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Poutine, fragilisé dans son pré carré postsoviétique

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La Biélorussie, l’Azerbaïdjan et maintenant le Kirghizistan, ces républiques de l’ex-URSS alliées de la Russie sont marquées par les crises. Un coup dur pour le maître du Kremlin, en difficulté dans la région et dans son pays.

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Après la Biélorussie, dont la population manifeste depuis août dernier contre la réélection jugée frauduleuse du président Alexandre Loukachenko, l’instabilité gagne les républiques postsoviétiques, alliées au président russe Vladimir Poutine. Depuis deux semaines, le monde suit avec intérêt ce qui se passe au Haut-Karabakh, où les séparatistes arméniens combattent le gouvernement azéri dans cette enclave du Caucase. Et voilà que depuis une semaine, c’est le Kirghizistan qui attire à son tour l’attention. Un mouvement de révolte a éclaté dans ce petit pays montagneux d’Asie centrale, après la contestation, par une partie de la population, des résultats des élections législatives, soupçonnées d’être entachées d’irrégularités.

« Le Kremlin exerce un pouvoir régional dans le monde postsoviétique. C’est la sphère d’influence russe qui est ici touchée », analyse pour L’OLJ Stefan Meister, chercheur en politique étrangère et directeur du bureau de la Fondation Heinrich Böll à Tbilissi.

L’attitude du président russe ces derniers jours dans le Caucase révèle les limites de l’influence de Moscou dans la région. Alors qu’elle tentait depuis la reprise des hostilités au Haut-Karabakh, le 27 septembre, de se positionner comme arbitre du conflit entre le gouvernement azéri et les séparatistes arméniens, la Russie est parvenue à négocier une trêve humanitaire entre les belligérants samedi. Il n’aura cependant fallu que quelques heures avant que le cessez-le-feu ne soit rompu, les deux parties s’accusant mutuellement d’avoir frappé le camp ennemi.

Une désillusion pour Vladimir Poutine, déjà fragilisé par la montée en puissance d’autres acteurs étrangers dans l’espace postsoviétique, au premier rang desquels la Turquie. 

« L’annonce d’un cessez-le-feu lors d’une rencontre à Moscou pouvait annoncer un retour gagnant de la diplomatie russe. Or son échec semble démontrer la difficulté de maîtriser les acteurs sur le terrain », expose à L’OLJ Florian Vidal, chercheur au centre Russie de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Biélorussie et Kirghizistan

À cela s’ajoute les révolutions qui défient le pouvoir en Biélorussie et au Kirghizistan. À Minsk, une contestation historique est née lors de l’élection présidentielle biélorusse, le 9 août, marquée par des fraudes massives selon la population. Des milliers de manifestants battent le pavé tous les dimanches depuis deux mois pour s’opposer au gouvernement. Vladimir Poutine a fait part de son soutien au président biélorusse Alexandre Loukachenko, alors que l’opinion publique était jusqu’à présent jugée favorable à la Russie.

Même climat de violence au Kirghizistan, où la population rejette les résultats des législatives du 4 octobre pour cause de fraude. Le lendemain, le pays comptait plus d’un millier de blessés et un mort, à l’issue de manifestations. Le leader russe, qui dispose d’une base militaire dans le pays, s’est également prononcé en faveur du gouvernement. « La Russie craint ces mouvements sociaux qui pourraient avoir des répercussions sur le système de Vladimir Poutine », relève Stefan Meister.

Les manifestations de rue visant à renverser le pouvoir jugé corrompu en Biélorussie et au Kirghizistan représentent en effet un danger pour le maître du Kremlin, à la tête de la Russie depuis 20 ans à l’exception d’un mandat présidentiel durant lequel Vladimir Poutine a officié comme chef du gouvernement. En juillet dernier, la Russie adopte une réforme constitutionnelle, avec près de 78 % de voix favorables, autorisant Vladimir Poutine à rester au pouvoir jusqu’en 2036, soit deux mandats supplémentaires à l’issue de l’actuel, en 2024. De quoi présager, peut-être, une contestation par la population russe de l’omniprésence de Vladimir Poutine sur la scène politique intérieure. Quelques signes se sont déjà fait sentir. En juillet dernier, plusieurs milliers de manifestants se sont opposés à l’arrestation d’un gouverneur à Khabarovsk, en Extrême-Orient russe, accusé de meurtres commis 15 ans auparavant. La population y a vu un moyen d’éliminer un homme politique trop indépendant ayant été élu en 2018 face à un candidat du parti de Vladimir Poutine.

