Comment accélérer la décarbonation des villes européennes ?
Les villes sont en première ligne pour permettre aux gouvernements de respecter leurs engagements envers l'Accord de Paris. Bien qu'elles ne couvrent que 2 % de la surface de la Terre, elles abritent entre 50 et 60 % de la population mondiale (70 % d'ici 2050 selon les Nations Unies), représentent les deux tiers de la consommation mondiale d'énergie et émettent 80 % du CO2. À titre d'exemple, les émissions de CO2 de la ville de Berlin sont équivalentes à celles de la Croatie, de la Jordanie ou de la République dominicaine. Les émissions annuelles totales de CO2 de New York sont approximativement équivalentes à celles du Bangladesh. Pourtant, leur importance cruciale n'a été reconnue que récemment, tant pour l'adaptation que pour l'atténuation.
Les villes doivent intensifier leur ambition collective et favoriser un changement sur le terrain. Elles doivent s'engager sur une voie ambitieuse de diminution (ou d'atteinte du pic) des émissions de gaz à effet de serre (GES) afin d'atteindre la neutralité carbone et la résilience climatique d'ici 2050 au plus tard. Pour cela, elles doivent disposer d'outils précis et de compétences appropriées pour élaborer des stratégies crédibles.
Malgré leurs efforts depuis plusieurs années en vue d'atteindre la neutralité carbone, notamment via les réseaux de coopération et de partenariat de maires, les villes évoluent encore largement en terrain inconnu. Cela se manifeste par la diversité des approches et outils employés. Le parcours reste compliqué en raison des limites territoriales de leur action : c'est toute la question des émissions indirectes de GES, générées par les besoins des citadins mais qui ne sont pas émises directement dans la ville. C'est d'autant plus essentiel pour la mobilité, levier majeur vers la neutralité carbone qui requiert une nouvelle approche politique (sans résultats concluants pour le moment). Pour évaluer la neutralité carbone d'une ville, C40 (Cities Climate Leadership Group, le plus grand réseau d’agglomérations mondial) identifie deux approches : l'approche sectorielle et l'approche basée sur la consommation.
L'approche sectorielle prend uniquement en compte les émissions de portée 1, soit ce qui est directement émis dans le périmètre géographique de la ville, tandis que l'approche basée sur la consommation prend en compte les émissions dont la ville est "responsable", soit les émissions liées à tout ce qui est consommé en son sein. En réalité, la grande majorité des villes ne tiennent compte que de la composante des déchets des émissions indirectes, correspondant à un niveau appelé BASIC dans les normes comptables recommandées par le C40. Les villes européennes devraient privilégier l'efficacité énergétique et la mobilité plutôt que la production d'énergie. Deux leçons majeures émergent des politiques de mobilité appliquées au cours des trois dernières décennies.
Premièrement, les mesures ponctuelles, souvent mises en avant dans la communication et le marketing territorial, s'avèrent inefficaces. Il est donc crucial d'adopter la bonne échelle pour la mise en place des actions publiques. Il est également urgent de replacer les politiques cyclables dans un cadre de politiques de mobilité plus large. Bien que les politiques cyclables sont bénéfiques pour la santé publique, le marketing territorial ne peut pas remplacer la politique climatique.
La seconde leçon tirée de ces expériences concerne les partenariats entre parties prenantes : les politiques de décarbonisation urbaine requièrent des approches transformantes, combinant transport, logement et activités humaines. Elles exigent des partenariats à long terme pour assurer l'acceptation politique et sociale, notamment en matière de mobilité, avec l'exemple typique de la relation entre le centre-ville et les banlieues, exception faite de Vienne en Autriche.
En France, les émissions de CO2 liées à la mobilité routière en centre-ville représentent seulement 2 % des émissions de mobilité individuelle, comparées à 78 % pour les déplacements entre les différentes strates des zones urbaines (les 20 % restants proviennent des zones rurales). Le travail de décarbonation de la mobilité a déjà été réalisé dans les centres urbains : c'est là où l'attention et les investissements ne devraient pas être concentrés, contrairement à ce que la communication publique des élus et des médias, obsédée par la mobilité dans l'hypercentre urbain, pourrait laisser croire. Ce sont vers les banlieues que les investissements dans les transports publics, tant ferroviaires que routiers, doivent être massivement et rapidement redirigés. C'est un processus complexe nécessitant une gouvernance sophistiquée entre les acteurs publics, étant donné que les schémas de mobilité des citadins chevauchent les logiques institutionnelles territoriales. Cependant, c'est le choix de la portée qui déterminera le succès des stratégies de neutralité carbone des villes.
L'innovation revêt une importance fondamentale pour une allocation plus efficace des ressources financières dédiées à la décarbonation urbaine. Les villes européennes devraient agir à l'échelle mondiale pour accélérer ce processus dans l'hémisphère sud. Le coût élevé des politiques d'efficacité énergétique, notamment la rénovation des bâtiments, remet en question la pertinence des stratégies urbaines eurocentriques, alors que la révolution urbaine du XXIe siècle se déploie dans l'hémisphère sud.
> la note est disponible uniquement en anglais à ce lien : Decarbonizing European Cities: How to Speed Up and Build Synergies?
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