L'économie européenne de défense malade de la crise

Le secteur européen de la défense génère 86 milliards d’euros si l’on ne tient compte que du chiffre d’affaires 2009 de l’industrie de défense dans les trois segments aéronautique, terrestre et naval. L’industrie de la défense en Europe représente environ 400 000 emplois directs auxquels il faut ajouter 1,8 million d’emplois dans les forces armées. Le volume d’emplois directs de l’industrie de défense et des forces armées en Europe se situe donc aux environs de 2,2 millions.
Les exportations vers les pays tiers atteignant annuellement environ 40 milliards d’euros, l’activité de défense représente à l’échelle de l’Union approximativement 240 milliards d’euros par an, qui irriguent l’économie, via les sous-traitants, les dépenses de fonctionnement et les dépenses des ménages dans les bassins d’emplois. Pour être complet, il conviendrait d’y ajouter l’impact indirect sur l’économie d’une vaste gamme d’intervention (sécurité, sauvetage, lutte contre les catastrophes, etc.) et les effets induits des opérations extérieures qu’elles soient conduites sur une base nationale, dans le cadre de l’Union, de l’OTAN, des Nations unies ou d’une coalition.
Sans aller jusqu’à suivre Serge Dassault qui, début septembre à Salon de Provence, appelait, en parlant de la base industrielle et technologique de défense européenne, à cesser de se " gargariser avec des choses qui n’existent pas ", il nous faut bien reconnaître que l’on ne pourra parler d’une " économie européenne de défense " que lorsque nous disposerons d’un véritable marché européen de la défense et d’une politique industrielle, comme le prévoit d’ailleurs le Traité de Lisbonne.
Pour l’heure, ce que nous connaissons, en dépit de quelques exemples plus ou moins bien réussis de projets ou d’acteurs industriels transnationaux, c’est un marché extrêmement fragmenté qui a permis et permet - mais pour combien de temps encore ? - à certaines entreprises de survivre en dehors des règles classiques de la concurrence et de la compétitivité. Dans une certaine mesure, cette fragmentation - avec son lot d’intérêts divergents parmi les industriels, parmi les militaires et parmi les responsables politiques - nourrit une perception souvent fausse en termes de différences de besoins capacitaires et une inaptitude bien réelle à coopérer. Pour résumer, nous restons confrontés après plus de 50 ans d’unification européenne, à un problème culturel extrêmement profond : l’inaptitude à concevoir l’interdépendance et à l’organiser au bénéfice de tous. C’est d’autant plus absurde qu’en réalité, sur le théâtre, cette interdépendance fonctionne au quotidien. Il s’y ajoute une " porosité du marché européen " aux biens de défense d’origine américaine qui n’a d’équivalent que " l’imperméabilité du marché américain aux produits européens [1]. Enfin, les logiques industrielles et économiques diffèrent sensiblement. Il n’y a pratiquement plus qu’en France - cela aussi m’a frappé lors de la dernière université d’été - que l’on parle d’industrie " de souveraineté ". La réaction d’un parlementaire britannique en dit long, je cite de mémoire : " S’il existe un produit indien particulièrement compétitif, je ne vois pas ce qui devrait nous empêcher de l’acquérir ".
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