Le patron du Kremlin essuie également des critiques face à la crise économique post-Covid-19, qui a provoqué une baisse de pouvoir d’achat chez près de 40 % des Russes et une perte d’emploi chez 10 % d’entre eux. « Une partie de la population s’interroge sur les dépenses du gouvernement à l’étranger, avec l’envoi de soldats en Syrie par exemple, alors que le pays connaît une crise économique », détaille Stefan Meister, qui rappelle cependant que Vladimir Poutine, soutenu par près de 60 % de la population, jouit encore d’une certaine popularité. « Il y a encore une certaine fierté chez les Russes à voir leur pays jouer un rôle important à l’étranger », ajoute le spécialiste.

Peur de l’UE et de l’OTAN

Vladimir Poutine n’entend pas céder en Biélorussie et au Kirghizistan alors que la Russie exerce une prépondérance dans la région. Mais un coup de force serait dangereux pour le leader russe.

« Compte tenu du précédent ukrainien, le Kremlin sait qu’il a beaucoup à perdre et peu à gagner en adoptant une posture trop offensive ou trop tranchée, en faveur de tel ou tel camp ou de tel ou tel acteur », explique Maxime Audinet, chercheur au centre Russie de l’IFRI.

Le Kremlin était intervenu en Ukraine en 2014, après le renversement du président ukrainien Viktor Ianoukovitch, opposé à la signature d’accords de rapprochement avec l’Union européenne. Pour le président russe, il s’agit surtout d’empêcher que ces pays tombent dans le giron des puissances occidentales, en particulier de l’Union européenne et de l’OTAN. La rhétorique russe accuse régulièrement l’Occident de semer la discorde dans l’espace postsoviétique, que la Russie considère comme son arrière-cour. Preuve en est ces propos de Dmitri Babitch, ancien correspondant de presse et traducteur en russe des articles publiés à l’étranger pour Russia Today, à L’OLJ : « Cela ne m’étonnerait pas que l’Union européenne soit derrière les révolutions qui agitent actuellement les anciennes républiques de l’URSS. Son libéralisme poussé à l’extrême l’amène à considérer Moscou comme son ennemi, c’est pourquoi elle cherche à tout prix à l’affaiblir. »

Si plusieurs commentateurs pro-Kremlin accusent l’Union européenne d’être derrière ces manifestations, il semblerait en réalité que le sentiment de colère et d’injustice chez les Biélorusses et les Kirghizes ait été renforcé par la pandémie de Covid-19. La mauvaise gestion de la crise par leurs dirigeants a été perçue comme une forme de mépris vis-à-vis de la population. Alors que le président biélorusse qualifiait le virus de « psychose », au Kirghizistan, c’est davantage la société civile qui s’est organisée pour combler le manque d’action du gouvernement. Hostiles à l’égard de leurs dirigeants et non de la Russie, de plus en plus de manifestants biélorusses agitent des slogans anti-Poutine dans les rues de Minsk, rendant risqué le soutien de Vladimir Poutine à son homologue biélorusse.

Les difficultés auxquelles le président russe est confronté dans sa région auront-elles des conséquences sur sa politique au Moyen-Orient ? « La Russie fait largement appel à des sociétés privées ayant recours à des mercenaires pour combattre au Moyen-Orient. Je ne pense pas que cela aura un impact direct sur la présence russe en Syrie ou en Libye car elle n’est pas si coûteuse », estime Stefan Meister.

Lire l'article sur le site de l'Orient le Jour

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Florian VIDAL

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Chercheur associé, Centre Russie/Eurasie de l'Ifri

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Maxime AUDINET

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