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Visite d'Emmanuel Macron en Chine : "C'est un échec sur la scène diplomatique, coûteux en termes d'image", juge le chercheur Marc Julienne

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  Franceinfo
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La visite d'Etat de trois jours du président français à Pékin et Canton s'achève vendredi. Selon Marc Julienne, responsable des activités Chine au centre Asie de l'Ifri, rien ne s'est passé comme prévu pour le chef de l'Etat français.

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Ce déplacement visait à renouer le dialogue en face-à-face, après trois ans à distance en raison de la crise sanitaire. La visite d'Etat en Chine d'Emmanuel Macron s'achève vendredi 7 avril par une étape à Canton, où il dînera une dernière fois avec le président chinois Xi Jinping. Accompagné d'une importante délégation, le chef de l'Etat français s'est entretenu à plusieurs reprises avec son homologue, notamment sur la guerre en Ukraine, aux côtés de la cheffe de la diplomatie européenne Ursula von der Leyen. Que retenir de ces échanges ? Franceinfo a interrogé Marc Julienne, responsable des activités Chine au centre Asie de l'Institut français des relations internationales (Ifri) pour y répondre. 

 

Franceinfo : Emmanuel Macron avait fait de la guerre en Ukraine l'une des priorités de ce déplacement. Qu'en est-il ressorti, selon vous ? 

Marc Julienne : "L'Ukraine est un sujet incontournable, mais il n'aurait pas fallu le mettre en haut de l'agenda. C'était illusoire d'aller chercher à Pékin une solution à la guerre. Toutes les analyses étaient unanimes pour dire qu'Emmanuel Macron n'obtiendrait rien, et il n'a rien obtenu. Xi Jinping n'a aucun intérêt à trouver une solution politique dans ce conflit, tout comme il n'a aucun intérêt à soutenir militairement Vladimir Poutine."

 

Le président français l'a pourtant pressé de ne pas livrer d'armes à Moscou, comme l'a rapporté un diplomate français sur place... 

"L'analyse de l'Elysée n'est pas claire à ce sujet. Xi Jinping est-il un médiateur potentiel ou un soutien militaire en puissance pour la Russie ? C'est surprenant qu'on ne sache pas faire un choix entre ces deux postures. En ne comprenant pas la position de la Chine, la France envoie un signal plutôt négatif à nos partenaires en termes de crédibilité. Emmanuel Macron a sans doute cru qu'il pourrait faire changer les choses et cela valait peut-être le coup d'essayer. Mais après sa tentative de dissuader Valdimir Poutine d'envahir l'Ukraine, c'est un deuxième échec sur la scène diplomatique. C'est coûteux en termes d'image. "

 

Xi Jinping s'est malgré tout dit prêt à appeler son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Est-ce un geste suffisant, selon vous ? 

"C'est la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a rapporté en conférence de presse, après l'entretien avec Xi Jinping, que ce dernier était disposé à appeler le président ukrainien. Et qu'il le ferait quand les conditions seraient réunies. Il l'avait déjà dit, tout comme sa déclaration sur le fait que "les armes nucléaires ne [pouvaient] pas être utilisées". C'est un principe de politique générale."

 

La présence d'Ursula von der Leyen, à l'initiative d'Emmanuel Macron, était-elle une bonne chose ? 

"C'était une bonne initiative, mais rien ne s'est passé comme prévu. Entre le moment où Emmanuel Macron l'a invitée et celui de la visite, Ursula von der Leyen a prononcé le 30 mars un discours lucide et ferme à l'égard de la Chine. Elle a envoyé un signal perçu comme négatif par Pékin et cela a eu deux effets : les Chinois n'étaient pas très contents qu'elle vienne et, par contraste, la position d'Emmanuel Macron est apparue timorée face à celle, très confiante et exigeante, de la présidente de la Commission européenne.

 

Emmanuel Macron avait néanmoins l'ambition d'"être une voix qui unit l'Europe", raison pour laquelle il dit avoir convié la présidente de la Commission européenne à l'accompagner...

"La France se revendique en effet comme une puissance leader en Europe, un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et un moteur de "l'IndoPacifique". Pourtant, elle reste sourde et muette face à l'enjeu de sécurité primordial dans cette région, à savoir la stabilité dans le détroit de Taïwan. L'Elysée avait fait savoir que la question ne serait pas abordée, sauf à l'initiative de la Chine, c'est plutôt surprenant. Si demain, on ne peut plus circuler dans le détroit, voie commerciale internationale, la France sera directement touchée. Emmanuel Macron a voulu rester sur une ligne positive, mais cela ne va pas améliorer nos relations avec la Chine, qui respecte le rapport de force."

 

Le président français ne tenait-il pas aussi à incarner une "troisième voie" entre les Etats-Unis et la Chine ?

"On parle beaucoup de cette troisième voie, en effet. Mais cela peut être interprété comme une équidistance de la France entre les Etats-Unis et la Chine et cette position manque de clarté. Emmanuel Macron passe beaucoup de temps à marquer son non-alignement avec les Etats-Unis. C'est une bonne chose, mais il est plus facile de leur dire leurs quatre vérités, car ce sont nos alliés. Le problème, c'est que le président français ne fait pas la même chose avec la Chine. Il faut être tout aussi franc, voire sévère avec Pékin. Les sujets de dissension ne doivent pas être mis sous le tapis."

 

Cette visite française, à laquelle ont participé de nombreux entrepreneurs, a-t-elle tout de même été profitable sur un plan économique ?

"La signature de contrats pour les entreprises françaises est profitable, oui. Mais là encore, Emmanuel Macron a éludé un sujet de préoccupation très sérieux pour la France et l'Europe : le déficit commercial avec la Chine. Ursula von der Leyen a rappelé les inégalités d'accès au marché chinois en raison du protectionnisme. Il n'y a aucune réciprocité dans le commerce et les investissements mutuels. Le chef de l'Etat français, lui, est resté dans une position de VRP des entreprises françaises pour promouvoir les liens économiques. Mais c'est une erreur de stratégie."

 

 

>> Retrouvez l'entretien original sur le site de Franceinfo

 

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Marc JULIENNE

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Directeur du Centre Asie de l'Ifri