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Les relations transatlantiques à l'heure de la sécurité économique

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  Études
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En juin 2024 se dérouleront les élections européennes. Cinq mois plus tard se tiendra le scrutin présidentiel américain. Ce dernier sera beaucoup plus déterminant que les premières pour l’avenir du continent européen, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles.

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Thomas Gomart
Thomas Gomart
Mike Chevreuil
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Tenues pour acquises, les relations transatlantiques connaissent une profonde mutation, qui pourrait bien prendre les dirigeants européens par surprise. Ceux-ci continuent à croire que les États-Unis resteront ad vitam æternam leur fournisseur de sécurité.

Sur le plan conjoncturel, la politique internationale semble aujourd’hui suspendue au destin d’un homme – Donald Trump – dont le retour éventuel à la Maison blanche produirait, dit-on, des effets immédiats sur la guerre d’Ukraine, le conflit israélo-palestinien ou la péninsule coréenne. Sans parler des effets sur les institutions américaines qui seraient menacées par son esprit de revanche et sa volonté affichée de démanteler « l’État profond ». Soumise à diverses procédures judiciaires, sa candidature suscite un flot ininterrompu de commentaires à travers le monde car il excelle à créer l’événement médiatique. L’ancien président considère toujours avoir remporté l’élection de 2020 et radicalise son discours, notamment à l’encontre des immigrés, pour flatter sa base électorale acquise à sa vision du monde. Lors de son premier mandat, il avait heurté de front Angela Merkel, obligeant les Allemands à commencer à repenser leur modèle géoéconomique. Il avait également présenté l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) comme une sorte d’entreprise lourdement déficitaire. À ses yeux, elle coûte plus aux États-Unis qu’elle ne leur rapporte. Rarement, un homme politique se voit prêter un tel pouvoir disruptif grâce à son sens de la transgression. Son comportement fait évidemment des émules, notamment en Europe où ses modes d’intervention sont de plus en plus fréquemment singés.

Sur le plan structurel, les opinions européennes n’ont pas encore pris la mesure du décrochage économique entre l’Europe et les États-Unis. Contrairement à un discours récurrent sur leur déclin, ceux-ci conservent une place unique sur la scène internationale grâce à leur puissance réticulaire. Ils parviennent à s’adapter à une nouvelle ère, celle de « la compétition à l’âge des interdépendances » théorisée par Jake Sullivan, le conseiller national à la sécurité. En 2023, ils représentent 25 % du produit intérieur brut mondial. L’Union européenne (UE) compte, quant à elle, pour 16 %. La guerre d’Ukraine a mécaniquement resserré les relations transatlantiques dans la mesure où l’UE n’est pas parvenue, en dépit de son poids économique et de ses ambitions politiques, à sécuriser son voisinage par elle-même. Dans le domaine de la sécurité, l’Otan, élargie à la Finlande et sans doute à la Suède, apparaît comme la seule garantie crédible pour la quasi-totalité des pays européens qui n’ont cessé de désarmer depuis plusieurs décennies. Dans le domaine technologique, l’appareil productif européen se trouve toujours plus dépendant des plateformes systémiques américaines et cherche à rester au niveau en matière d’intelligence artificielle. Dans le domaine financier, le dollar continue à représenter un « privilège exorbitant ». Dans le domaine énergétique, pour finir, les États-Unis exportent davantage de gaz naturel liquéfié. À la différence de son prédécesseur, Joe Biden a multiplié les marques d’attention à l’égard de ses alliés européens. Cela étant, ses décisions économiques, prises de manière unilatérale, visent explicitement à améliorer la compétitivité américaine au détriment de celle des Européens.

Au-delà de Trump et de Biden, il faut bien comprendre le moment historique traversé par les États-Unis, bien décidés à demeurer la première puissance mondiale et à assumer leur rivalité stratégique avec la Chine. Leurs relations avec l’Europe, la Russie, l’Inde et les pays du Moyen-Orient lui sont subordonnées. Gina Raimondo, l’actuelle secrétaire d’État au commerce, résume bien une vision transpartisane en déclarant que les États-Unis doivent être beaucoup plus durs à l’égard de leurs alliés européens : il n’est pas acceptable de les voir vendre à la Chine des produits technologiques que Washington s’interdit d’exporter. Le fait que la sécurité économique constitue désormais le fondement de la sécurité nationale implique un changement de modèle auquel les Européens ne se sont guère préparés.

 

> Lire la chronique sur le site de la revue Études

 

 

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