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Pourquoi le nombre de morts en Méditerranée a-t-il doublé cette année ?

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interrogé par Thomas Guichard pour

  La Croix
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Au moins 1 146 migrants sont morts en mer Méditerranée au cours du premier semestre 2021, soit deux fois plus que l’an dernier, alerte l’Organisation internationale pour les migrations, qui appelle les États à prendre « des mesures urgentes et proactives ». À l’autre extrémité de la France, au moins 430 migrants ont traversé la Manche lundi 19 juillet pour se rendre au Royaume-Uni : un nouveau record en une journée.

Contenu intervention médiatique

Matthieu Tardis, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et spécialiste des migrations

Le nombre des décès n’est pas une science exacte - il faut parfois les estimer à partir de bateaux échoués - mais la plupart des migrants recensés par l’Organisation internationale des migrations se noient sur la route la plus dangereuse en Méditerranée : celle qui part des côtes tunisiennes et libyennes et va jusqu’en Italie, voire à Malte. Les traversées du Maroc vers les Canaries sont en hausse elles aussi depuis quelques années : là c’est autre chose, l’océan atlantique étant encore plus dangereux.

En Méditerranée, on remarque une baisse du nombre d’opérations de sauvetage en mer depuis le début de la pandémie. Auparavant, la marine italienne était présente, ainsi que les bateaux des ONG. Mais les autorités italiennes ont criminalisé le sauvetage des migrants en mer, et imposent également des restrictions fortes aux bateaux qui partent en mer sous couvert de Covid-19. Cet été, il n’y a quasiment plus de bateaux destinés au sauvetage, alors que l’on est en pleine saison des traversées, la mer étant plus calme à cette période.

Les Européens ont transféré les opérations de sauvetage aux garde-côtes libyens. Via un fonds d’urgence adopté en 2015, l’Union européenne les forme et les équipe en matériel. Ce sont eux qui interceptent les bateaux avant que les migrants ne touchent le sol européen - ce qui obligerait l’Europe à leur garantir des droits.

Cela fait plus de vingt ans qu’il y a des morts en Méditerranée. La stratégie européenne de déléguer la rétention des migrants à des pays tiers - du Maroc à la Turquie - ne donne pas de bons résultats sur le plan humanitaire. Elle est même en train de devenir un piège géopolitique pour les Européens : ces pays à qui l’on a confié la gestion des flux migratoires font chanter l’Union européenne et menacent régulièrement de laisser passer les migrants. On leur a accordé un peu de notre souveraineté : notre modèle européen s’affaiblit en termes de droits de l’homme.

Si le nombre de morts a doublé au début de cette année, c’est parce que 2020 a été une année un peu spéciale. La moitié de l’humanité étant confinée, il y a eu une baisse des flux migratoires de manière générale. La mer Méditerranée ne représente qu’une partie ultra-minoritaire des arrivées en Europe. On dénombrait 2,5 millions d’entrées irrégulières sur le sol européen dans les années 1970, 1 million seulement en 2015.

Il est de plus en plus difficile de traverser le Sahara. Le Maroc, la Tunisie et l’Algérie contrôlent davantage leurs frontières et renvoient plus qu’avant les migrants venus d’Afrique subsaharienne. L’essentiel des flux migratoires en Europe - mais c’est vrai aussi en Afrique et sur les autres continents - est régional. Ils viennent surtout d’Ukraine et des Balkans.

Lire l'entretien sur le site de La Croix

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Matthieu TARDIS

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Ancien responsable du Centre migrations et citoyennetés de l'Ifri