26
jan
2022
Espace Média L'Ifri dans les médias
Carole MATHIEU, interviewée par Laura Icart pour Gaz d'aujourd'hui

« Il faut sortir de notre dépendance aux importations fossiles et déployer une offre bas carbone abondante et abordable »

Carole Mathieu est chercheuse au centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ses travaux portent sur les politiques de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique, les négociations internationales sur le climat et la politique européenne de l’énergie. Elle revient sur la notion de souveraineté énergétique dans un contexte européen en grande partie dépendant pour répondre à la demande énergétique, principalement basée sur les énergies fossiles.

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On entend beaucoup parler de souveraineté énergétique aujourd’hui. Est-elle corrélée directement à notre indépendance énergétique ?

La souveraineté énergétique est effectivement une notion en vogue, particulièrement depuis la pandémie de Covid-19 et dans ce contexte de reprise économique contrariée par la désorganisation des chaînes de valeurs et la hausse des prix de l’énergie. Ces tensions nous rappellent que nous sommes fortement dépendants de pays tiers pour la couverture de nos besoins énergétiques. Derrière l’idée de souveraineté, il y a l’ambition de maîtriser notre système énergétique, d’assurer les conditions d’une certaine autonomie tout en restant inséré dans le système énergétique mondial. L’indépendance énergétique vise davantage à un fonctionnement isolé qui s’appuierait uniquement sur des ressources locales pour ne plus être soumis aux aléas des marchés mondiaux de l’énergie.

C’est principalement aux États-Unis que ce concept a été mis en avant par les décideurs politiques. Avec la révolution des gaz et des pétroles de schiste, le pays a pu un temps imaginer un schéma quasi autarcique. In fine, une autre réalité s’est imposée pour des raisons économiques. Certes, les États-Unis ont développé une production allant au-delà de leurs besoins mais ils continuent tout de même d’importer une partie de leur énergie, preuve qu’un système autarcique éloigne de l’optimum économique. Puisque la France et l’Europe ont des ressources fossiles marginales, il convient de se concentrer sur la sécurité des approvisionnements, qui induit deux volets essentiels. D’une part, la stabilité : à défaut de production locale, cela signifie d’assurer la continuité des flux quel que soit le contexte géopolitique, en diversifiant les sources et les routes. D’autre part, l’approvisionnement doit rester abordable, sans quoi la compétitivité de l’économie est menacée. C’est ce dernier critère qui n’est aujourd’hui plus rempli. L’Europe est prise en étau entre les contraintes sur l’offre mondiale et la concurrence grandissante d’autres pôles de demande, en particulier de l’économie chinoise.

La crise des prix de l’énergie vient-elle exacerber cette notion de souveraineté ?

Nous sommes dans une période de transition, dans un système de basculement progressif vers une demande maîtrisée et une offre 100 % bas carbone. Un horizon qui fait totalement sens du point de vue de la souveraineté énergétique mais la marche est longue. Tant qu’on aura besoin de capacités thermiques pour assurer le bouclage de notre système énergétique, nous restons dépendants des approvisionnements sur le marché mondial et sujets à une fluctuation des prix. À moyen terme, nous avons donc tout intérêt à sécuriser nos conditions d’approvisionnement et à les rendre plus favorables, en particulier en ce qui concerne le gaz. La fermeture anticipée d’une partie de la flotte nucléaire européenne et l’impératif de sortir du charbon au plus vite renforcent le rôle du gaz dans le système électrique européen pour au moins ©IFRI 10 • Gaz d’aujourd’hui • no 3-2021 une décennie. Dans ce contexte et au vu des tensions grandissantes sur l’offre de gaz, l’Europe doit s’interroger sur son modèle d’approvisionnement, prendre ses distances avec la logique d’optimisation court-termiste pour privilégier la stabilité des prix à moyen terme. L’ouverture des négociations sur le nouveau « paquet gaz » européen doit être l’occasion d’élargir les marges de manoeuvre des États membres qui veulent aller dans cette direction.

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