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Les "diamants de conflit" brillent encore

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cité par Marine Ernoult dans

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«Le Processus de Kimberley fait partie de notre travail en faveur d’une paix durable et des droits de l’homme. Nous veillons à ce que les diamants produisent de la richesse et ne soient pas synonymes d’esclavage moderne.» La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, veut initier une nouvelle dynamique au processus qui encadre le commerce mondial de diamants.

 

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Le Processus de Kimberley émerge au début des années 2000, alors que la contrebande des «diamants de sang» finance des guerres civiles meurtrières en Angola et en Sierra Leone (50 000 morts). Ce forum de négociation internationale, qui réunit Etats, société civile et industrie, peine aujourd’hui à assurer un négoce plus responsable. «Le label "conflict free" de Kimberley n’est pas synonyme de diamant éthique. Les consommateurs doivent se renseigner plus en avant», estime Elise Rousseau, chercheuse en sciences politiques à l’Université de Namur. Concrètement, les 81 pays participants (qui couvrent 99,8% de la production mondiale) doivent contrôler l’import et l’export de diamants bruts à travers un système de certification. La traçabilité est censée être garantie de la mine au consommateur.

«Les ONG ne contrôlent rien, elles servent d’alibi»

Mais au-delà des belles lignes directrices, les crises se succèdent. La légitimité du processus est régulièrement remise en cause par la société civile. En 2011, l’ONG Global Witness claque la porte, suivie six ans plus tard par l’organisation canadienne Impact, à l’issue de la réunion du Processus de Kimberley, du 9 au 14 décembre 2017.

Ces deux membres fondateurs ne supportent plus un mécanisme «sans ambition, incapable de se réformer», selon les termes de Joanne Lebert, directrice générale d’Impact. «L’attitude hostile des Emirats arabes unis à notre égard n’a rien arrangé. D’autant plus que Dubaï ne contrôle pas strictement les pierres provenant des zones de conflit», détaille la responsable. Elle fait référence à la présidence émiratie en 2016, durant laquelle la société civile a boycotté le forum.

«Les ONG ne contrôlent rien, elles servent d’alibi», assure Thierry Vircoulon, chercheur au Programme Afrique subsaharienne de l’Ifri. «Le processus a mal vieilli et n’a pas évolué alors que le monde du diamant a changé, poursuit l’expert. Il correspond à une époque où le commerce était tenu par quelques grands acteurs sensibles à l’opinion publique. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas avec l’émergence de Dubaï comme place commerciale concurrente d’Anvers et de la Chine comme nouveau marché.» Des propos tempérés par Elise Rousseau : «Kimberley apporte une certaine transparence à un milieu jusqu’ici très opaque

Les diamants de contrebande, nerfs de la guerre en Afrique

Sur le terrain, le processus de Kimberley se révèle inefficace. La contrebande continue d’alimenter des conflits en Afrique. Entre 2002 et 2007, le trafic de diamants constitue le nerf de la guerre de l’ancienne rébellion du nord de la Côte d’Ivoire. Jusqu’à 300 000 carats sont extraits chaque année et blanchis sur le marché international avec une nouvelle origine certifiée.

De même, en République centrafricaine, l’exploitation illégale de cette ressource finance la coalition de rebelles Séléka qui renverse la président François Bozizé en 2013. Selon l’ONU, entre 2013 et 2014, 140 000 gemmes sont exportées frauduleusement vers Dubaï, le Qatar ou la Chine. Les membres du Processus décident alors d’un embargo, partiellement levé en 2016.

«Implicitement, c’est la reconnaissance que ça ne changeait rien. L’implication des groupes armés n’a jamais cessé, toutes leurs pierres précieuses passent en contrebande», avance Thierry Vircoulon. Un avis confirmé par Global Witness. En juin 2017, l’ONG met au jour l’existence d’un réseau de jeunes contrebandiers qui écoulent des diamants de guerre de Centrafrique aux quatre coins du monde, via Facebook et Instagram.

Des «diamants de sang» sur le marché

Autre faille, la définition des «diamants de conflit» jugée trop étroite. Seul le négoce de pierres brutes est contrôlé, laissant de côté les gemmes taillées et polies. Surtout, les pierres brutes sont uniquement celles exploitées par les groupes armés rebelles. Les gouvernements légitimes peuvent violer les droits de l’homme sans être inquiétés. L’exemple le plus emblématique est celui du Zimbabwe. En 2007, les militaires s’emparent d’un gisement diamantifère à Marange, dans l’est du pays, tuant sans distinction mineurs illégaux et villageois. Au total, selon l’ONG Human Rights Watch, 200 personnes perdent la vie lors de cette intervention. Sous le contrôle de l’armée, le travail forcé des enfants se généralise. Le service de sécurité d’État, accusé de violences à l’encontre de l’opposition, bénéficie directement des revenus de ces «diamants de sang».

Malgré les preuves accablantes contre le régime du président Robert Mugabe, un embargo est imposé seulement à partir de 2010. Moins d’un an après, les exportations sont à nouveau autorisées. Global Witness assure pourtant que les exactions contre la population civile se poursuivent. «Cette levée prématurée des sanctions n’est pas due à l’amélioration de la situation mais à la crainte des États africains de la concurrence chinoise», souligne Thierry Vircoulon.

Dans les prochaines années, un nouvel enjeu va s’inviter à la table des négociations : les risques environnementaux. Pour l’heure, ils ne sont absolument pas pris en compte. Ces risques se posent à terre, avec la pollution des sols, mais aussi en mer où se développe l’extraction de diamants. Au large de la Namibie, la compagnie De Beers aspire les fonds marins dans l’espoir de récolter les pierres précieuses rejetées par le fleuve Orange. «Selon les géologues, cette méthode pourrait fragiliser irrémédiablement l’écosystème sous-marin», prévient Elise Rousseau.

Des réformes difficiles

A la recherche d’un second souffle, le processus de Kimberley a besoin d’être renforcé. Mais l’adoption des décisions à l’unanimité bloque toute ambition de réforme. «La majorité des Etats refuse toute amélioration. C’est avant tout un club de producteurs et de consommateurs dont le but est de favoriser le commerce», explique Thierry Vircoulon. La présidence de l’Union européenne pourrait changer la donne. «Actualisation de la définition des «diamants de conflit», création d’un secrétariat permanent et d’un fonds d’aide pour la société civile et les États participants. L’Union a un programme de travail très prometteur», s’enthousiasme Elise Rousseau.

Thierry Vircoulon reste dubitatif. Pour lui, le label «conflict free» de Kimberley ne convainc plus : «De plus en plus de bijoutiers font du marketing en allant plus loin.» L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a également publié une série de recommandations à destination des entreprises privées pour garantir un approvisionnement responsable en minerais. Les initiatives concurrentes se multiplient et pourraient supplanter un Processus de Kimberley au point mort.

 

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Thierry VIRCOULON

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Chercheur associé, Centre Afrique subsaharienne de l'Ifri

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