08
jan
2018
Espace Média L'Ifri dans les médias
Claude MEYER, interview parue dans Ouest-France. Propos recueillis par Thomas Moysan

Economie : « La Chine sait tirer parti de nos divisions »

Faut-il s'inquiéter du rachat des entreprises européennes par des sociétés chinoises ? Oui ! On risque beaucoup dans le TGV, l'aéronautique, etc. car on transfère des technologies qui permettent l'émergence de concurrents chinois.

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La Chine sait tirer parti de nos divisions. Elle considère les pays d'Europe de l'Est comme une voie d'entrée vers l'Europe et ces pays accueillent les investisseurs chinois à bras ouverts. C'est donc extrêmement difficile d'avoir une position cohérente en Europe sur ce sujet.
 

Comment la Chine regarde-t-elle les tentatives européennes de protection économique ?

La Chine n est pas cynique, mais elle considère que l‘Europe est aussi une puissance. L’Europe n'a ni l'unité́ ni les institutions économiques et militaires nécessaires. Mais la Chine commence à sentir des résistances. Pékin souhaiterait signer un traité de libre-échange. Mais la Commission européenne est restée ferme pour dire qu'elle ne négocierait qu’un traité d'investissement. C'est seulement là qu’on mettra tout a plat et qu’on équilibrera nos relations commerciales. Car l'accès au marché chinois est encore extrêmement difficile.

 

Pourquoi Pékin protège-t-elle autant son économie ?

C'est du mercantilisme Quand les investisseurs étrangers permettent de développer l'industrie locale, ils sont les bienvenus. Mais là encore, il y a des barrières. La Chine n'autorise que des co-investissements avec ses entreprises. Petit à petit, les sociétés chinoises acquièrent un savoir-faire, jusqu'au jour où on dira à Peugeot et consorts qu'ils peuvent plier bagage. Dans beaucoup de secteurs, la Chine ne veut pas d’entreprises étrangères qui puissent concurrencer une industrie locale en développement.

 

Comment les relations économiques et commerciales avec la Chine peuvent-elles s'organiser à terme ?

Qu'on le veuille ou non la Chine sera la première puissance commerciale en 2030. ll faut développer le dialogue avec elle. Mais un dialogue qui soit exigeant et qui permette de développer des coopérations. Deux domaines doivent être explorés : le réchauffement climatique et l'Afrique. Là, il y a une possibilité́ de coopération, notamment avec la France. La Chine conquiert le marche africain et la France dispose de tout ce que Pékin n'a pas là-bas : la connaissance politique, culturelle, linguistique, etc.

 

Que pensez-vous qu'Emmanuel Macron pourra retirer de ce voyage ?

Il arrive dans une conjoncture assez favorable. Il impressionne beaucoup à l’étranger, et pour ses interlocuteurs chinois, la France est peut-être de retour avec Emmanuel Macron. Avant la priorité pour eux, c’était davantage l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Je pense qu'il va réaffirmer la nécessité d'avoir des relations commerciales équilibrées. Peut-être également va-t-il rappeler la question des droits de l'homme. Enfin, je verrais très bien une coopération entre Emmanuel Macron et Xi Jinping dans le domaine de l’environnement. Nous sommes en retard sur ce sujet.

 

Interview parue dans Ouest-France, 8 janvier 2018

Mots-clés
Commerce international nouvelles routes de la soie Routes de la soie Chine