Gaza : le « sursaut de conscience » est-il trop tardif ?
Tandis que Benyamin Netanyahou reconnaît qu’Israël n’a pas l’intention d’arrêter la guerre, de plus en plus de voix se font entendre chez les intellectuels et les diplomates en France pour condamner les menées israéliennes à Gaza. Un réveil nécessaire, mais décalé et insuffisant, jugent les observateurs.

La fin ne semble plus justifier les moyens. Après dix-neuf mois de guerre meurtrière dans la bande de Gaza, le vent tourne en France face aux menées d’Israël. « On entend, y compris dans la communauté juive, des voix s’émouvoir de cette attitude incompréhensible du gouvernement israélien, remarquait le chef de la diplomatie, Jean-Noël Barrot. C’est en donnant de la voix qu’on peut sans doute espérer infléchir la position des Israéliens ». Delphine Horvilleur avait ouvert le ban le 8 mai en publiant une tribune, relayée par La Croix, dans laquelle la rabbine y dénonce, tout en proclamant son attachement à Israël, sa « faillite morale » et appelle à un « sursaut de conscience » face à la « tragédie endurée par les Gazaouis ». Le 11 mai, 45 intellectuels se disaient « révoltés par le sort fait aux Palestiniens, inquiets pour l’âme d’Israël », dans La Tribune dimanche. Le 13 mai, c’était au tour de 400 cinéastes et acteurs de dénoncer dans Libération l’impossibilité de garder le silence « tandis qu’un génocide est en cours à Gaza ».
Que penser de ce « sursaut de conscience », après un an et demi de guerre ?
« La réaction est un peu tardive par rapport aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne où des intellectuels et membres de la communauté juive avaient déjà exprimé leur “ horreur ” devant la situation à Gaza », juge l’ancien ambassadeur Denis Bauchard, et conseiller spécial pour le Moyen-Orient à l’Ifri.
« Quant au président Macron, son tropisme naturel, largement partagé par la classe politique, était depuis son premier mandat une inflexion pro-israélienne, et même une certaine complaisance, qui avait débuté avec Nicolas Sarkozy et François Hollande », ajoute l’ex-diplomate.
Après les attaques barbares du Hamas, la France s’était naturellement rangée du côté d’Israël. « Mais l’État hébreu engage désormais des choses qui n’ont pas de fin militaire et politique », reconnaît un haut responsable. « Les Israéliens ne veulent pas préparer la paix, parce que Netanyahou n’a pas d’intérêt politique à arrêter. » Le premier ministre israélien n’a pas dit autre chose le 13 mai : « Il n’y aura aucune situation où nous arrêterons la guerre. »
L’extrême urgence humanitaire et le recours dénoncé à la faim comme « arme de guerre » ont rendu pour beaucoup ce sursaut impératif. « La réalité, c’est que les Palestiniens à Gaza sont affamés, qu’ils sont assoiffés, qu’ils manquent de tout », a dénoncé Jean-Noël Barrot le 11 mai. Mardi, Emmanuel Macron a lui qualifié de « honte » l’action du gouvernement Netanyahou à Gaza, abandonnant une à une ses précautions oratoires des débuts.
« Il y a une évolution du président, comme de l’Allemagne, qui utilise des mots nouveaux à l’égard d’Israël, remarque Denis Bauchard. Il est inquiet de l’évolution de la situation et de ses conséquences géopolitiques, y compris pour nos intérêts. »
Ce « sursaut » sera-t-il efficace ? Seulement si cette prise de conscience est assortie de sanctions sur la fourniture de matériel militaire, tranche Mustafa Barghouti, président de l’association PMRS (Palestinian Medical Relief Society). « Netanyahou ne comprendra pas tant qu’il aura du matériel militaire, lance le médecin. Or les États-Unis et l’Allemagne continuent de fournir des armes à Israël qui a déjà lancé 100 000 tonnes de bombes sur Gaza. »
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>Lire l'article sur le site de La Croix
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