Allemagne : cinq minutes pour comprendre la classification d’ « extrémiste de droite » de l’AfD
L’AfD (Alternative pour l’Allemagne) a été classé vendredi comme « extrémiste de droite » par les services de renseignements allemands. Cela permettra une surveillance accrue de ce parti d’extrême droite arrivé deuxième aux dernières élections fédérales.

Cette décision émane du renseignement intérieur allemand. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite arrivé deuxième aux dernières élections fédérales de février avec 20 % des voix, a été classée ce vendredi dans son ensemble comme « extrémiste de droite » par l’Office de protection de la Constitution (BfV). Ce dernier estime dans un rapport de 1 100 pages que l‘idéologie de l’AfD qui « dévalorise des groupes entiers de la population en Allemagne et porte atteinte à leur dignité humaine », n’est « pas compatible avec l’ordre démocratique fondamental ».
Dans un communiqué conjoint, les deux dirigeants du parti Alice Weidel et Tino Chrupalla ont dénoncé un « coup dur pour la démocratie allemande » et ont promis « de se défendre juridiquement contre ces déclarations diffamatoires ».
Pourquoi l’AfD a-t-elle été classifiée comme « extrémiste de droite » ?
Dans son communiqué, le BfV affirme être « arrivé à cette conclusion après une expertise approfondie ». Jusque-là, l’Afd était considéré comme une entité suspectée d’extrémisme par les services de renseignement (niveau deux sur trois), ce que le parti avait contesté en justice avant de perdre. Cette nouvelle classification atteste d’une activité extrémiste confirmée, selon le média allemand Tagesschau.
Le BfV juge que « la conception du peuple basée sur l’origine ethnique qui prévaut au sein du parti n’est pas compatible avec l’ordre fondamental démocratique et libre ». Et d’ajouter : « L’AfD ne considère pas les citoyens allemands issus de pays à majorité musulmane comme des membres à part entière du peuple allemand, tel que défini ethniquement par le parti ».
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« L’AFD va jouer les victimes. Mais le dossier est étayé, ce n’est pas une décision politique », assure Paul Maurice, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri
- D’après la chaîne de télévision allemande ZDF, des déclarations sur un prétendu « remplacement ethnique » ou des déclarations xénophobes ou islamophobes sont notamment en cause. « Cette idéologie est jugée incompatible avec les principes fondamentaux de la démocratie allemande, en particulier le respect de la dignité humaine », avance Jeanette Süẞ, chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri.
Par exemple, d’après Reuters, la direction du parti a accusé les écologistes de préparer un « plan général de remplacement de la population » en référence au plan général de l’est nazi, qui visait à réorganiser l’Europe centrale et de l’est sur des critères ethniques. De même en juillet 2023, Alice Weidel a qualifié les attaques au couteau de quelque chose d’exclusif aux « personnes issues d’une culture totalement étrangère, de cultures violentes ». « Cela n’existe pas dans notre culture. Cela n’existe que dans les cultures d’Afrique et du Moyen-Orient », avait-elle ajouté. Selon Reuters, des attaques contre la démocratie allemande ont aussi été relevées.
Que change cette décision ?
Cette classification confère aux autorités d’importants moyens de surveillance et de contrôle, y compris des communications privées. Comme l’explique le Spiegel, cette pratique était déjà possible puisque l’AfD était jusque-là considéré comme un « cas suspect » d’extrémisme.
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L’Office de protection de la Constitution pouvait par exemple déjà surveiller certains membres du parti et certaines télécommunications. Désormais, les services de renseignement pourront « surveiller plus étroitement, notamment par l’infiltration » le parti ou davantage « intercepter » ses communications, complète Jeanette Süẞ.

Chercheuse, Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri
L’AfD n’est toutefois pas interdite d’activité politique. Le Spiegel note que certaines franges locales du parti (en Thuringe, Saxe et Saxe-Anhalt) étaient déjà considérées comme extrémistes avérés et que leurs candidats ont tout de même pu se présenter aux dernières élections fédérales.
- Toutefois, « certains membres du parti exerçant une fonction publique pourraient faire face à des sanctions disciplinaires » et le parti pourrait percevoir moins de « financement public », détaille Jeanette Süẞ.
L’AfD pourrait-elle être interdite ?
C’est une question à laquelle devra répondre le futur gouvernement de Friedrich Merz, qui sera investi chancelier dans les prochains jours. Des politiciens de tous bords réclament de longue date de bannir du paysage politique ce parti fondé en 2013. Le débat est désormais relancé.
Une demande d’interdiction peut être déposée soit par la chambre basse (Bundestag) ou haute (Bundesrat) du Parlement, soit par le gouvernement fédéral, auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe (ouest) qui seule est habilitée à statuer. La procédure d’interdiction « comporte des obstacles constitutionnels très élevés, et ce pour de bonnes raisons. Il ne faut pas l’exclure, mais continuer à la traiter avec prudence. Il n’y a aucun automatisme », a pointé la ministre de l’Intérieur sortante Nancy Faeser. Le chancelier sortant Olaf Scholz a aussi conseillé de ne pas « précipiter » les choses.
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« Historiquement, les interdictions de partis politiques en Allemagne sont rares », décrypte également Jeanette Süẞ, selon qui cela n’a eu lieu que deux fois depuis 1945 (le Parti socialiste du Reich (SRP) en 1952 et le Parti communiste d’Allemagne (KPD) en 1956).

Chercheuse, Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri
Quelles sont les réactions ?
L’AfD « traite les citoyens issus de l’immigration comme des Allemands de seconde zone », a dénoncé Nancy Faeser. « Plus personne ne peut trouver d’excuses : ce n’est pas un parti démocratique », a également réagi sur le réseau social X Manuela Schwesig, ministre-présidente du Mecklembourg-Poméranie-occidentale et membre importante du SPD, le parti d’Olaf Scholz.
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Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a, lui, parlé de « tyrannie déguisée ». « C’est ça la démocratie », lui a répondu le ministère allemand des Affaires étrangères en anglais.
- « On assiste à un renversement des valeurs démocratiques du côte des États-Unis, il va y avoir une forme de bras de fer sur ce sujet », décrypte Paul Maurice.
>> >> Lire l'article sur le site Le Parisien.
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