Après six mois à la tête de l’Allemagne, les « paradoxes » de Friedrich Merz
Difficilement élu le 6 mai dernier, aujourd’hui peu populaire, le chancelier conservateur tente simultanément de maîtriser l’immigration, relancer l’économie et peser sur la scène internationale, alors que les passes d’armes se multiplient avec les sociaux-démocrates.
Coup de tonnerre politique à Berlin, le 6 mai 2025. À la surprise générale, Friedrich Merz, chef de file de la CDU, parti conservateur sorti gagnant des élections législatives du mois de février, échoue à être élu chancelier au premier tour par les députés du Bundestag. Le choc est à la hauteur de l’événement : c’est la première fois depuis 1949 qu’un candidat à la chancellerie ne remporte pas la mise dès le premier tour du scrutin. L’élection du sexagénaire au second tour par 325 voix sur 610 n’effacera pas ce « mauvais départ », qualifié par un fin connaisseur du pays d’« humiliation originelle ».
Six mois plus tard, Friedrich Merz est désormais bien installé à la chancellerie, à la tête d’une grande coalition, noire-rouge, rassemblant les chrétiens-démocrates de la CDU-CSU et les sociaux-démocrates du SPD. Il a pris ses distances avec ses deux prédécesseurs. D’abord Angela Merkel (CDU), avec laquelle il entretient notoirement de très mauvaises relations alors qu’elle avait tenté de l’éliminer politiquement pendant son règne de seize ans. Ensuite Olaf Scholz, en détricotant notamment deux mesures du chancelier social-démocrate : l’allocation citoyenne (« Bürgergeld ») et la naturalisation accélérée, en trois ans au lieu de cinq, des étrangers bien intégrés en Allemagne.
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« Chancelier de l’extérieur »
Au-delà des enjeux migratoires, Friedrich Merz se veut proactif sur le plan économique, alors que l’Allemagne, première économie d’Europe, est en récession. Dès le mois de mars, il a fait voter au Parlement l’assouplissement du sacro-saint frein à la dette et la création d’un fonds d’investissement de 500 milliards d’euros.
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« Les électeurs de la CDU lui ont reproché cette réforme à rebours de ses engagements de campagne. Ils ont eu le sentiment que pour arriver au pouvoir, il avait concédé au SPD des compromis trop importants », analyse Paul Maurice, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Secrétaire général du Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l'Ifri
L’AfD en embuscade
D’un côté, un chancelier à l’aise sur la scène internationale, dynamique et porteur de projets forts pour l’Allemagne en matière d’économie, de défense, d’immigration. De l’autre, un chancelier rattrapé par les polémiques, donnant l’impression d’être incapable de tenir sa coalition, comme son prédécesseur Olaf Scholz, et très impopulaire – il ne récolte à titre personnel que 27% d’opinions positives, et seuls20% des Allemands se disent satisfaits de l’action de son gouvernement, selon une enquête menée en octobre par infratest dimap pour l’ARD, première chaîne de télévision publique.
- « C’est tout le paradoxe de Friedrich Merz », résument d’une même voix Hélène Miard-Delacroix et Paul Maurice. « La situation est mitigée. Le gouvernement a identifié les domaines dans lesquels des réformes sont nécessaires, mais les citoyens n’en ont encore que relativement peu perçu les effets. Et la coalition doit nettement améliorer la coordination entre les partis qui la composent », conclut Uwe Jun.
Dans les mois à venir, de nombreux défis attendent Friedrich Merz. L’un d’eux, en particulier, focalise l’attention : parviendra-t-il à contenir l’essor de l’AfD ? Dans les sondages, le mouvement d’extrême droite créé en 2013 s’est peu à peu imposé comme le premier parti d’Allemagne, récoltant désormais autour de 25% des intentions de vote à l’échelle fédérale, devant la CDU-CSU et le SPD. L’AfD progresse aussi localement.
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>> >> Cet article est disponible sur le site du Figaro.
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