Avec la guerre en Ukraine, les pays d'Asie centrale s'éloignent de Moscou
Depuis le déclenchement de l'invasion russe de l'Ukraine, plusieurs pays d'Asie centrale prennent leurs distances avec Moscou. Un refus de s'aligner qui révèle les relations complexes et ambivalentes que ces anciennes Républiques soviétiques entretiennent avec leur allié historique.
Faut-il y voir le début d'une perte d'influence russe en Asie centrale ? Depuis le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine le 24 février, le Kazakhstan et d'autres pays de la région se font régulièrement remarquer pour leurs subtiles prises de distance avec leur puissant allié et voisin.
Le ministère kazakhstanais de la Défense a ainsi annulé le 9 mai une parade militaire pour célébrer le Jour de la Victoire contre le nazisme, commémoration d'une importance cruciale aux yeux de Vladimir Poutine. Début mars, dans ce pays autoritaire où les rassemblements publics sont strictement encadrés, des manifestations pro-Ukraine ont été autorisées.
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"Le Kazakhstan n'avait déjà pas reconnu l'annexion de la Crimée en 2014. Depuis, les relations avec la Russie n'ont cessé de se dégrader", rappelle Michaël Levystone, chercheur à l'Ifri, spécialiste de l'Asie centrale. "Actuellement, les Kazakhstanais sont très inquiets de ce qui se passe en Ukraine."
Du mauvais côté du "rideau de fer"
En raison de leurs relations très fortes avec Moscou sur le plan sécuritaire et économique – le Kirghizstan et le Tadjikistan dépendent notablement de leurs importations de produits raffinés depuis la Russie –, les Républiques d’Asie centrale se gardent toutefois d'aller trop loin, se contentant d'une position de stricte neutralité au sein des institutions internationales. Aucune n’a voté les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU en mars condamnant l'invasion russe. Par ailleurs, le Kazakhstan a refusé de soutenir l'exclusion de Moscou du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies.
"Bien sûr, la Russie voulait que nous soyons davantage de son côté. Mais le Kazakhstan respecte l’intégrité territoriale de l’Ukraine", a expliqué fin mars Timour Souleïmenov, directeur de l’administration présidentielle, dans un entretien au site d'information européen Euractiv, assurant que son pays n'avait pas l'intention d'être mis dans "le même panier" que la Russie et de permettre à Moscou de contourner les sanctions occidentales.
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"Depuis 30 ans, le Kazakhstan a construit sa politique étrangère de manière à ne pas s'enferrer dans un partenariat exclusif avec les Russes ou avec les Chinois. La guerre en Ukraine a confirmé cette logique. Le premier partenaire économique du pays, c'est l'Europe, ce qui est très singulier en Asie centrale", note Michaël Levystone.
La crainte d'un scénarion "à l'ukrainienne"
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"Depuis plusieurs années en Russie, il y a un discours qui consiste à dire que l'État kazakhstanais n'a jamais existé. Récemment, un député de la Douma a expliqué qu'il fallait dénazifier le Kazakhstan", explique Michaël Levystone.
À l'image de l'Ukraine, une importante minorité russophone vit sur le territoire kazakhstanais.
Malgré ces tensions provoquées par l'invasion de l'Ukraine, Moscou reste un partenaire incontournable pour les pays de la région, en particulier en matière de sécurité. En janvier, le président kazakhstanais, Kassym-Jomart Tokaïev, avait été contraint de faire appel aux troupes de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) pour venir à bout de troubles civils sans précédent causés par une hausse brutale des prix du GPL.
"Aujourd'hui, en cas de crise en Asie centrale, c'est la Russie qui intervient. À court terme, elle reste la grande puissance stabilisatrice de la région", analyse Michaël Levystone. En particulier pour le Tadjikistan et le Turkménistan, qui partagent les plus longues frontières d’Asie centrale avec l’Afghanistan, "menace majeure pour la sécurité de ces deux pays, et de la région prise dans son ensemble".
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