire de second rang, pas forcément fiable." La méfiance est d’autant plus forte que le discours de Paris sur l’autonomie stratégique européenne est souvent mal compris.

"Le discours français sur l'autonomie stratégique ou la "troisième voie" est souvent traduit à tort, en Australie ou au Japon, comme une volonté de s’émanciper de l’alliance avec les Etats-Unis et les partenaires de la zone", souligne Céline Pajon, à l'Ifri.

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